Il y a dans le nouvel accrochage du Musée d’art moderne de la Ville de Paris une salle surprenante. On y découvre une vingtaine de toiles du peintre Peng Wan Ts, dont Le Banquet, qu’il a donnée au musée. Le centre de l’œuvre est occupé par une femme d’un certain âge, comme on dit, au vaste décolleté orné de deux rangées de perles. Un teckel lui lèche les seins. Elle est encadrée de deux admirateurs de son âge, chauves, gras comme elle, et hilares. Deux bouteilles, trois verres, une sorte de pâté et plusieurs couteaux sont sur la table. Un ballon de baudruche flotte à gauche.
Tout cela est peint avec une précision extrême, jusqu’aux motifs floraux de la robe et du papier peint ; et une irréalité absolue puisqu’il n’y a guère que deux couleurs, un blanc qui s’assombrit jusqu’à des gris et un rouge sombre qui glisse au violet. Le cartel précise les dates : 1981-2006, vingt-cinq ans donc.
Des œuvres accrochées tout autour, la plus ancienne est de 1968 : une vaste surface blanche et deux têtes d’enfants dont ne se distinguent que les deux tiers supérieurs. Qui peignait ainsi en 1968 ? On ne voit pas. On ne voit pas mieux à quoi comparer, dans l’art actuel, la toile achevée cette année, L’Enfant au chat, dont le titre est trompeur car il n’y a rien de tendre dans cette jeune fille au regard suspicieux ni dans ce chat méchant.
Des toiles partout
Première évidence donc, Peng Wan Ts compose depuis un demi-siècle une œuvre singulière, que le monde de l’art en France n’avait jusqu’à présent guère regardée. Or, il vit à Paris depuis 1965. Il a eu un atelier à la Cité internationale des arts, quitté pour celui où il travaille depuis longtemps, dans le 13e arrondissement.
Le dire encombré serait un euphémisme. Du côté de la verrière, il y a des chevalets et, sur l’un d’eux, un portrait en cours. Contre le mur, il y a un grand quadriptyque dessiné sur toile : des mécaniques démesurées, la tête d’une sorte d’ogre et, au centre, un corps masculin renversé, scène de torture ou de mort. On voit mal la partie inférieure, cachée par les toiles retournées – la plupart proprement emballées dans du papier – qui s’accumulent et réduisent considérablement les possibilités de circulation.
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Plus tard, on s’apercevra qu’il y en a autant, sinon plus, dans la partie arrière de l’atelier, plus basse de plafond. En fait, il y en a partout, sauf là où Peng Wan Ts dispose sa collection : de petites sculptures bouddhiques polychromes, crucifix et reliquaires chrétiens, statuettes anciennes d’Asie du Sud-Est, moulage de Michel-Ange, archéologie du Moyen-Orient, masque africain. « Je suis toujours allé aux Puces. Je voulais constituer une collection universelle, pour montrer aux Chinois des œuvres originales, pas des reproductions. »
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