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Exposition : le bal masqué d’Erik Dietman

Le Musée des beaux-arts de Lyon présente plusieurs œuvres de l’artiste, pleines d’ironie et d’allusions à l’histoire de l’art.

Par  (Lyon)

Publié le 21 juin 2018 à 08h55, modifié le 21 juin 2018 à 09h57

Temps de Lecture 4 min.

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« L’Art mol et raide ou l’épilepsisme-sismographe pour têtes épilées : mini male head coiffée du grand mal laid comme une aide minimale… » (1985-1986), d’Erik Dietman.

Bien que né en Suède de parents suédois et au­trichien, Erik Dietman (1937-2002) aimait les jeux de mots en français. Quand il écrit « l’art est au beurre noisette », il faut entendre « la raie au beurre noisette », que les recettes conseillent d’accompagner de câpres. Il n’y a pas de câpres dans l’œuvre, mais une raie d’un beau jaune safran peinte sur une mappemonde pour salle de classe. De ses ailes, tel un vampire planant, elle couvre la planète, de New York à Tokyo. Des noisettes – le fruit –, un rectangle orange ­rehaussé de vert, un chapeau de clown, une fourchette et un ­couteau sont aussi disposés sur la carte. Une inscription manuscrite proclame dans un angle « That’s my diet man », ce qui prouve que l’artiste aimait aussi les jeux de mots polyglottes. L’œuvre s’appelle Geograffiti et semble d’abord n’être qu’une plaisanterie visuelle saugrenue. Si ce n’est qu’elle sous-entend que l’art est affaire de recettes ; qu’il peut être riche et gras, comme on le dit de certains plats ; qu’il se consomme partout ; et aussi qu’il y a un côté clownesque dans cette affaire.

  • « On peut considérer que cette œuvre est le témoignage d’une performance solitaire. L’artiste se considère comme un objet, objet de toutes les attentions de l’artiste, penser et panser. »

    « Autoportrait », 1962

    « On peut considérer que cette œuvre est le témoignage d’une performance solitaire. L’artiste se considère comme un objet, objet de toutes les attentions de l’artiste, penser et panser. » ALAIN BASSET/MBA LYON/ADAGP, PARIS 2018

  • « Une tache rouge se répand sur le visage de l’artiste blessé ? Le verre sensé protéger l’œuvre est brisé. Le point d’impact est la bouche, le regard ‒ lui ‒ reste interrogateur. »

    « Geranium Lake », 1967

    « Une tache rouge se répand sur le visage de l’artiste blessé ? Le verre sensé protéger l’œuvre est brisé. Le point d’impact est la bouche, le regard ‒ lui ‒ reste interrogateur. » ALAIN BASSET/MBA LYON/ADAGP, PARIS 2018

  • « L’objet méticuleusement pansé, le temps de la contemplation et de la méditation apparaît ici comme une évidence. »

    « Quelques m et cm d’albuplast », 1963

    « L’objet méticuleusement pansé, le temps de la contemplation et de la méditation apparaît ici comme une évidence. » ALAIN BASSET/MBA LYON/ADAGP, PARIS 2018

  • « Daniel Spoerri est l’un des deux premiers artistes rencontrés par Erik Dietman (avec Robert Filliou) quand il arrive à Paris en 1959. Malgré les crayons et un tube de peinture présents dans l’œuvre, Erik Dietman ironise amicalement sur le fait que Daniel Spoerri ne peignait et ne dessinait pas. »

    « Hommage à Daniel Spoerri », 1970

    « Daniel Spoerri est l’un des deux premiers artistes rencontrés par Erik Dietman (avec Robert Filliou) quand il arrive à Paris en 1959. Malgré les crayons et un tube de peinture présents dans l’œuvre, Erik Dietman ironise amicalement sur le fait que Daniel Spoerri ne peignait et ne dessinait pas. » ALAIN BASSET/MBA LYON/ADAGP, PARIS 2018

  • « Dans la série “Geograffiti”, Erik Dietman se rapproche de la peinture en utilisant des supports imprimés. Ici, une carte du monde, une évocation de Chardin qui annonce les nombreux commentaires, écrits et dessinés sur l’art. »

