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EXCLUSIF. La France va envoyer une deuxième statue de la Liberté aux Etats-Unis

Le 7 juin, la France enverra une nouvelle statue de la Liberté aux Etats-Unis pour renforcer les liens entre nos deux pays. Elle doit arriver à New York le 4 juillet, pour la fête nationale américaine, puis sera ensuite installée à Washington.

François Clemenceau , Mis à jour le
La réplique du modèle original de la statue de la Liberté, qui sera envoyée depuis Paris aux Etats-Unis, en juillet.
La réplique du modèle original de la statue de la Liberté, qui sera envoyée depuis Paris aux Etats-Unis, en juillet. © Cyril Entzmann pour le JDD

Ce sera l'embarquement du 7 juin. Un jour après l'anniversaire du D-Day, la date n'est qu'une coïncidence. Mais le 7 juin, à Paris, au cœur du 3e arrondissement, la France inaugurera un nouveau voyage de l'amitié franco-américaine pour convoyer vers New York puis Washington une deuxième Lady Liberty. Pour rendre hommage à toutes celles et ceux qui ont permis, des deux côtés de l'Atlantique, l'édification de la statue de la Liberté et qui se sont battus pour ce qu'elle symbolise dans le monde entier. Elle avait été offerte, à l'époque, pour célébrer le centenaire de la déclaration d'indépendance des Etats-Unis , mais elle fut inaugurée avec dix ans de retard, en 1886.

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Conçue par Viollet-le-Duc, ingéniée par Eiffel, sculptée par Bartholdi et assemblée avec ses 300 plaques de bronze sur le sol américain, sa version originale en miniature est exposée au Conservatoire national des arts et métiers et dispose d'une réplique sosie à l'extérieur, au coin des rues de Réaumur et Vaucanson. Cent trente-cinq ans après l'inauguration de la première sur une petite île au large de Manhattan, la seconde débarquera à New York le 4 juillet, pour la fête nationale américaine, puis sera véhiculée jusqu'à Washington où elle sera exposée dans les jardins de la résidence de l'ambassadeur de France. Notre 14-Juillet aura donc une nouvelle invitée au cœur de la démocratie américaine. Elle y restera dix ans, période du prêt consenti par le Conservatoire au Quai d'Orsay.

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Un pied de nez français à l'administration Trump?

"Cette idée de nouveau voyage est née d'une rencontre en juillet 2019, nous confie le diplomate Philippe Étienne. Je savais que j'allais bientôt être nommé ambassadeur aux Etats-Unis et j'étais encore le sherpa du président de la République. Ce soir-là, d'ailleurs, je participais à un dîner de la présidence française du G7 sur l'éducation, ce qui m'a permis de bavarder avec Olivier Faron." Il se trouve que ce dernier, administrateur général du Conservatoire national des arts et métiers, féru d'histoire et de pédagogie, cherche de son côté à valoriser le patrimoine français à l'étranger. Il pense à ses trésors du musée du Cnam devant lesquels des milliers de visiteurs s'émerveillent chaque année. Les deux hommes en viennent assez naturellement à évoquer le sort de la statue de la ­Liberté.

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L'immense et historique, don de la France aux Américains, est à New York. Celle de l'île aux Cygnes, au niveau du pont de Grenelle, fut offerte en retour aux Français par un comité d'amitié franco-américain pour célébrer le centenaire de la Révolution française, en 1889. Mais il y a cette autre statue, le modèle original et son socle magnifique en forme de proue de navire dans lequel se niche un extraordinaire diorama protégé par une vitrine : on y voit les passagers d'un paquebot à l'approche de New York. Une plaque initiale évoque le travail de "deux peuples associés en cette œuvre fraternelle, comme ils le furent jadis pour fonder l'indépendance américaine".

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Cette ­statue est un double symbole de liberté mais aussi d'accueil

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Il était compliqué, voire impossible, de faire voyager cet unique exemplaire du modèle de la grande sœur new-yorkaise. Mais sa réplique à l'identique en taille et en poids, qui a bénéficié d'une technique de numérisation des points de comparaison, est disponible dehors, fière de montrer sa torche qui éclaire virtuellement le square du Général-Morin. Certains y verraient un autre clin d'œil. Le général Arthur Morin était un ­militaire et physicien dont le beau-père s'était engagé au service de la révolution américaine. Il était également l'oncle de James Berret qui fut maire de Washington de 1858 à 1861. Le monde est tout petit…

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"On voulait renouer le fil avec cette histoire franco-américaine, raconte Philippe Étienne. Cette ­statue est un double symbole de liberté mais aussi d'accueil." Fallait-il voir alors dans ce projet une forme de pied de nez français à l'administration Trump, dont la politique migratoire était d'une rigidité qualifiée d'inhumaine par ses détracteurs? Le diplomate conteste cette interprétation, préfère parler d'une aventure apolitique, plus proche de la grande Histoire que de la petite. Même si, dans l'esprit de la politique étrangère française vis‑à-vis des États-Unis, l'idée a bien été, pendant cette période, de prouver aux Américains que la France restait fidèle aux ressorts de l'amitié commune née dans le combat pour l'indépendance et la liberté.

