Loïc Hervé, droit dans ses bottes ?

Loïc Hervé a au moins une constance : il garde le même cap quoi qu’en pensent les autres hommes politiques. Depuis des mois, il claironne haut et fort sa désapprobation au sujet du pass sanitaire et ce n’est pas là le seul sujet qui l’interpelle. Il nous a parlé de sa vision de la droite, des futures élections présidentielles, de celle des candidats LR, du rapport sur la Covid-19 et du président de l’Association des maires de France. 

 

Le Faucigny : Avant d’en venir à ce rapport sur la Covid-19 que pensez-vous de l’élection de David Lisnard, nouveau président de l’Association des maires de France ?

Loïc Hervé : Tout d’abord, je le félicite, ainsi que Catherine JullienBrèches, maire de Megève qui fait partie du comité directeur, même si en tant que centriste j’ai soutenu Philippe Laurent qui est le secrétaire général pour l’Association des maires de France. 38 % pour quelqu’un dont on disait qu’il ne représentait que 2,2 % des élus, ça montre que peut-être en France, il y a aussi un besoin d’équilibre et que le vieil accord entre les républicains et les socialistes pour contrôler l’Association des maires n’est pas acceptable pour les 38 % des maires qui ont voté pour Philippe Laurent. À David Lisnard maintenant de réconcilier tout cela.

Faut-il voir dans ce résultat le fait qu’il faut et faudra compter sur les centristes dans les élections à venir ?
Il prouve que les modérés et les centristes existent. Et comme j’ai la prétention dans ce département d’en assumer une partie de la responsabilité, je dis simplement que ceux qui oublient que le centre existe le paieront à leur détriment.

Les candidats LR aux élections présidentielles semblent l’avoir oublié, non ?
C’est normal, il n’y a que les militants LR à jour de leurs cotisations qui peuvent voter. Même leurs sympathisants n’ont pas pu y participer.

Il a pourtant été question, à un moment, que les centristes y prennent part, non ?
Eh bien, non. Les militants LR en ont décidé autrement et c’est une grosse erreur. Une de plus.

Ça veut donc dire que les centristes vont aller voir ailleurs…
Moi, je me sens totalement libre. Au Sénat, je suis dans une majorité entre le groupe LR et le groupe centriste. À l’AMF il y a un accord entre les LR et les socialistes. À la primaire de la droite et du centre, on se concentre sur la droite et nous avons un vote des militants républicains. Le centre ne se sent pas concerné par ce vote… et moi je ne me sens plus concerné par ce vote. Ça aurait été le cas s’il y avait une primaire ouverte. Donc je ne suis pas allé à la réunion de Michel Barnier, de Valérie Pécresse et encore moins de Xavier Bertrand. Pour la petite histoire, certains m’ont invité, d’autres non. Nous verrons par la suite ce qu’ils ont à proposer au pays.

Nous le voyons déjà un peu aujourd’hui ce qu’ils ont à proposer. Et ça nous permet d’en venir à un problème actuel puisque Valérie Pécresse et Xavier Bertrand se disent prêts, au nom de l’intérêt général, à confiner les non-vaccinés. Vous en pensez quoi ?
Je suis très fier d’avoir mené ce combat parce que j’ai eu de bonnes nouvelles au niveau de la clarification de la France sur le sujet car Olivier Véran nous a confirmé que la loi actuelle ne permet pas un confinement des non vaccinés. Ensuite, le président de la République a dit dans une interview qu’il n’envisageait pas cette solution-là, parce que selon lui le pass sanitaire marche bien. J’ai une appréciation différente, mais je prends cela comme deux bonnes nouvelles et je ne regrette pas d’avoir mené ce combat et posé ma question à Olivier Véran.

