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Douze tableaux de Vermeer réunis pour une exposition événement

Douze tableaux de Johannes Vermeer, le maître de Delft, sur les 36 existants seront présentés dans l’exposition consacrée aux peintres de genre du XVIIe siècle hollandais. Un événement qui ne s’était pas produit depuis cinquante ans.

Danielle Attali , Mis à jour le
"La femme à la balance" et "La Dentellière", deux oeuvres majeures de Vermeer.
"La femme à la balance" et "La Dentellière", deux oeuvres majeures de Vermeer. © RMN Grand Palais/Gérard Blotle

"La femme à la balance" et "La Dentellière", deux oeuvres majeures de Vermeer. (RMN-Grand Palais/Gérard BlotLe)

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Le génie, le mystère, la rareté. Tous les ingrédients étaient réunis pour que Johannes Vermeer devienne un géant de l'histoire de l'art. Mais qui était au juste ce maître hollandais né en 1632? On ne répondra jamais vraiment à cette question. Disparu trop jeune (en 1675) pour laisser une œuvre importante – seuls 36 de ses tableaux sont parvenus jusqu'à nous – il ne reste pas non plus de traces écrites sur sa vie et sa carrière. Cette économie donne au peintre une aura encore plus précieuse, à l'instar d'un Léonard de Vinci dont moins de 30 peintures – et certes de nombreux dessins – ont traversé le temps. Ne surnomme-t-on pas d'ailleurs La Jeune Fille à la perle (absente de l'exposition), "La Joconde du Nord".

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C'est dire l'importance considérable de l'exposition Vermeer du musée du Louvre qui présente douze de ses tableaux pour la première fois en France depuis 1966 à l'Orangerie. Certes, en 1996, La Haye avait réussi l'exploit d'en rassembler 23! Tellement incroyable que certains avaient parlé "de plus grand événement de l'histoire de l'art de la fin du XXe siècle". Impossible de rivaliser avec pareille prouesse. Mais sous l'intitulé un peu rébarbatif "Vermeer et les maîtres de la peinture de genre", l'expo du Louvre s'impose parmi les grandes. Dès mercredi et jusqu'au 22 mai, judicieusement mélangés à 70 toiles signées des grands peintres de l'âge d'or hollandais (1650-1675), les Vermeer se déploieront hall Napoléon, presque sous la pyramide. Un ensemble cohérent qui met en lumière la supériorité absolue et la magie d'un artiste dont il a fallu aller chercher chaque tableau un par un à travers le monde et convaincre les musées internationaux, qui n'aiment pas se séparer de leurs chefs-d'œuvre de nous les prêter. Jamais simple. Et dans le cas présent encore moins! Le débat sur l'attribution d'un 37e tableau, Sainte Praxède, détenu par le musée de Tokyo, n'y change rien.

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Huit musées et un collectionneur privé pour onze chefs-d'œuvre

Tout commence il y a presque cinq ans. Le commissaire de la National Gallery of Ireland à Dublin, Adriaan Waiboer, propose à Henri Loyrette, séduit par l'idée et alors président du musée du Louvre, de "faire quelque chose" sur Vermeer en le replaçant face à ses contemporains. Son remplaçant, Jean-Luc Martinez, prend le relais et concrétise l'aventure avec le conservateur du département des peintures, Blaise Ducos. "Pour monter une exposition Vermeer, explique ce dernier, il faut à la fois en posséder, être une grande institution et avoir des amis dans les musées du monde qui en sont détenteurs. Après, tout est une histoire de diplomatie, les gens mènent aux œuvres et vice versa." Ainsi, Arthur Wheelock, conservateur à la National Gallery of Art de Washington, entre dans la danse.

Paris, Dublin, Washington détiennent cinq œuvres. Pas suffisant. Le Louvre convoite une vingtaine de toiles, les autres sont soit hors sujet (comme la peinture d'histoire), soit ne voyagent jamais, comme celles de la Frick Collection, à New York face à Central Park, pas plus que la "Femme jouant de la guitare" de Kenwood House, près de Londres. Grâce aux musées de Francfort, Berlin, New York, Amsterdam et d'un couple de collectionneurs, les Kaplan, donateurs récents d'une œuvre d'un élève de Rembrandt au Louvre, ils en obtiennent sept de plus. Gagné! Ce succès semble de plus donner des ailes au plus grand musée du monde qui retrouve le goût des nobles monographies : en 2018, ce sera au tour de Delacroix, et en 2019 de Léonard de Vinci.