La statue sera accueillie sur Ellis Island puis à Washington

N'était-ce d'ailleurs pas l'explication originelle du premier voyage au XIXe siècle ? Le sénateur Édouard de Laboulaye avait réuni autour de lui des amis libéraux et admirateurs de l'Amérique pour créer ensemble le Comité de l'union franco-américaine. D'un de leurs dîners était née l'idée de faire construire un mémorial de la liberté aux États-Unis et l'offrir en cadeau pour le centenaire de leur indépendance. Comme le rappelle la tablette de 7,18 mètres de hauteur que porte Lady Liberty dans sa main gauche dans laquelle sont simplement gravés les chiffres romains du 4 juillet 1776. Comme un code qui déclenche en miroir le 14 juillet 1789, treize ans plus tard.

Parmi les comploteurs aux côtés de Laboulaye, dont deux des descendants seront ambassadeurs de France à Washington, figuraient Oscar de La Fayette, petit-fils du marquis, et Hippolyte de Tocqueville, le propre frère d'Alexis, le politiste français qui a le mieux décrit le génie et les failles de la démocratie américaine. À l'époque, l'initiative de commander cette statue de la Liberté à Bartholdi était privée. Il avait fallu recourir à des mécénats, des dons, mais aussi une immense souscription populaire qui finit sur le tard par porter ses fruits. Aujourd'hui, le projet est public mais le financement va rester privé. L'État a choisi comme partenaire le champion mondial de la logistique, l'armateur CMA CGM. Son vice-président, Patrice Bergamini, rappelle la fonction de "trait d'union" de sa société entre les deux pays. Aux États-Unis, l'entreprise française emploie 12 000 salariés sur plus d'une centaine de sites. En France, ses techniciens ont conçu un sarcophage sur mesure et protégé par du Plexiglas transparent pour envelopper la statue de 2,83 mètres. Le conteneur dans lequel elle voyagera est unique, équipé de capteurs, frappé à l'effigie de Lady Liberty. Il voguera sur les eaux de l'Atlantique à bord du porte-conteneurs Tosca sous pavillon français.

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Nous avons relancée notre idée de départ cet hiver lorsqu'on s'est rendu compte que la réouverture du pays était en bonne voie

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Avant le grand départ du Havre, la cérémonie de départ à Paris sera l'occasion pour Olivier Faron de réunir le public autour du grand historien des États-Unis André Kaspi. À son arrivée à New York, la statue sera accueillie sur Ellis Island, qui abrite le musée national américain de l'immigration. La petite statue regardera en direction de la grande, sur Liberty Island, à quelques centaines de mètres de distance. L'ambassade de France à Washington est en train de préparer un colloque d'historiens qui se réunira au cours de cette période. Le directeur du musée français de l'immigration, l'historien Pap Ndiaye, en sera l'un des invités de marque. Miss Liberty sera ensuite transportée par la route pour se rendre à Washington. Elle débarquera au 2221 Kalorama Road. Sur les hauteurs de la capitale, c'est dans cette résidence cossue que vit l'ambassadeur de France. La statue sera exposée au cœur du jardin. "J'ai prévenu les voisins et la maire de Washington, elle sera visible de tous depuis la rue", se réjouit Philippe Étienne. Le voisinage ne risque pas de se plaindre. Il compte parmi ses résidents Barack Obama ou Jeff Bezos. Et le couple formé par Ivanka Trump et Jared Kushner a quitté les lieux pour rejoindre l'ex-président en Floride.

"En 2019, notre idée de départ s'est vite enlisée avec la survenue de la pandémie de Covid-19, raconte Philippe Étienne. Nous l'avons relancée cet hiver lorsqu'on s'est rendu compte que la réouverture du pays était en bonne voie." L'ancien conseiller diplomatique d'Emmanuel Macron à l'Élysée a rallongé la liste des invités à la cérémonie du 14-Juillet qui se déroulera à Kalorama. Les élus du French Caucus au Congrès, l'équivalent du groupe d'amitié franco-américain dans nos assemblées, bien sûr, mais également les plus francophones et francophiles collaborateurs de Joe Biden, comme l'émissaire spécial sur le climat John Kerry ou le secrétaire d'État Antony Blinken. "Nos sociétés démocratiques sont interrogées par ce qui s'est passé au Capitole le 6 janvier", rappelle Philippe Étienne. La démocratie est fragile et les Républiques américaine et française peuvent connaître des crises de croissance, même à l'âge adulte. Ce sera donc le message à l'heure où Joe Biden prépare son sommet des démocraties qu'il réunira d'ici à la fin de l'année.

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