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Ligue des Champions : 30 ans après le sacre, Basile Boli raconte la folle semaine de l'OM

Il y a trente ans, Marseille s’apprêtait à entrer dans l’Histoire. Pour le meilleur puis le pire. De Valenciennes au Vélodrome, le héros de Munich, Basile Boli, revisite cette période de gloire et d’infamie.

Mickaël Caron , Mis à jour le
À Munich, après la victoire en finale de Ligue des champions contre Milan, le 26 mai 1993.
À Munich, après la victoire en finale de Ligue des champions contre Milan, le 26 mai 1993. / © COLIN MAX/SIPA

Chaque année, c’est pareil. À l’approche du 26 mai, date anniversaire de la seule victoire française en Ligue des champions, les souvenirs « chatouillent ». Et les questions reviennent, « toujours les mêmes ». Héros car unique buteur de la finale remportée par l’Olympique de Marseille contre l’AC Milan à Munich, Basile Boli déroule, un rien « machinal » : le corner d’Abedi Pelé, la détente devant Frank Rijkaard, le ballon qui file dans le coin du but… « On m’en parle tous les jours, c’est toujours aussi vif trente ans après », s’étonne l’ancien défenseur, 56 ans. Cette apothéose est suivie d’une autre : le titre de champion face au PSG. Puis d’une descente aux enfers quand s’enclenche l’affaire de corruption VA-OM.

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À six jours de la deuxième finale européenne de leur histoire, les Olympiens n’ont pas le choix : collés par le PSG en Division 1 (l’ex-Ligue 1), ils doivent gagner au stade Nungesser. Un but d’Alen Boksic suffit. Ce match, Basile Boli n’en a « aucun souvenir ». Blessé, il a fait le déplacement contraint par Bernard Tapie. Il est d’humeur massacrante. « J’avais les boules d’être là, resitue l’ancien pilier de la défense marseillaise. D’autant que Tapie avait annoncé que les titulaires à Valenciennes joueraient à Munich. » Comme souvent, l’entraîneur ­Raymond Goethals fait le tampon entre le boss et les joueurs. Boli prend l’accent pour restituer les paroles du sorcier belge : « J’espère que tu n’as pas écouté, une fois. Si tu es à 100 %, tu joueras. »

But pour l'éternité

Dès le lendemain, le défenseur nordiste Jacques Glassmann dénonce une tentative de corruption. L’affaire démarre. « Tout me passait au-dessus », assure l’ex-international. Il est passé à Paris pour des examens et a « la tête déjà à Munich ». À ses yeux, la préparation de la finale n’a pas été polluée. Il trouve ses partenaires « décontractés », heureux de l’atmosphère « fun » de leur mise au vert en Bavière. Tout le contraire de 1991, quand Tapie avait bunkérisé ses joueurs avant leur première finale, perdue contre l’Étoile rouge de Belgrade à Bari.

Remis sur pied, l’ancien protégé de Guy Roux vit les dernières heures dans une douce félicité. Son neveu est né le 25. « Avant le match, je pensais au moyen de m’imposer comme parrain », sourit-il. Son but pour l’éternité décidera son frère. Le cœur léger mais le genou esquinté, le numéro 4 serre les dents toute la première mi-temps. « Je n’en pouvais plus mais je me disais qu’il fallait tenir jusqu’à la pause. » Rudi Völler, son équipier allemand, lui glisse : « Reste, Base. » Selon la légende, Tapie, en tribune, empêche Goethals de remplacer Boli. Qui offre donc la Coupe aux grandes oreilles quelques instants plus tard.

 Je frappais de la tête plus fort qu’avec mon pied et j’étais plus adroit

Basile Boli

Trois jours séparent la consécration d’un autre choc, contre le PSG, pour le titre de champion de France. Épuisé, Boli est prêt à céder sa place à Bernard Casoni. Le préparateur Roger Propos et le kiné Jacques Bailly le remettent sur pied pour ce qui est déjà un Classique. Dès les premières minutes, Ricardo, le stoppeur parisien, enfonce son coude dans le dos de Boli. En retour, l’international tricolore inscrit « le but le plus important de [sa] vie » : il traverse le terrain, s’avance à l’entrée des 16 mètres et, d’un coup de tête venu d’ailleurs, propulse le ballon d’une détente horizontale de sauteur en longueur. Le timing, il l’a appris à Marseille. Sa trentaine de buts ? Presque tous de la tête. « Je frappais plus fort qu’avec mon pied et j’étais plus adroit », remet celui que Tapie appelait son « singe aux pieds carrés » – une dérive raciste rappelée dans son livre Mémoires d’hOMme (First).

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Exclusion de l'OM

Rois d’Europe et de France, les joueurs partent en vacances le 3 juin, « en pleine euphorie ». Une information judiciaire sera ouverte cinq jours plus tard. L’affaire de corruption n’arrivera aux oreilles de Boli que début juillet, lorsque Jean-Pierre Bernès, bras droit de Tapie, est mis en examen, en même temps que son coéquipier Jean-Jacques Eydelie et les Valenciennois ­Christophe Robert et Jorge Burruchaga.

Rentré tard dans la cité phocéenne, après s’être soigné à Capbreton, le héros de Munich est toujours sur son nuage. Il retombe brutalement en septembre : coup sur coup, l’UEFA exclut l’OM de la Ligue des champions, puis la Fédération (FFF) suspend la victoire en première division. « Ce qu’ont dit Noël Le Graët [alors président de la Ligue] ou d’autres, je m’en tape complètement », se cabre encore Boli. Au centre d’entraînement de la Commanderie, le titre de 1993 figure toujours au palmarès imprimé sur un mur de la salle de presse.

 Ce qu’ont dit Noël Le Graët [alors président de la Ligue] ou d’autres, je m’en tape complètement 

Basile Boli

Octobre 2021. Boli rend visite à Tapie, peu de temps avant sa mort. Il assure qu’il n’en veut pas à son ex-président. Pas plus qu’à Bernès, qu’il revoit et embrasse « de la même façon » que Didier Deschamps ou Éric Cantona. Eydelie ? Pareil. Boli rechigne à parler du scandale qui a entaché le sacre de Munich, assure qu’il était alors « dans [sa] bulle ». Tout juste concède-t-il qu’il aurait eu « des remords » s’il avait été au cœur de l’affaire.

Au terme de la saison 1993-1994, il part aux Glasgow Rangers. Vice-champion de France, le club provençal est relégué. Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. « On ne peut pas se détacher de Marseille. » Dès qu’un événement s’y produit, ça le « bouge ». Et s’il goûte peu les commémorations, il s’y rend « pour faire plaisir aux gens ».

Aucun objet conservé

Ambassadeur du club depuis huit ans, il tâche d’entretenir des liens. Récemment, avec un ancien membre du staff, il a appelé en visio depuis le Vélodrome Chris Waddle et Jocelyn Angloma, des copains d’avant. Il regrette également que l’OM Star Club n’organise plus de matches d’anciennes gloires. L’héritage de 1993 a parfois embarrassé les directions successives, écartelées entre la gloire et l’infamie.

De ce printemps de fada, Boli n’a conservé aucun objet. Par hasard, il a retrouvé son short de la finale chez un ami. De temps en temps, ses neveux lui envoient des vidéos qui surgissent sur un réseau social. L’histoire continue de se transmettre. « Des émotions, il y en a eu beaucoup d’autres », relativise-t-il, le regard un peu perdu. Avant de souffler l’évidence si souvent répétée : « C’est vrai, on a été les premiers. » Et ils sont toujours les derniers.

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