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D'ici là, voici Johannes Vermeer dont la mort à l'âge de 43 ans d'un arrêt cardiaque n'explique pas à elle seule sa faible productivité. "C'était un peintre ultraminutieux, lent, recueilli, raconte Blaise Ducos. Il a travaillé essentiellement pour un couple de commanditaires et mécènes, les Van Ruijven, qui a capté l'essentiel de sa production. Ils en ont possédé jusqu'à 21. Vermeer n'était pas de surcroît un de ces artistes au tempérament fiévreux."

Pire, pas un dessin préparatoire, pas une esquisse, un écrit, une commande, voire un relevé de comptes ne subsiste. On ignore jusqu'à ses années de formation, que forcément il a suivies, car il entre à 21 ans à la guilde de Saint-Luc de Delft comme maître. On sait juste grâce à un acte notarié qu'il a croisé l'artiste Gerard ter Borch en 1653. D'ailleurs, sa famille connaît des peintres, il aurait approché Carel Fabritius, un élève de Rembrandt. Les suppositions ne manquent pas pour trouver des filiations, des influences et des amitiés à ce solitaire silencieux.

Au rang des certitudes, il se marie avec Catharina Bolnes, jeune femme d'un milieu fortuné, dont il aura onze enfants. "On imagine que son atelier devait être calme, pur et silencieux, poursuit Blaise Ducos. Il travaillait chez lui dans une immense maison cossue sur la place centrale de la ville." Mais de graves problèmes d'argent le poursuivent. Pourraient-ils être à l'origine de la crise cardiaque qui l'emporta? Pas impossible. D'après le commissaire de l'exposition, nous serions, nous, les Français, la cause de ses ennuis. "Pour empêcher Louis XIV de les envahir, les Hollandais décident de noyer leurs terres, font sauter les digues, la moitié du territoire étant sous le niveau de la mer, l'inondation est générale, le pays ruiné, le marché de l'art s'effondre. Or, Vermeer, qui ne vivait que de cela, ce fut absolument terrible." Nous sommes en 1672, il décède trois ans plus tard.

La nouvelle vague hollandaise

Pourtant, sa cote fut considérable. On raconte qu'un seul de ses tableaux équivalait à trois ans du salaire d'un artisan. L'exposition veut tordre le cou à l'idée qu'il fut un "artiste isolé". Au contraire, il fréquentait des maîtres, s'est construit et métamorphosé à leur contact. "On goûte mieux Vermeer si on voit les tableaux qui l'ont influencé ou qu'il a regardés comme une combinaison de rejet et d'admiration. Dans la scénographie, les œuvres se parlent. Le public aura à la fois des merveilles sous les yeux et de la nourriture pour penser."

Accrochés sur les cimaises à ses côtés, Gerard Dou, Gerard ter Borch, Jan Steen, Caspar Netscher et beaucoup d'autres qui représentent également ces scènes d'intérieurs "élégantes et raffinées". Un genre qui incarne la modernité et est perçu comme une véritable nouvelle vague. À cette époque, la Hollande se constitue en nation, alors son art devient, lui aussi, national. "Vermeer en est le représentant, pas l'inventeur, précise Blaise Ducos. Lui regarde, cherche et trouve sa manière. En cela, le dossier que nous avons construit est inédit dans l'histoire de l'art. Il procède comme une enquête avec des pièces à conviction, des démonstrations…" Par exemple, face à Gerard Dou, qui peint avec trois paires de lunettes La Cuisinière hollandaise qui inspire La Laitière, Vermeer débarrasse, enlève, efface. Il épure l'espace pour mieux donner du sens au sujet, à la lumière, à l'émotion. À la netteté, il s'amuse d'un flou sur un objet de second plan comme s'il utilisait un appareil photo ou plutôt une camera obscura. "Il en possédait certainement une."

Utile quand on sait que certains tableaux de Vermeer, qui avait une culture visuelle très vaste, sont de très petite taille (24,5 sur 21 cm pour La Dentellière). "Les Hollandais du XVIIe siècle étaient les opticiens de l'Europe, ils ont inventé le microscope."

À sa mort, Vermeer sombre en partie dans l'oubli. Les historiens d'art l'ignorent, rares sont les collectionneurs qui s'échangent ses tableaux. En 1866, le journaliste et historien d'art Étienne-Joseph-Théophile Thoré, amoureux du XVIIe siècle hollandais, le ressuscite à travers trois articles et rend ainsi sa place au "sphinx de Delft". "Vermeer a créé sur des petits formats des œuvres monumentales où l'air circule et qui sont presque des cathédrales. Le plus émouvant? Se dire que des gens les ont aimées, gardées, protégées, qu'elles ont traversé les guerres, les catastrophes pendant des décennies et qu'aujourd'hui, elles sont là, devant nous."

Vermeer et les maîtres de la peinture de genre, musée du Louvre, hall Napoléon, Paris (75001). Du 22 février au 22 mai. Catalogue : 39 euros.

Source: JDD papier

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