"Notre maison brûle" : Nathalie Kosciusko-Morizet raconte la genèse du discours de Chirac
Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne conseillère de Jacques Chirac, revient sur les origines du discours retentissant de l'ancien président à Johannesburg.
"Notre maison brûle…" La phrase lancée par Jacques Chirac depuis la tribune du sommet de la Terre, en 2002 à Johannesburg, a fait florès. Elle a été reprise, abondamment. Elle a été dénoncée, parfois. Elle résonne, toujours. Cela n'avait rien d'évident. La première version du discours était plus conventionnelle : il lui manquait justement cette phrase d'accroche, propre à ouvrir les cœurs et les oreilles. Et personne alors, sur la scène internationale, n'attendait Chirac en lanceur d'alerte sur l'urgence écologique. Personne sur la scène nationale non plus. Ce n'est pourtant pas par hasard que le Président, ce jour-là, a trouvé les mots et le ton justes.
Il y avait le contexte, bien sûr. C'était un déplacement chargé d'émotion. Celle de la proximité avec Nelson Mandela. Celle de parler depuis un pays, avec son histoire, qui le laissait tout sauf indifférent. Oui, l'émotion, la sienne, celle de ses proches, Nicolas Hulot et Denis Tillinac, qui l'accompagnaient eux aussi, était palpable. Nous l'avons tous ressentie. Il y avait aussi l'enthousiasme de discuter vite d'une première mesure, la taxe sur les billets d'avion. C'est à Johannesburg, dans les couloirs, qu'elle trouve sa genèse. Elle serait plus tard mise en œuvre et affectée à Unitaid, pour la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Mais les mots venaient de loin. Et c'est un fil que Jacques Chirac a déroulé tout au long du quinquennat, avec constance, largement contre son parti et même contre son propre entourage à l'Élysée.
"Ma première discussion avec lui sur l'écologie remonte à 2000. Il cherchait déjà son angle. Il voulait dépasser les politiques environnementales segmentées
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Ma première discussion avec lui sur l'écologie remonte à 2000. Il cherchait déjà son angle. Il voulait dépasser les politiques environnementales segmentées, une loi sur l'eau, une autre sur l'air, une autre encore sur les déchets. Saisir le sujet dans son unité. Entrer dans la logique de l'écosystème et envisager l'humanité dans sa dépendance à son environnement. Le concept d'"écologie humaniste" qu'il développerait dans son discours d'Orléans, le 3 mai 2001, était déjà en germe. Le projet de la Charte de l'environnement, qui entrerait dans la Constitution en 2005, aussi. Et même la préférence marquée pour le terme "écologie" plutôt que pour celui d'"environnement".
Jacques Chirac préférait le premier, au grand dam de ses conseillers, qui le trouvaient trop "vert". J'ai assisté à quelques discussions houleuses sur ce sujet. Mais il a tenu bon, invoquant justement l'image de la maison, soulignant que si l'environnement était extérieur, séparé, le terme "écologie" disait la proximité et l'interdépendance.
Je crois que cette approche, qui existait déjà dans les milieux associatifs, mais pas dans les partis politiques traditionnels, avait partie liée avec l'intérêt de Chirac pour la diversité des cultures du monde. Les hommes ne sont pas des fétus de paille, ballottés au vent de la mondialisation. Ils plongent leurs racines dans des cultures et des environnements qui les nourrissent. Ils ont besoin des premières et des secondes. Les négliger, c'est appauvrir l'humanité et menacer sa survie. Il l'avait pressenti. Et à Johannesburg, tout au bout de l'Afrique, dans la force propre à ce pays, à son histoire et à ses hommes, cela avait des accents d'évidence.
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