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Amélie Mauresmo raconte son amitié avec Yannick Noah, 40 ans après la victoire du Français à Roland-Garros

La directrice de Roland-Garros revient sur son amitié avec Yannick Noah, qui l’a incitée à jouer au tennis. Le début du tournoi sera marqué par les 40 ans de sa victoire, la dernière d’un joueur français en Grand Chelem.

Damien Burnier , Mis à jour le
Yannick Noah et Amélie Mauresmo, le 9 février 2011 à Paris.
Yannick Noah et Amélie Mauresmo, le 9 février 2011 à Paris. DPPI via AFP / © DPPI via AFP

Lorsqu’on l’a croisé jeudi matin à Roland-Garros, Amélie Mauresmo avait déjà envoyé un message éclairé aux bougies à son « brother », 63 ans désormais. Mais c’est un autre anniversaire que la patronne du tournoi s’apprête à célébrer avec Yannick Noah. Les quarante ans d’un Graal, jamais touché par un autre joueur français dans l’intervalle, ni Porte d’Auteuil, ni ailleurs en Grand Chelem. Pour les trente ans, « il y avait eu une espèce de ‘‘bricolette’’, montée « à l’arrache », comme l’énonce Noah dans 1983, le livre façonné par Antoine Benneteau (Flammarion).

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Cette fois, les choses ont été pensées en amont et en grand. Il y a des sympathisants dans la place. Le président de la fédération, Gilles Moretton, était un compagnon des années sports-études à Nice, tandis que Mauresmo est devenue une amie proche au fil de la vie. « J’ai d’emblée accroché, cadre l’ex-numéro un mondiale, mais les liens se sont renforcés après ma carrière. Quand tu as plus de temps pour te poser, ouvrir de bonnes bouteilles, refaire le monde, refaire le tennis déjà. »

Fresque, enfants et tour de chant

Cet automne, Noah chanteur déplorait dans le JDD l’absence de Noah joueur entre les murs de Roland-Garros. Juste une photo dans un couloir. Inauguré en 2019, le nouveau grand court a pris le nom de Simonne Mathieu ; ç’aurait pu être le sien sauf que l’idée n’a même pas été suggérée. « Il voulait laisser une forme d’héritage et il a eu les boules de voir ça, il me l’a dit et je le comprends », retrace Mauresmo, en poste depuis l’an passé.  « Nous, en arrivant derrière, on ne pouvait rien faire, si ce n’est trouver une autre façon de l’honorer, via des choses pérennes. Que la journée des enfants, caritative, porte désormais son nom dit beaucoup de lui. Déjà parce que ça se passe sur le court Chatrier, et puis ça représente son engagement associatif, Fête le mur, etc. Quand je lui en ai parlé, son go a été immédiat. Et samedi, il chantera sur le Central, comme je l’espérais. »

Le lendemain, dimanche 28 à 11h30, une fresque à son effigie sera dévoilée, côté tribune présidentielle. Un mur de façade de 12 mètres de long et des obliques de 3 mètres. « Je lui ai montré un aperçu assez avancé en décembre. C’est quelque chose qui va rester et je voulais que ça lui plaise, qu’il valide un peu l’esprit. Il y a du Roland 1983 mais aussi les multiples facettes de sa vie. » Puis viendra le 5 juin, date anniversaire de la fameuse finale face à Mats Wilander. « Mais là, dit l’amie, on sera dans du privé. »

