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Jean-Pierre Raffarin : "La Chine est notre alliée"

L’ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui se rend régulièrement en Chine depuis plus de quinze ans pour promouvoir la coopération franco-chinoise, se confie dans une interview au JDD.

Camille Neveux , Mis à jour le
L'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
L'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. © Reuters

"La Chine, premier marché mondial qui parie tout sur l’intelligence, est aux yeux de la France un bon partenaire d’avenir, indique Jean-Pierre Raffarin, spécialiste de la Chine et les relations franco-chinoise. C’est notre alliée politique au Conseil de sécurité de l’ONU, très engagée pour le multilatéralisme, contrairement à l’Amérique de Donald Trump et plus que la Russie de Vladimir Poutine. Elle restera socialiste, comme Xi Jinping l’a réaffirmé cette semaine au XIXe Congrès du Parti communiste. Mais son économie restera ouverte, car sa priorité est l’innovation." Dans une interview au JDD, l’ancien Premier ministre raconte la façon dont la France et la Chine peuvent travailler ensemble d’un point de vue économique : "J’ai récemment assisté à une réunion entre Emmanuel Macron et plusieurs dirigeants chinois : le président a confirmé son choix de l’ouverture, mais a dit sa volonté de protéger la souveraineté française."

Les investissements chinois en France

Comment se portent les investissements chinois en France?
Même s'ils sont en forte hausse, ces investissements restent globalement faibles par rapport à l'importance des économies chinoise et française. La Chine , premier marché mondial qui parie tout sur l'intelligence, est aux yeux de la France un bon partenaire d'avenir. Nos présidents successifs ont tous souhaité la bienvenue aux investisseurs chinois. La Chine est notre alliée politique au Conseil de sécurité de l'ONU, très engagée pour le multilatéralisme, contrairement à l'Amérique de Donald Trump et plus que la Russie de Vladimir Poutine. Elle restera socialiste, comme Xi Jinping l'a réaffirmé cette semaine au XIXe Congrès du Parti communiste. Mais son économie restera ouverte, car sa priorité est l'innovation.

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Les Chinois se montrent-ils prudents pour investir en France?
Ils ont été très préoccupés par la crise européenne de 2008, jusqu'à participer à sa résolution en achetant des quantités importantes d'euros. L'Europe est un pôle d'équilibre pour Pékin, qui ne veut pas se retrouver en face à face avec les Etats-Unis. Certes, le pouvoir chinois s'est inquiété de la situation française à la fin du mandat de François Hollande, coupable à ses yeux d'impuissance politique. Emmanuel Macron donne, lui, le sentiment de vouloir réformer le pays. L'image de l'Hexagone a très fortement remonté, autant que celle du Royaume-Uni s'est effondrée depuis le Brexit… Avec l'élection de «l'imprévisible» Trump, un défaut de caractère majeur pour les Chinois, la France a une belle carte à jouer.

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Il faut continuer à négocier des projets dont la France a besoin, tels les véhicules électriques ou les infrastructures du Grand Paris

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Les secteurs stratégiques de l'économie française, comme l'armement ou l'énergie, doivent-ils rester hermétiques à ces actionnaires?
J'ai récemment assisté à une réunion entre Emmanuel Macron et plusieurs dirigeants chinois : le Président a confirmé son choix de l'ouverture, mais a dit sa volonté de protéger la souveraineté française. Ces dernières années, je n'ai en tête guère plus de deux interventions de l'Etat français pour limiter ces investissements : les dossiers Areva et Accor. Ceux réalisés au sein d'Engie, au Club Med, chez Pierre & Vacances ou Renault, correspondent à une logique gagnant-gagnant. Il faut continuer à négocier des projets dont la France a besoin, tels les véhicules électriques ou les infrastructures du Grand Paris, et se montrer bien plus actif au niveau européen sur le projet de Nouvelles Routes de la soie, où des milliards sont engagés. Le TGV Lyon-Turin pourrait très bien y trouver sa place. Il ne faut pas fermer la porte au secteur de l'énergie, continuer à coopérer sur le nucléaire et négocier des accords de réciprocité : "Ce que je peux faire chez toi, tu peux le faire chez moi." Mais cela ne peut se faire, en confiance, sans régulation des deux côtés.

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Les risques et les freins aux accords avec la Chine

Y a-t-il justement des contrôles réalisés sur les entreprises où la Chine investit, notamment pour protéger les technologies françaises?
Les investisseurs chinois ne cherchent pas toujours à être majoritaires et à prendre le contrôle. Ce sont plutôt des partenaires sur le long terme, avec une ambition d'influence, ce qui leur évite d'être brutaux comme certains actionnaires occidentaux. Dans l'accord réalisé en Bretagne avec la filière lait, les producteurs sont en mesure de contrôler les investissements réalisés. Des fonds d'investissement bi-nationaux sont aussi de bons outils pour surmonter les barrières culturelles.

La corruption n'est-elle pas un frein?
Dans le passé, les zones d'ombre ont été difficiles à évaluer pour les Européens – je pense à l'actionnaire de l'aéroport de Toulouse qui avait disparu (lire page 6)… Pékin contrôle désormais ses sorties d'argent avec une grande vigilance. Xi Jinping l'a précisé : le jeu va être éclairci, donnant des garanties nouvelles pour les investissements.

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Il ne doit pas y avoir de présomptions négatives sur les actionnaires chinois

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Comment travailler avec une Chine à la fois économie de marché et dictature politique?
Je ne connais aucun marché pour lequel les choses sont simples. La coopération est un préalable pour servir nos principes et nos intérêts.

Certains élus locaux montent au créneau à chaque investissement chinois dans l'Hexagone, comme Laurent Wauquiez ou Jean-Luc Moudenc…
Ces réactions ne sont pas inutiles. Jean-Luc Moudenc a eu raison de demander des clarifications. Dans notre système européen, les pouvoirs locaux ont une part d'autonomie forte. Il faut le faire comprendre.

L'aéroport de Toulouse-Blagnac est en passe d'être contrôlé par un milliardaire chinois. Cela pourrait est-il être le cas d'autres aéroports?
Il ne doit pas y avoir de présomptions négatives sur les actionnaires chinois. Il y a de très mauvais actionnaires partout! Il existe suffisamment de bons investisseurs chinois pour être positif, au cas par cas.

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