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Orban, à la scène et à la ville

Christine et Olivier Orban en novembre 2010. Abaca

L'éditeur, Olivier, associé à sa femme, Christine, signe une pièce de théâtre : «Le Collectionneur». Ce huis clos sur la passion numismatique sera jouéà partir de mercredi soir à Nice. Rencontre avec un duo hors du commun.

Dans le compte commun de Christine et Olivier Orban se trouvent désormais quelques sesterces d'une rare valeur. Cela paraît presque normal pour un couple qui cultive la distinction, avec un petit côté ancien très affirmé. Car Monsieur et Madame se vouvoient depuis toujours et se distinguent encore par l'écriture à quatre mains d'une pièce de théâtre qui sera jouée dès mercredi soir au Théâtre national de Nice. Le Collectionneur (publié aux Éditions Albin Michel) met en scène un numismate obsédé par ses monnaies au point de délaisser son épouse. Une pièce d'or rarissime à l'effigie de Cléopâtre sème la tempête au sein du couple et mènera le mari au bord de la folie. De cette histoire, Christine Orban avait déjà fait un roman, publié en 1993. C'est le producteur de cinéma Jean-Louis Livi qui lui a soufflé l'idée de transformer ce huis clos en une pièce de théâtre. La romancière a accepté, embarquant son époux dans cette aventure inédite.

S'il s'en frotte les mains, l'intéressé était, à la veille des représentations, pétri de trac. Pour la première fois, l'éditeur sûr de lui cède le pas à l'auteur inquiet de la réaction du public. Il n'a même pas contredit le metteur en scène Daniel Benoin lorsque celui-ci leur a annoncé qu'il avait coupé le texte pour les besoins de l'adaptation scénique. «Je l'ai tellement fait pour mes auteurs que je n'oserais m'y opposer», souligne, affable, Olivier Orban. Il pratique la même méthode avec sa romancière d'épouse : «Je suis son premier lecteur depuis que je l'ai rencontrée, il y a plus de vingt ans. Elle venait me proposer un manuscrit que j'ai publié. Aujourd'hui, je ne l'édite plus mais elle continue à me donner la primeur de ses textes.» De lui, elle affirme : «Il est le meilleur lecteur que je connaisse.»

Comme d'autres vont au marché, les deux comparses se sont donc enfermés quelques mois durant, le week-end, dans des pièces séparées pour retravailler le texte d'origine. Ce n'est pas la première fois qu'ils écrivent de conserve. En 1997, ils publiaient Une folie amoureuse, un roman sur les affres de la jalousie, déjà. Ce premier livre avait bien évidemment valu au duo quelques reportages appliqués à la vie de couple et l'amour en général, d'où l'image quasi modèle qui perdure aujourd'hui. Lui, patron de Plon, éditeur éclectique qui publie aussi bien Arlette Laguiller que le Pape. Elle, romancière à succès évoquant, dans ses ouvrages, sa vie, ses états d'âme, sa passion pour les vêtements et son goût pour les arts. Aujourd'hui, Christine Orban s'est engouffrée avec l'assurance de celles qui savent dans le créneau des livres en forme de leçon de vie. Dans le dernier, La vie m'a dit (Albin Michel), la belle mondaine, qui cultive sans faillir cette aptitude à vivre dans la plénitude, écrit : «Le bonheur en société est souvent un bonheur inquiet.» Ainsi édictée sous la forme d'un de ces aphorismes dont elle a le secret, la phrase pourrait presque sonner comme un aveu.

Elle a donné au héros de la pièce, le collectionneur fébrile et passionné, le second prénom de son époux, dont le père était hongrois, soit Arpad, fier patronyme qui évoque le fondateur de la première dynastie magyare. «Nous sommes bien de grands collectionneurs, tempère Olivier Orban, mais c'est pourtant elle qui a cette passion. Moi, je ne fais que la suivre. Nous passons beaucoup de temps dans les ventes aux enchères, aux Puces. C'est un passe-temps que j'adore. C'est une passion qui la dévore.» Elle vit en effet entourée d'objets qui l'inspirent et la rassurent, dans leur appartement du VIIe arrondissement : un lieu historique puisqu'Alphonse Daudet y habita à la fin du XIXe siècle.

«Un pluralisme qui me correspond»

Celui qui jette un œil dans le bureau d'Olivier Orban, chez Plon, ne peut pas ne pas noter l'ambiance quasi monacale, sans signe extérieur de richesse. La vue de l'église Saint-Sulpice, que l'on voit de la fenêtre, est bien la seule expression artistique de l'endroit. Elle est inestimable. Pour le reste, de simples affiches d'expositions encadrées au mur, un dessin de Sempé, pas de bibelots rares, pas de photos de leurs deux fils. Seul un petit portrait encadré de Christine Orban, posé discrètement non loin de l'ordinateur, témoigne de sa vie privée. L'homme est réservé autant que sa femme est volubile.

Elle s'est longuement exprimée sur son enfance exotique à Casablanca, la proximité de la nature, son amour de l'équitation, ses études de droit et sa carrière dans le notariat avortée pour cause d'une autre passion dévorante, celle de l'écriture. À l'inverse, Olivier Orban reste bref sur ses origines et son enfance. Il n'y pointe aucune trace d'exotisme malgré la venue d'un père hongrois qui s'installa en France en 1929. «Mon père travaillait dans les métaux non ferreux. Nous sommes loin des livres. Il n'y en avait d'ailleurs pas beaucoup à la maison», résume-t-il sobrement. «Mais c'est lui qui m'a prêté mes premiers locaux pour que je fonde ma maison d'édition. Il louait ces pièces à l'administration du Théâtre Daunou. Aujourd'hui, j'y vois une heureuse coïncidence.»

Le jeune éditeur, qui a débuté comme lecteur chez Denoël, décrit ses débuts sans emphase : «Lorsque j'ai fondé les Éditions Orban, le succès est venu assez tardivement. J'ai appris à gérer la rareté sans m'emballer.» Lorsque le succès arrive, il est pourtant considérable, avec La Nuit du sérail, de Michel de Grèce, qui se vendra à 1,3 million d'exemplaires. Depuis, Olivier Orban a observé la même ligne de conduite. «Je n'ai jamais défendu une littérature en particulier ou eu un engagement militant. Je publie autant de gens de droite que de gens de gauche. Lorsque je suis devenu directeur de Plon, j'ai poursuivi dans un pluralisme qui me correspond.» Il publiera ainsi bientôt Alain Decaux, les Mémoires de Maurice Druon pendant la guerre, le prochain essai de Luc Ferry. Et encore une biographie qui devrait faire parler : celle du père de Nicolas Sarkozy, Pal, un Hongrois !

«C'est quelqu'un qui a toujours considéré l'édition comme un jeu, remarque Anthony Rowley, éditeur chez Fayard qui travailla longtemps à ses côtés. Un jeu dans tous les sens du terme, intellectuel, social, avec le côté poker. Il n'est pas du tout dans le registre patrimonial, comme Gallimard. En vrai joueur, il accepte tout à fait de perdre ou de gagner.»

Jouer. C'est ainsi qu'il conçoit l'écriture à quatre mains. Il caresse l'idée d'une autre pièce de théâtre. «Vous savez, c'est une occupation formidable pour les vacances», lance-t-il, avec sérieux. La petite entreprise Orban est sur les rails.

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1 commentaire
  • Vercingétorix1

    le

    Ils se montrent partout ,tout le temps.N'y ya-t-il rien d'autre à montrer de plus interressant que ces gens qui courrent partout pour se montrer ?

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