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L’audience historique du procès des caricatures de Mahomet

Les 7 et 8 mars 2007, les débats furent animés au Palais de justice de Paris, où était jugé « Charlie Hebdo » pour avoir publié des caricatures du prophète Mahomet.

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Publié le 07 janvier 2015 à 21h14, modifié le 19 août 2019 à 13h52

Temps de Lecture 2 min.

L'hebdomadaire satirique

Ce fut une audience historique. Deux jours de fureur et de bruit, d’interpellations politiques, de magistrales joutes intellectuelles, de cabotinage et de fous rires pour défendre un journal, Charlie Hebdo, et, par dessus tout, un principe, celui de la liberté d’expression.

Peut-ĂŞtre fallait-il ce lieu, une chambre correctionnelle du Palais de justice de Paris, ces bornes, celles du droit et de la loi, ce contexte, celui d’une campagne prĂ©sidentielle passionnĂ©e, pour donner toute sa puissance au dĂ©bat suscitĂ©, les 7 et 8 mars 2007, par la plainte dĂ©posĂ©e par des associations musulmanes contre l’hebdomadaire satirique, qui avait publiĂ© les caricatures de Mahomet, parues initialement dans le journal danois Jyllands-Posten en septembre 2005.

Combien de fois les mots attribuĂ©s (Ă  tort) Ă  Voltaire – Â« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire Â» – ont-ils rĂ©sonnĂ© dans la salle d’audience ! Nicolas Sarkozy, candidat Ă  l’élection prĂ©sidentielle, adressant aux avocats de Charlie Hebdo, Mes Georges Kiejman et Richard Malka, un message de soutien : « Je prĂ©fère l’excès de caricature Ă  l’absence de caricature Â» ; François Hollande, alors premier secrĂ©taire du Parti socialiste, interpellant les associations Ă  l’origine de la plainte : « Je ne pense pas que cette affaire a fait progresser votre cause. On ne peut pas dĂ©noncer le terrorisme en Ă©cartant le lien avec la religion alors que les terroristes eux-mĂŞmes font le lien Â» ; François Bayrou, candidat lui aussi, revendiquant sa foi chrĂ©tienne pour mieux souligner qu’au-dessus « des convictions personnelles, spirituelles, il y a ce pilier central de notre sociĂ©tĂ© qui nous protège tous, croyants, incroyants, agnostiques, la libertĂ© d’expression, et ce choix proprement français, rĂ©publicain, de la laĂŻcitĂ© qui a Ă©tĂ© pour notre sociĂ©tĂ© Ă©mancipateur et fondateur. C’est la pointe de diamant de notre vision du monde Â».

« La forteresse de la libertĂ© d’expression Â»

Il fallait voir Richard Malka exhiber quelques-uns des plus cruels dessins publiĂ©s par l’hebdomadaire contre les symboles de l’Eglise catholique et ses dignitaires en lançant aux parties civiles : « Vous voulez vraiment l’égalitĂ© de traitement ? Personne dans ce pays, pas mĂŞme Ă  Charlie Hebdo, n’oserait faire Ă  l’égard du prophète Mahomet le dixième de ce qu’on a fait sur le pape ! Â» ; il fallait entendre Georges Kiejman rappeler plus d’un siècle de jurisprudence qui a « bâti pierre Ă  pierre la forteresse de la libertĂ© d’expression, fruit d’une histoire et d’une RĂ©volution Â», pour mesurer que ce qui se jouait lĂ , dans ce prĂ©toire, n’était rien moins que la rĂ©affirmation solennelle et passionnĂ©e d’une valeur fondamentale de l’identitĂ© nationale.

Un mois plus tard, la bien nommĂ©e chambre de la presse et des libertĂ©s rendait un jugement dont chaque ligne rĂ©sonne cruellement aujourd’hui. « Attendu que Charlie Hebdo est un journal satirique, contenant de nombreuses caricatures que nul n’est obligĂ© d’acheter ou de lire, Ă  la diffĂ©rence d’autres supports tels que des affiches exposĂ©es sur la voie publique ; attendu que toute caricature s’analyse en un portrait qui s’affranchit du bon goĂ»t pour remplir une fonction parodique (…) ; attendu que le genre littĂ©raire de la caricature, bien que dĂ©libĂ©rĂ©ment provocant, participe Ă  ce titre Ă  la libertĂ© d’expression et de communication des pensĂ©es et des opinions (…) ; attendu qu’ainsi, en dĂ©pit du caractère choquant, voire blessant, de cette caricature pour la sensibilitĂ© des musulmans, le contexte et les circonstances de sa publication dans le journal Charlie Hebdo, apparaissent exclusifs de toute volontĂ© dĂ©libĂ©rĂ©e d’offenser directement et gratuitement l’ensemble des musulmans ; que les limites admissibles de la libertĂ© d’expression n’ont donc pas Ă©tĂ© dĂ©passĂ©es (…). Â»

C’est beau le droit dans ces moments-là.

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