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Les secrets de la colonne Trajane

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LIVRE - Depuis l'an 113, elle s'élève, inaltérée, dans le ciel de Rome. Les éditions Picard consacrent à la colonne Trajane un ouvrage exceptionnel, qui permet de voir à domicile, dans le détail et mieux qu'à Rome, l'un des plus grands ensembles de toute la sculpture antique, et la mère de toutes les colonnes historiées, de Rome à Vienne en passant par celle de la place Vendôme, à Paris.

Le 12 mai 113, le Sénat de Rome dédia à l'empereur Trajan (98-117) une colonne «pour faire connaître jusqu'à quelle hauteur la colline et l'endroit ont été excavés au prix de si grands travaux», affirme l'inscription qui se trouve sur le dé qui en forme la base. Un texte de Dion Cassius, homme politique et historien qui vécut à Rome un siècle plus tard, en précise le sens: «Trajan fit élever sur le forum [celui qu'il avait construit] une haute colonne destinée à la fois à lui servir de tombeau et à être une preuve du travail exécuté sur cette place ; cet endroit, en effet, étant élevé, il le défonça de toute la hauteur de la colonne, et en fit ainsi une plaine.» Autrement dit, l'empereur avait transformé la nature et modelé un nouveau paysage. Il avait montré par-là que sa puissance était sans égale. À ces deux fonctions de la colonne Trajane —témoin des gigantesques travaux entrepris par le prince et sépulture impériale dans son piédestal— s'ajoute une troisième: célébrer les victoires de l'empereur sur les Daces au cours de deux campagnes militaires (101-102; 105-106), celles que racontent la frise historiée qui s'enroule sur le fût de cette colonne de 38,87 mètres de haut que prolongeait une statue en bronze de Trajan haute entre 4 et 6 mètres. Une statue de saint Pierre la remplace depuis 1587.

Sur la spirale longue de 200 mètres, 2639 personnages d'une extrême variété, 326 représentations d'architecture, 58 tentes, 105 arbres, 82 chevauxs...

Depuis sa dédicace, la colonne émerveille tout visiteur qui se rend à Rome et interroge architectes et historiens. Parmi ces derniers qui comptent les plus grands spécialistes de l'histoire romaine, un nouveau nom, Alexandre Simon Stefan. Nul doute que son ouvrage fera date: il est magnifique, complet, répond à toutes les questions que l'on est en droit de se poser (lisibilité, polychromie, auteurs, artisans, etc.) et apporte quantité d'éléments nouveaux. Deux exemples, pris dans deux registres très différents.

Après d'autres, Stefan a refait le compte des personnages qui habitent la spirale longue de 200 mètres: un total, supérieur à celui qui est généralement annoncé, de 2639 personnages d'une extrême variété! Sans oublier 326 représentations d'architecture, 58 tentes, 105 arbres, 82 chevaux. Une source d'informations extraordinaire pour l'historien qui a même retrouvé sur un moulage en plâtre réalisé pour Louis XIV, une main de Trajan qui tenait un volume, main qui a disparu de la colonne actuelle. Mieux, l'historien s'est fait architecte pour mettre en valeur la réalisation complexe de la colonne, ses invraisemblables raffinements mathématiques et les défis d'un chantier qui atteignait les limites techniques de l'époque. Ainsi, on hissa à leur place les vingt-neuf blocs de marbre de Carrare, pesant jusqu'au-delà des soixante-dix tonnes; ainsi la colonne est évidée afin de laisser la place à un escalier en colimaçon éclairé par quarante fenêtres; ainsi le poids total, estimé à quelques 1036 tonnes, réparti tout en hauteur, repose sur une base étroite et en partie creuse!

Nouveauté encore: la façon dont Trajan a réutilisé des éléments artistiques empruntés à Domitien, «le Néron chauve». Il y eut une véritable guerre d'images. Trajan fut aidé dans sa propagande par l'ordre sénatorial et les intellectuels de l'époque, qui haïssaient le dernier des Flaviens. Nouveauté encore, ou très mal connue, que cette campagne photographique entreprise en 1862 sur l'ordre de Napoléon III et dont les représentations complètes, d'une qualité sans pareil, forment le coeur de l'ouvrage. Elles permettent ainsi de voir à domicile, dans le détail et mieux qu'à Rome, toute la colonne, avec les commentaires judicieux d'Alexandre Simon Stefan.

La colonne Trajane est la mère de toutes les colonnes historiées, celles de Rome, de Vienne et de la place Vendôme à Paris.

A lire ce dernier, on comprend la fascination que la colonne Trajane a exercée sur les artistes et les hommes politiques. L'historien en a dressé les listes du XVe siècle à nos jours. On y trouve aussi bien Mantegna que Rodin, Michel Ange que Rubens, Raphaël que Gauguin. Quant aux politiques, les Français s'y illustrent de François Ier à Napoléon III. La colonne Trajane est vraiment la mère de toutes les colonnes historiées, celles de Rome, de Vienne et de la place Vendôme à Paris.


La colonne Trajane, Hélène Chew et Alexandre Simon Stefan, éditions Picard, 304 p., 80 euros.

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