Edmonde, de Dominique de Saint Pern, Stock, 416 p., 21,50 €.
Ils sont nombreux, les éditeurs qui auraient rêvé de publier les Mémoires d’Edmonde Charles-Roux (1920-2016). Quelle vie trépidante mena cette femme, fille d’ambassadeur, qui fut engagée volontaire en 1940, journaliste, rédactrice en chef de Vogue, Prix Goncourt pour son premier roman, Oublier Palerme (Grasset, 1966), épouse du maire de Marseille Gaston Defferre, membre de l’académie Goncourt à partir de 1983…
Aujourd’hui patron des éditions Stock, Manuel Carcassonne a croisé ce « personnage inouï » lorsqu’il travaillait chez Grasset, l’éditeur de l’écrivaine. Au début des années 2000, il caressait l’espoir que cette « taiseuse » se livre dans un ouvrage de conversations. « Mais elle a réussi à faire en sorte qu’aucun projet n’aboutisse ! » Il a pourtant gardé en tête l’idée de faire raconter la vie de cette femme qui se résumait pour le grand public à son éternelle panoplie chignon-tailleur Chanel-chemise à lavallière. Passé chez Stock, il a été convaincu de tenir la bonne plume pour cela après avoir publié Baronne Blixen (2015), de Dominique de Saint Pern, « roman vrai » consacré à l’auteure danoise de La Ferme africaine.
La grande dame « autoritaire et séductrice » qu’elle fut.
Il se trouve qu’une dizaine d’années auparavant, le journaliste et écrivain Pierre Combescot (1940-2017) avait déjà suggéré à celle-ci d’écrire sur Edmonde Charles-Roux. Dominique de Saint Pern avait refusé, n’éprouvant pas de « sympathie particulière » pour la biographe de Coco Chanel (L’Irrégulière, 1974). Parce que se voir souffler la même idée à deux reprises par des hommes dotés d’un « sens certain du romanesque », dit-elle, ressemble à quelque chose de plus profond qu’une coïncidence, elle y réfléchit, en commençant par aller voir celle qui, fin 2015, vit dans une maison de retraite. La femme âgée et vulnérable avec laquelle elle passe une heure laisse par instants poindre la grande dame « autoritaire et séductrice » qu’elle fut.
Six semaines plus tard, le 20 janvier 2016, Edmonde Charles-Roux s’éteint, mais la décision de Dominique de Saint Pern est prise. La voici aux archives municipales de Marseille, où la veuve du maire de la ville avait déposé ses documents personnels et familiaux quelques années plus tôt. Dans les étages, elle trouve « un trésor » : toute la correspondance de Sabine Charles-Roux, la mère d’Edmonde. « Un siècle d’histoire ! », qui comprend les lettres d’Edmonde à sa mère (« même si elle avait sans doute opéré un certain tri… »), ainsi que celles de son frère Jean et de sa sœur Cyprienne.
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