FRANCE 2 - MARDI 17 DÉCEMBRE À 22 H 40 - DOCUMENTAIRE
Formidable passeuse de son savoir clinique auprès de plusieurs générations de psychanalystes et d’éducateurs, Françoise Dolto (née Marette, 1908-1988) sut être aussi, pour le grand public, une merveilleuse vulgarisatrice. Ainsi, huit ans après une première expérience radiophonique sur Europe 1, où elle répondait aux questions des auditeurs sous le pseudonyme de « Docteur X », elle inaugure en octobre 1976, sur France Inter, « Lorsque l’enfant paraît ». Cette émission quotidienne, au succès immédiat, va asseoir définitivement la notoriété de la pédopsychanalyste et faire d’elle l’une des figures les plus populaires de la psychanalyse française.
Pendant deux ans, à partir du courrier des lecteurs (essentiellement de parents), qu’elle sélectionne avec Catherine, sa fille, Françoise Dolto va dispenser le fruit de quarante années de pratique thérapeutique fondée sur l’écoute et la parole. C’est par des images d’enregistrement de cette émission que Virginie Linhart, fine portraitiste notamment de Jeanne Moreau ou de Simone de Beauvoir, commence son récit. Grâce à quoi, elle permet de saisir dès l’abord toute la singularité de Françoise Dolto, son génie de l’écoute des enfants en souffrance, sa simplicité confondante pour expliquer. Avant d’ouvrir l’album familial et de revisiter les principaux épisodes de sa vie, notamment ceux qui décideront, à 8 ans, de sa vocation de « médecin de l’éducation ».
Une jeunesse corsetée
Née en 1908, au sein d’un milieu bourgeois imprégné des idées de la droite monarchique, la petite Françoise – quatrième d’une fratrie de sept – se distingue très tôt par son sens de l’observation et une curiosité aiguisée par les silences qu’on oppose à ses interrogations. Sa jeunesse, corsetée et solitaire, sera durablement marquée par le chagrin, la perte et la culpabilité. Ainsi, quatre ans après la mort de son oncle, avec lequel elle correspondait pendant la guerre, et dont elle se déclara, à 6 ans, la « veuve de guerre », elle doit affronter un autre deuil : celui de sa sœur, Jacqueline, et, avec lui, les bouffées délirantes de sa mère.
Pour échapper à l’atmosphère mortifère, les études s’offrent alors comme un sauve-qui-peut, provisoire. Car, sitôt après avoir arraché à sa mère le droit de suivre des études de médecine, elle s’effondre. « Je suis laide, grosse, dégoûtante au moral comme au physique », écrit-elle dans son agenda. Sur les conseils de son frère, en 1934, elle entame une analyse avec René Laforgue, grâce auquel elle se défait de sa culpabilité et peut, enfin, prendre son envol.
Une pratique bricolée pas à pas
Si Virginie Linhart s’attarde, à raison, sur les années d’enfance et d’adolescence qui nourriront la future psychanalyste, elle n’omet rien ou presque du parcours de la femme et de la clinicienne : l’apport de deux pionnières de la psychanalyse des enfants, Sophie Morgenstern (1875-1940) et Jenny Aubry (1903-1987) ; la rencontre avec Boris Dolto, qui deviendra son époux ; son génie propre, qui lui permet de décrypter les dessins, d’inventer, sinon de bricoler – on pense notamment à « la poupée fleur » – pas à pas sa pratique clinicienne. Un enseignement qu’elle ne cessera de transmettre, notamment au sein de son séminaire à Trousseau (1940-1978), puis, ayant à cœur l’éducation de masse, à travers livres, entretiens et émissions de radio. Au risque d’essuyer maintes critiques, dont celle largement infondée d’avoir légitimé « l’enfant roi ».
Entremêlant avec finesse le vécu et la pratique, à travers de nombreuses archives familiales inédites sinon méconnues, la réalisatrice livre un film aussi éclairant qu’émouvant sur une femme et une thérapeute qui avait choisi pour épitaphe « Françoise Dolto, entrée désespérée, sortie joyeuse ».
« Françoise Dolto, au nom de l’enfant », de Virginie Linhart (Fr., 2018, 70 min).
Contribuer
Réutiliser ce contenu