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Frédéric Chatillon, l'homme que le FN voudrait faire oublier

Malgré la stratégie de dédiabolisation, Marine Le Pen n’a retiré ni son amitié ni sa confiance à l’ancien président du GUD, Frédéric Chatillon, qui continue d’occuper une place centrale dans sa galaxie.

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Frédéric Chatillon, à Fréjus, le 17 septembre.
Frédéric Chatillon, à Fréjus, le 17 septembre. © Pauletto François/ Abaca

 

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Frédéric Chatillon, à Fréjus, le 17 septembre. (Pauletto François/Abaca)

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Il est le tabou du Front national. Nul, dans le premier cercle de Marine Le Pen, ne consent à parler librement de Frédéric Chatillon, comme si ce nom charriait trop de dangers. L'intéressé a commencé par accepter de rencontrer le JDD avant de se défiler – invitant via un message privé posté sur Twitter "à donner libre cours à notre imagination". Concernant ce grand gaillard aux pommettes saillantes que certains proches de la présidente du FN ont surnommé "le diable de Marine", la réalité dépasse l'imagination, justement. À la fois prestataire et ami de la fille Le Pen, Chatillon n'aime rien tant que l'ombre. C'est bien malgré lui qu'il se retrouve aujourd'hui sous le feu des projecteurs. En cause : une nébuleuse affaire de kits de campagne surfacturés par Riwal , sa société de communication, lors des législatives de 2012.

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Il fête l'anniversaire de Hitler

Des packs prêts à l'emploi intégrant tracts, affiches et cartes postales vendus 16.650 euros et fournis à 525 candidats par la société de Chatillon. Afin de les acheter, les candidats devaient contracter un prêt avec intérêts auprès de Jeanne, mouvement satellite du FN. Derrière ce montage, les enquêteurs soupçonnent des prestations gonflées au détriment de l'État. Le parti est poursuivi ainsi que deux de ses dirigeants. Chatillon justifie le procédé par la volonté de "contrôler les coûts et le contenu de la campagne de candidats souvent inexpérimentés". "Aucun élément ne me permet de lui retirer ma confiance", répète Marine Le Pen, qui prend soin de rappeler que l'homme d'affaires n'a pas sa carte du parti. En 2014 déjà, sur BFMTV, elle s'exclamait : "Sur ordre de qui devrais-je prendre mes distances? Frédéric Chatillon est un de mes amis et au passage un très bon fournisseur, compétent. Je vais vous dire : si on devait enlever de la politique tous ceux qui ont eu, à 20 ans, des engagements à l'extrême droite ou à l'extrême gauche, il n'y aurait plus grand monde à l'Assemblée nationale…"

Au début des années 1990, l'homme officiait en effet en qualité de président du Groupe union défense (GUD), l'organisation étudiante ultranationaliste née dans les couloirs de l'université Paris-Assas. Il fête alors chaque année l'anniversaire de Hitler, pratique les arts martiaux, pourchasse les gauchistes à coups de poing et fait montre d'un vrai goût de la provocation. Ses troupes se sont baptisées les "Waffen Assas". C'est à cette époque qu'il rencontre pour la première fois Marine Le Pen, alors étudiante en droit. Ils ont exactement le même âge. Spécialiste de l'extrême droite, l'historienne Valérie Igounet évoque "leur amitié profonde" et des "connivences politiques et idéologiques". Dès lors, le "gudard" se rapproche de Montretout, – au point de faire de Jean-Marie Le Pen le parrain de l'une de ses filles, ce qui ne l'empêchera pas d'être parmi les premiers à conseiller à son amie de fac de "tuer le père". Mais avant que ne sonne l'heure du parricide politique, quand Marine Le Pen est encore la bonne petite soldate de son père, Chatillon, lui, s'engage auprès des nationalistes croates puis travaille dans une librairie diffusant des ouvrages néonazis. Plusieurs fois au cours des années 1990, il sera repéré dans le sillage des négationnistes Robert Faurisson et Roger Garaudy.

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Décrit comme un bon professionnel

En 1994, on le retrouve en Syrie, au côté du sanguinaire ministre de la Défense Moustapha Tlass. Le régime d'Hafez El-Assad finance alors les activités du GUD et voit en Chatillon une porte ouverte sur les mouvements dissidents occidentaux. Au tournant des années 2000, c'est lui qui invite à Damas Thierry Meyssan, le diffuseur des théories conspirationnistes sur les attentats du 11 septembre 2001, les idéologues Alain Soral, Faurisson et Ahmed Moualek du Parti antisioniste, mais aussi l'infréquentable Dieudonné . En 2011, alors qu'éclate la guerre civile syrienne, il lance Infosyrie, un site de "réinformation" domicilié chez Riwal et relayant la propagande du pouvoir en place. L'ancien leader étudiant a du savoir-faire. Il est unanimement décrit comme un bon professionnel "que nous assumons totalement", martèle sans en dire plus Nicolas Bay, le secrétaire général du FN – qui a travaillé deux mois chez Riwal. En coulisses, pourtant, certains – et notamment Florian Philippot – grognent. Chatillon n'a aucune intention de se notabiliser : en mars, il a fait partie de la fameuse délégation mêlant députés LR et figures d'extrême droite reçue par Bachar El-Assad dans la capitale syrienne. À l'heure actuelle, la société Riwal y possède toujours une succursale, tout comme à Rome, un autre bastion lui permettant de solidifier ses liens avec l'extrême droite néofasciste italienne.

"Il assume toutes les transgressions"

Le 17 juin, quand Marine Le Pen et ses alliés européens célèbrent le premier anniversaire du groupe Europe des nations et des libertés (ENL), à Vösendorf, dans la banlieue de Vienne, Chatillon est au second plan, juste derrière elle. Une tache sur la photo d'un FN prétendument dédiabolisé . "Il est indispensable au parti", assure Valérie Igounet. "L'attitude de Chatillon est presque destroy, ajoute le politologue Jean-Yves Camus, fin connaisseur de ces questions. Il assume parfaitement toutes les transgressions car, pour l'instant, celles-ci n'entraînent aucun coût politique pour ses amis." N'est-ce pas précisément cela qui est inouï?

Source: JDD papier

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