Source d’inspiration

Elle avait 4 ans quand les tresses en palmier et la raquette en trident se sont agitées jusqu’à la folie. Il n’en subsiste pas une image ou un souvenir précis, mais bien davantage : « Je suis persuadée que c’est l’émotion dégagée par Yannick qui m’a parlé à ce moment-là. Son sport, je ne suis même pas sûre que c’était déterminant. Mais la façon dont il le vivait, oui. Après les matches, j’allais dans le jardin faire des gestes de tennis à blanc. Derrière, mes parents m’ont acheté ma première raquette. C’était parti. » Elle n’a jamais évoqué avec lui cette influence fondatrice, « par pudeur », mais puisque tout le monde la connait, lui aussi. La première fois en vrai, « c’était à 12 ou 13 ans, sur le court d’un bled vers chez moi en Picardie ». Avec d’autres mômes venus pour renvoyer la balle lancée par des joueurs pros en tournée des popotes. « Mais la vraie rencontre importante avec Yannick, c’est quand il me sélectionne pour la première fois en équipe de France. »

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De capitaine à capitaine

Suisse-France 1998, à Sion. Demi-finale de Fed Cup, dont les Bleues sont tenantes du titre. « Il me fait jouer les deux simples, alors que je suis la petite jeune, 4e ou 5e joueuse de l’équipe. Mais comme je gagnais mes matches d’entraînement, pour lui ce n’était même pas un sujet. Les échanges préalables sont hyper fluides. Il me parle des émotions que je vais ressentir, du contact avec lui, de la prise d’énergie. A la minute de repos, il se mettait accroupi en face, à hauteur, et c’était une bulle qui se créait. J’adhère instantanément à son mode de fonctionnement. Je comprends qu’on est sur du ressenti plus que sur des trucs hyper cadrés. Je découvre une intensité de chaque instant, et la rigueur dont il est aussi capable. Des choses qui m’ont marquée à vie.»

Bien plus tard, ces deux-là se transmettront le relais. Noah retrouve la chaise fin 2016, à la suite de Mauresmo. « Je lui ai expliqué comment je parlais aux filles, car il ne les connaissait quasiment pas. On était devenus proches, on pouvait échanger en profondeur. » Deux ans après, les infos changent de sens, quand elle lui succède en Coupe Davis (avant de renoncer à la fonction) : « Sa relation avec les gars s’était avérée plus compliquée que prévu.»

Mission commando en 2005

Puisque Roland se dérobait, Mauresmo fait cette année-là appel à Noah, fournisseur de vibrations. Une collaboration qui prend des airs « d’opération commando » en vue du French. Des échanges diffus d’abord, puis une semaine sur le court ensemble juste avant l’événement, du côté de chez Yann à Feucherolles (Yvelines). Loin des regards. La magie n’a pas opéré – défaite au 3e tour face à Ana Ivanovic - et elle le prend pour elle. « Je n’ai pas réussi à ouvrir suffisamment mes chakras pour prendre ce que j’avais à prendre de lui. Roland-Garros représentait encore un trop grand enjeu. Je n’arrivais pas à me libérer, à installer le jeu vers l’avant que j’espérais. » Ils n’ont pas débriefé : « Il y avait trop de déception. » 

Cameroun, vipère et coupe de cheveux

Si l’été venu, Noah vient parfois faire un tour dans sa maison du pays basque, elle a mis les pieds pour la première fois en Afrique en allant chez lui au Cameroun, fin 2021. Elle y a découvert « le Yann qui prend l’accent local, le chef de village, le patriarche. » Celui qui doit débloquer des situations du quotidien, loin de ses vies annexes ou passées. « Il a une vraie responsabilité. Dès que les gens autour ont un souci, ils viennent le voir, on sent qu’ils comptent sur lui. C’est fabuleux mais aussi lourd à gérer, j’imagine. »

Sous son chaperonnage, elle a mangé de la vipère, pas le meilleur souvenir du séjour. Moins impérissable que les parlottes sur la plage, avec les enfants qui courent autour. Un soir, devant un coucher de soleil irisé et une eau flirtant avec les doigts de pied, tout à coup il lui a demandé de lui couper les cheveux. Pas de pression, « raté ou pas, ça ne changeait pas grand-chose ». Elle montre des tas de photos du moment improbable. Roland-Garros semblait alors loin, mais restait quand même quelque part dans l’horizon.

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