Au sein du Sénat, y a-t-il des non-vaccinés dans votre groupe par exemple ?
Honnêtement, je n’en sais rien…

Vous qui êtes pour la liberté de vaccination, que leur diriez-vous ? De rester ainsi ou de se faire vacciner ?
Je ne vais pas répondre à votre question comme ça, je vais y répondre différemment. J’ai 3 enfants et ma fille aînée est concernée par la vaccination. Nous allons nous retrouver dans une situation où à 13 ans, elle va devoir faire une troisième dose alors que 15 % des plus de 85 ans ne sont pas vaccinés. Là, je me dis que l’on marche un peu sur la tête. Donc, le sujet ce n’est pas la vaccination obligatoire, le sujet c’est d’aller rencontrer ces 15 % de personnes à risques pour bien être sûr qu’elles ne veulent pas se faire vacciner. C’est une politique de santé publique en fait. Dans ce pays, au lieu de choisir la raison et à la confiance, on a choisi la coercition et la violence, donc forcément le pass sanitaire a amplifié la vaccination, mais il a radicalisé les antis et cela me pose un vrai problème. Toutefois je continuerai ce combat calmement. Je suis vacciné, je suis modéré, mais je trouve que ce pass sanitaire que l’on nous impose dans la vie quotidienne commence à devenir insupportable.

Mais tout le monde s’y est habitué, c’est devenu naturel…
C’est cela qui m’inquiète ! L’accoutumance est la pire des choses, l’accoutumance au pass sanitaire est pire que le pass lui-même. Cela veut dire que l’on a avili, qu’un contrôle social s’opère de manière massive en France avec des centaines de millions de contrôles par jour. C’est dramatique que cela devienne naturel, dramatique que cela soit fait par des personnes qui ne sont pas habilitées à le faire. Et c’est sur la base de quelque chose qui est attentatoire à la liberté, la plus essentielle, qui est celle d’aller et venir. Cela nous l’avons oublié, comme si ce n’était rien. Ce qui est dingue, c’est que l’on a dans nos discours, en permanence, les mots liberté, état de droit et de démocratie, de manière pérenne et on installe dans notre pays un système de contrôle, sans se poser de questions. Comment allons-nous enclencher la marche arrière ? Comment allons-nous décider d’enlever le masque ou de lever l’obligation vaccinale pour une partie de la population ou d’enlever le pass ? Il n’y aura aucune situation sanitaire qui le permettra.

Il y a un rapport sur la Covid-19* qui explique que seulement 2 % de la population a été touchée. Quelle réaction cela provoque-t-il chez vous ?
J’ai vu ce rapport. Toutefois, je me méfie de ces rapports uniquement statistiques qui font des ratios. Je me méfie des conspirations qui disent que la Covid n’existe pas parce qu’il n’y a que 2 % de la population qui a été touchée. Pour moi, il ne faut pas faire dire à un rapport ce qu’il ne dit pas. Nous devrions avoir des analyses de l’Insee sur la mortalité qui nous permettrons de mesurer l’ampleur de la mortalité et aussi de relativiser par rapport à ceux qui sont annuels ou pluriannuels. Là où je suis interrogatif, c’est sur la capacité du ministre de la Santé à avoir une connaissance précise, en temps réel, de ce qui se passe dans les hôpitaux. Deuxièmement, j’aimerais savoir s’il y a un risque de saturation du système hospitalier comme nous pouvions nous y attendre l’an dernier. Est-ce que toutes les mesures que l’on prend sont proportionnées par rapport au risque réel, j’ai tendance à penser que non. Nous allons avoir une élection présidentielle qui va se dérouler dans un d’état d’urgence sanitaire et sincèrement, ça m’interroge.

Pour en revenir au confinement des non-vaccinés souhaité par Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, c’est une idée dérangeante, non ?
Ça me déçoit de leur part, parce que je n’aurais jamais pensé qu’ils iraient sur ce terrain-là. Qu’ils soient pour le pass sanitaire parce que les Français le sont, cela nous l’avons bien vu. Il suffirait que la population change d’avis pour qu’ils en fassent de même. Ça me déçoit aussi de leur part, parce que l’on touche à l’essentiel, là, à des choses qui font fonctionner notre société et notre démocratie mature. Et que l’on ait cette idée de concours Lépine des choses les plus attentatoires me choque. À la rigueur, je trouve que Michel Barnier est le plus posé et modéré là-dessus.