    « Geograffiti, l’art est au beurre noisette », 1977-1978

    « Dans la série “Geograffiti”, Erik Dietman se rapproche de la peinture en utilisant des supports imprimés. Ici, une carte du monde, une évocation de Chardin qui annonce les nombreux commentaires, écrits et dessinés sur l’art. » ALAIN BASSET/MBA LYON/ADAGP, PARIS 2018

  • « Jeu de mots anglais/français, le “pain” français, celui que l’on gagne à la sueur de son front, avec “peine” et “the pain”, la douleur en anglais. Le petit bonnet protecteur transforme l’objet en personnage. »

    « Monsieur Pain », 1984

    « Jeu de mots anglais/français, le “pain” français, celui que l’on gagne à la sueur de son front, avec “peine” et “the pain”, la douleur en anglais. Le petit bonnet protecteur transforme l’objet en personnage. » ALAIN BASSET/MBA LYON/ADAGP, PARIS 2018

  • « Un des premiers verres à propos desquels Erik Dietman disait : “Dans mes verres, je mets tout, le dessin, la couleur, la forme et la poésie”. »

    « Le Nouvel An chinois », 1993-1997

    « Un des premiers verres à propos desquels Erik Dietman disait : “Dans mes verres, je mets tout, le dessin, la couleur, la forme et la poésie”. » ALAIN BASSET/MBA LYON/ADAGP, PARIS 2018

  • « Œuvre emblématique des années sculptures au titre aussi énigmatique que l’œuvre elle-même. Intérêt pour la mort avec laquelle Erik Dietman flirtera jusqu’au baiser final. Réflexion sur la création, repartir du carré que les têtes fixent sur le mur qui leur fait face. »

    « L’Art mol et raide ou l’épilepsisme-sismographe pour têtes épilées - mini male head coiffée du grand mal laid comme une aide minimale », 1985-86

    « Œuvre emblématique des années sculptures au titre aussi énigmatique que l’œuvre elle-même. Intérêt pour la mort avec laquelle Erik Dietman flirtera jusqu’au baiser final. Réflexion sur la création, repartir du carré que les têtes fixent sur le mur qui leur fait face. » JEAN-BAPTISTE RODDE/MBA LYON/ADAGP 2018

  • « Encore une fois, un clin d’œil et une provocation à la mort, qui est, pour l’artiste, “un processus permanent de doublure de la vie”. »

    « Tombe », 1992 ‒ en cours d’acquisition par le Musée des beaux-arts de Lyon auprès de la galerie Papillon, à Paris

    « Encore une fois, un clin d’œil et une provocation à la mort, qui est, pour l’artiste, “un processus permanent de doublure de la vie”. » ALAIN BASSET/MBA LYON/ADAGP, PARIS 2018

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Au long de l’exposition que le Musée des beaux-arts de Lyon lui consacre, ces qualités se vérifient : une inventivité formelle ­constante et un penchant ­pro­noncé pour la dérision et le sacrilège, dont l’art et les artistes sont ici les principales cibles. Il ne s’agit pas d’une rétrospective, mais d’une introduction à l’œuvre, en attendant plus. Il s’agit aussi pour le musée d’annoncer qu’il vient de recevoir des collectionneurs Marc, Dominique et Pascal Robelin une vingtaine d’œuvres de Dietman et qu’il a acquis Tombe, sculpture de 1992, interprétation légère du motif de la stèle funéraire.

A cet ensemble s’ajoutent pour l’occasion des prêts de la même collection Robelin, de la galerie Claudine Papillon et du Musée d’art contemporain de Lyon. ­Celui-ci conserve l’une des installations majeures de Dietman, intitulée – pardon pour la longueur du titre : L’Art mol et raide ou l’épilepsisme-sismographe pour têtes épilées : mini male head coiffée du grand mal laid comme une aide minimale… Lesdites têtes sont des crânes ­humains perchés sur des socles cylindriques en ­ciment, des parallélépipèdes de bronze noir enfoncés dans les os blanchis. Des animaux de bronze un peu abrégés s’ébattent parmi ces vanités ricanantes. L’allusion au minimalisme est claire : preuve de l’ironie dietmanienne. L’élégance des jeux de matériaux et de symboles est tout aussi flagrante. En matière de sculpture et d’assemblage, peu de ses ­contemporains pourraient lui être comparés sans inconvénient pour eux.

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