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Ali Baddou : "Le dimanche, j'aime être à contretemps"

L'animateur Ali Baddou passe ses week-ends à l'antenne et cultive ce décalage, à l'image de ses nombreux paradoxes.

Zoé Lastennet , Mis à jour le
L'animateur Ali Baddou.
L'animateur Ali Baddou. © Corentin Fohlen/Divergence pour le JDD

À l'heure où certains rentrent de soirées tardives, où beaucoup glissent encore vers la grasse matinée, Ali Baddou saute dans son jean : lever à l'aube, 7 heures. L'enceinte du salon diffuse du rock et du disco funk à un ­volume frôlant l'incident de voisinage. "Sinon je ne me réveille pas", plaide le présentateur, la voix teintée d'une convenable contrition mais le regard parfaitement impénitent. On ne part pas animer l'un des plus grands rendez-vous politiques du week-end – Questions politiques, à midi sur France Inter – à moitié dans le coaltar.

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Première récompense pour le lève-tôt de 46 ans : la traversée d'un Paris désert à vélo. ­Direction la Maison de la radio, sur l'autel de laquelle il sacrifie ses dimanches – de bonne grâce, assure-t‑il. "On pourrait se dire qu'on est en train de rater quelque chose d'important de la vie de famille, tout ça. Mais il y a un côté que j'adore à travailler ce jour-là : j'aime être à contretemps, en décalé. C'est l'heure du poulet rôti, et nous on asticote les politiques !" Plus de 1,5 million d'auditeurs au pic de la saison dernière : Ali Baddou ne cache pas son plaisir, ni sa fierté, en pleine crise de défiance citoyenne à l'égard de la parole publique. "Je ne sais pas pourquoi, le dimanche y est propice. Il faut croire que le discours politique accompagne bien le poulet rôti !"

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Lui qui dit fuir la "petite phrase" pour chercher le "débat d'idées" et le "projet de société" se reconnaît passionné par les enjeux politiques, mais il se rêve en arbitre épuré de la joute. "Je n'ai pas l'âme d'un militant, je n'ai jamais été encarté dans un parti et je ne pense pas l'être un jour." Son passage au tournant du siècle par le cabinet de Jack Lang, alors ministre de l'Éducation ? Un simple poste de "conseiller technique", affirme-t‑il, chargé du projet d'ouverture de Sciences-Po Paris à des lycées de zones d'éducation prioritaire.

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Boxer plutôt que bruncher

Après "l'arène politique" d'Inter, Ali Baddou monte pour de bon sur le ring chaque dimanche après-midi, dans son club de boxe du 10e arrondissement. Pour "la beauté du geste plutôt que la violence elle-même", soutient-il. Et puis arriver "le nez en patate à l'antenne", ça ferait mauvais genre… Le journaliste franco-marocain défend farouchement ses dimanches peu orthodoxes, frémit presque à l'évocation des brunchs entre amis. "Le week-end, ce n'est pas ma petite soupape de décompression. Au contraire, tout s'accélère et se concentre pour moi lorsque les autres s'apaisent et se reposent." Le samedi, il enchaîne déjà Le Grand Face‑à-face le midi sur France Inter et l'émission C l'hebdo, le soir sur France 5.

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Ce qui m'est indispensable, c'est de me donner la possibilité de rester curieux

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Son seul jour "sans obligations officielles" et son "vrai dimanche", le lundi, est consacré à préparer les cours de philosophie politique et les ateliers débats avec de jeunes demandeurs d'asile qu'il dispense dans la semaine à Sciences-Po. Avec une curieuse tendance à l'euphémisme dès que l'on s'avance sur le terrain personnel, il se reconnaît "assez hyper- actif" et "assez multicarte". Sachez donc qu'Ali Baddou peut aussi conduire un tracteur, traire une vache ou accompagner la transhumance des moutons – même si, concède-t‑il, les occasions viennent à manquer. Des talents cachés hérités de ses week-ends ­d'enfance dans ­l'Allier, chez son oncle éleveur, qui se soldaient par "trois heures de bagnole interminables le dimanche pour rentrer à Paris".

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Batman et Spinoza

Loin de briser ses dualités, il a résolu de les cultiver. Journalisme et enseignement, Canal+ et France Culture, Paris et le Maroc, Batman et Spinoza : "Ce qui m'est indispensable, c'est de me donner la possibilité de rester curieux." Et de pencher tantôt pour le dernier Christopher Nolan, tantôt pour une virée au Louvre en solo. Comme ce dimanche de septembre où, rare faveur de la "période de dingue" actuelle, il s'est retrouvé seul dans les salles des chefs-d'œuvre de la peinture désertées. "C'est une fois dans une vie…"

Sa tendance polymorphe conduit l'animateur à rejeter la routine, lui qui se veut "assez peu rituel" (si ce n'est pour la musique au réveil, le vélo, l'antenne, la boxe). "J'échappe aux côtés répétitifs", assure-t‑il. Avant de se remémorer ses dimanches pluvieux d'étudiant en philo à la Sorbonne, à "faire la queue sur le parvis glacé" de la bibliothèque François-­Mitterrand avec des amis, avant les longues après-midi studieuses. La faim les en extirpait, amorçant le retour vers le Quartier latin. "Ça se terminait toujours dans une sandwicherie grecque de la rue Mouffetard, près de la place de la ­Contrescarpe, pour acheter des crêpes." Œuf-­champignons-fromage, puis Nutella, sans faute. "Peut-être que je suis quelqu'un qui a des rituels, finalement…" On n'est plus à un contraste près.

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