Ne croyez-vous pas au final qu’aucun candidat LR ne sera présent au second tour de l’élection présidentielle ?
Si ça continue comme ça, nous y allons tout droit ! En gros, les candidats LR sont en train de se battre pour savoir lequel d’entre eux ira se faire battre au premier tour de l’élection présidentielle. Ils n’ont pas voulu des centristes, je le rappelle, car le seul moyen de participer à ce vote était de payer, ça suffit ! Moi, je n’ai pas envie d’être adhérent ou militant LR, même si chez eux il y a des gens très bien. Mais malgré cela, il y a une évolution qui me préoccupe ; c’est qu’il est incroyable qu’ils aient passé une heure lors du dernier débat à parler de l’immigration et de l’insécurité, et qu’ils n’ont pas abordé l’enseignement ou l’économie qui sont des sujets qui intéressent les Français. Quand j’entends qu’il faudrait envoyer l’armée dans les quartiers populaires, je leur réponds que cette armée existe et qu’elle s’appelle la Gendarmerie nationale. Les autres armes n’ont pas vocation à travailler sur le maintien de l’ordre. Si la droite dite républicaine a ce type de proposition à la bouche, je trouve ça très dangereux. Et c’est pour cela que ce que porte Édouard Philippe ne me laisse pas indifférent.

Il est un peu opportuniste, non ?
Pas du tout. Il est dans le bon timing. J’ai écouté son discours du Havre et je l’ai trouvé intéressant. Je ne vois pas de volonté de sa part de se venger de quoi que ce soit vis-à-vis d’Emmanuel Macron, comme certains ont pu le penser peut-être. Je pense plutôt que le sujet de l’épicentre de la majorité présidentielle, surtout si Emmanuel Macron est réélu, se pose. A fortiori s’il n’y a pas de candidat de droite au deuxième tour de l’élection présidentielle.

Donc, si je vous comprends bien, les centristes tendraient la main à Emmanuel Macron ?
Je ne sais pas ce que feront les centristes dans leur très grande diversité, mais il est certain, pour ce qui me concerne, que je n’irai pas m’accrocher derrière une vedette qui file vers l’extrême droite. Je l’ai combattue toute ma vie politique. Dominique Martin dit de moi que je suis un anti FN primaire. Je le revendique, je ne veux pas d’une droite qui file vers l’extrême droite. C’est le centre qui fait l’élection présidentielle depuis l’élection au suffrage universel direct. Il y a eu une exception avec Nicolas Sarkozy en 2007. Et l’actuel président le sait très bien.

Virginie Duby-Muller est convaincue que la France est à droite, elle l’a claironnée lors de la réunion publique de Xavier Bertrand, à Annecy. Qui a raison alors ? Vous en affirmant que c’est le centre qui fait l’élection ou elle ?
Sociologiquement, et toutes les études d’opinion le prouvent, la France est un pays de droite effectivement et se droitise. Je dirais qu’il y a le fond idéologique du pays et puis il y a l’offre politique. Et même si la France est un pays de droite, je pense qu’il y a un certain nombre de gens de droite qui seront capables de voter pour Emmanuel, selon ce qui se passera.

* Analyse de l’activité hospitalière 2020 Covid-19 par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation

 

Christian Charlemagne
Le Faucigny du 25 novembre 2021 https://module.lefaucigny.fr/liseuse_lefaucigny

Commentaires

  1. Par C. Guerrin Signaler un commentaire

    Drôle de centriste ! Sur le pass sanitaire et la vaccination, il parle exactement comme Le Pen et Zemmour.


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