Édouard Baer-Emmanuelle Devos, couple infernal

C'est un joli retour d'ascenseur. Il y a un peu plus d'un an, Emmanuelle Devos, qui devait tenir le rôle-titre de Violette, de Martin Provost, avait suggéré le nom de Sandrine Kiberlain au réalisateur qui cherchait alors une comédienne pour incarner Simone de Beauvoir. À la sortie du film, la critique a souligné la performance des deux actrices devenues amies. "Nous avons déjeuné, il y a deux mois, dit Emmanuelle. Et Sandrine n'a pas arrêté de me vanter les mérites d'une pièce qu'elle ne pouvait malheureusement pas jouer. Il se trouve que j'avais très envie de faire du théâtre cet hiver. En une semaine, c'était réglé."

Un partenaire "déstabilisant"

Dans La Porte à côté, de Fabrice Roger-Lacan, l'une des interprètes fétiches d'Arnaud Desplechin incarne une psy, plutôt collet monté, confrontée à un voisin de palier (Édouard Baer) spécialiste en marketing. Très vite, ils vont se taper sur les nerfs… sans savoir qu'ils correspondent via le même site de rencontres sur Internet. "Deux personnes qui s'engueulent alors qu'elles ont plein de points communs, ça m'a amusée. Elle, elle est toujours de mauvaise humeur, démarre au quart de tour, s'indigne de tout. Ainsi, elle se scandalise quand son voisin propose de mettre du Bruckner dans une publicité pour les yaourts. Tout le contraire de moi qui suis plutôt gentille et au caractère assez lymphatique. Du coup, avec son énergie intérieure, il a fallu que je m'habitue à une vitesse d'élocution qui n'est pas la mienne."

Autre élément "déstabilisant" : son partenaire. Ils ont beau partager le même agent, Emmanuelle Devos et Édouard Baer n'ont fait que se croiser ces dernières années. "Nous sommes actuellement en pleine répétition mais je crois que je saurai vraiment comment il joue son personnage le premier jour des représentations. Il a de ces fulgurances." Pour Emmanuelle, La Porte à côté, même si on y rit beaucoup, n'est pas qu'une simple mécanique comique. "Au-delà de l'échange de bons mots, il y a une profondeur dans l'écriture de Fabrice Roger-Lacan. Je trouve même ça émouvant, ces personnages qui ont une pudeur telle qu'ils n'arrivent pas à se livrer."

La cinquantaine libérée

La comédienne vient d'enchaîner six films. "Essentiellement le hasard", explique-t-elle. Mettant de côté qu'avec des consœurs comme Karin Viard, avec qui elle sera à l'affiche d'On a failli être amies, d'Anne Le Ny, ou Sandrine Kiberlain, elle est l'une des actrices les plus talentueuses et les plus demandées de sa génération. Le succès ne la rassure pas pour autant. "J'aime bien savoir ce que je fais trois ans à l'avance. À 25 ans, j'avais moins d'angoisse de ne pas avoir de projets." Pour elle qui joue aussi bien du Victor Hugo, du Strindberg que du Labiche, le théâtre est une respiration nécessaire. "D'ailleurs, je vais en faire plus", annonce-t-elle, évoquant un Platonov qu'elle jouera dans un an au théâtre de la Colline.

C'est sans fausse pudeur qu'Emmanuelle Devos s'apprête à passer le cap de la cinquantaine dans quelques mois. "J'ai déjà 50 ans dans ma tête et je me sens plutôt bien dans ma peau. Je suis moins blessée qu'avant par des choses qui n'en valaient pas la peine. Je me suis aussi débarrassée de faux scrupules, avec toujours cette hantise de déplaire à l'un ou à l'autre. J'ose plus maintenant." Comme d'aller ouvrir la porte à côté?

La Porte à côté, Théâtre Édouard-VII (Paris 9e). À partir du 31 janvier. Loc. : 01 47 42 59 92. www.theatreedouard7.com

Source: JDD papier