Pour parler à sa mère, Elie Semoun pose une urne funéraire noire sur un tabouret rouge et dit : « J’avais 11 ans quand tu es morte, alors je suis devenu comique. » Après trente années de scène, le comédien tente d’en finir avec le traumatisme de son enfance qui l’a poussé à choisir l’humour pour conjurer le désespoir. Il soulève le couvercle de l’urne, y plonge la main et en ressort une multitude de paillettes d’or qu’il lance en direction du ciel. Cette image de lâcher-prise est sans conteste la plus forte de son nouveau seul-en-scène présenté aux Folies-Bergère, à Paris, avant une longue tournée en province.
Elie Semoun et ses monstres, son septième spectacle en solo, s’inscrit dans la suite logique du précédent, A partager. Depuis qu’il a passé la cinquantaine, l’humoriste a abandonné Cyprien, Kevina, Mikeline et Toufik (les célèbres personnages de ses petites annonces) pour aborder des sujets plus sombres ou plus personnels avec un goût prononcé pour l’humour noir et la mélancolie. Vêtu d’une veste de Monsieur Loyal, débarquant sur scène au rythme d’une musique de cirque, l’ex-comparse de Dieudonné – avec lequel il a rompu en 1997 – promet qu’il va « mettre en scène des monstres. Des monstres non pas venus d’une autre planète mais des monstres comme vous, comme moi, car tout le monde ment, triche ». Et le monde est peuplé de gens stupides ou méchants.
Aisance du jeu
La veste de cirque est rapidement jetée à terre. Se succèdent alors treize sketches d’un niveau inégal. Comme au cirque, tous les numéros ne se valent pas. A cause parfois de la faiblesse du texte ou de thématiques abordées sans originalité. On s’ennuie avec l’ex-djihadiste en phase de déradicalisation confié à des enfants. On rit peu devant les deux racistes qui se sont rencontrés grâce à l’application Hello facho ou devant la scène de ménage entre les deux papas du jeune Gabin.
Mais ce qui sauve à chaque fois Elie Semoun, c’est l’aisance de son jeu, sa présence sur scène, sa formidable capacité à interpréter des personnages. Qu’il s’agisse de Jean-Louis, le gros beauf infidèle qui tente de reconquérir son ex-femme, de Xavier le handicapé qui aspire au bonheur, du docteur martiniquais qui annonce à son patient qu’il vient de sortir de trente ans de coma ou de Garance, la stand-uppeuse « 100 % meuf, 100 % trash, 100 % cash », le comédien parodie avec justesse et une énergie bien dosée. Et c’est un vrai bonheur de retrouver Mapi, la quinquagénaire qui se libère et balance ses quatre vérités à son mari et ses enfants. On pense à Maria Pacôme dans La Crise, mais en version beaucoup plus noire.
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