Disparition - Il était une figure de la télévision, de la vie politique et de la défense des libertés Dominique Baudis, l’humanisme à l’écran et en politique

Défenseur des droits, ancien journaliste et maire emblématique de Toulouse, Dominique Baudis est mort hier à 66 ans d’un cancer à l’hôpital du Val-de-Grâce à Paris. Son parcours et sa personnalité atypique était, hier, salués unanimement.
Pascal JALABERT - 11 avr. 2014 à 06:00 - Temps de lecture :
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Dominique Baudis a occupé de 2009 à 2011 un dernier mandat politique de député européen avant d’être nommé Défenseur des droits.  Photo AFP
Dominique Baudis a occupé de 2009 à 2011 un dernier mandat politique de député européen avant d’être nommé Défenseur des droits. Photo AFP

Lors d’une rencontre fortuite à l’aéroport d’Orly l’été dernier, Dominique Baudis nous livra une anecdote sur son premier contact avec la presse régionale en 1983 à Toulouse : « Avant le rendez-vous, j’ai marché dans un parc voisin pour essayer de me décontracter. J’étais tétanisé à l’idée de parler à des journalistes, de me lancer en campagne électorale ». Ce présentateur télé avec qui la France dînait tous les soirs de 1978 à 1980, ce maire aimé à qui mamies et midinettes dans les rues de Toulouse pendant 20 ans ont réclamé « Dominique, un poutou », nous confiait avoir choisi la télévision plutôt que l’écriture, la politique plutôt qu’une carrière de diplomate « pour vaincre une grande timidité et une angoisse face aux gens parfois proche de l’agoraphobie ».

Présentateur vedette

Dominique Baudis, ce fut d’abord une voix posée, un regard bleu et un visage de gendre idéal au journal de 20 heures entre les années Roger Gicquel et l’ère PPDA. Auparavant, au temps de l’ORTF, il relatait en noir et blanc la guerre du Liban comme correspondant à Beyrouth où il fut blessé à l’épaule par un éclat. À l’époque, les gens de télé sont étiquetés politiquement. Lui a milité chez les jeunes démocrates sociaux (ex-CDS) et ne s’en cache pas. Après mai 1981, son exil au Soir 3 et son père Pierre, maire de Toulouse sans successeur, l’incitent à franchir le pas vers la politique. «Journaliste, élu ou écrivain: il était guidé par la curiosité et l’humanisme » commente, ému, le député maire de Toulouse, son ami et protégé Jean-Luc Moudenc.

Le maire aimé

En 1983, il devient la voix et le visage de Toulouse. Le jeune élu parcourt les rues pour rencontrer ses administrés, et l’histoire de la ville pour raconter dans ses ouvrages historiques, l’épopée des Cathares et des comtes du Languedoc. En même temps, il accompagne le décollage de la ville rose dans le sillage d’Airbus par d’ambitieuses campagnes d’image, et sans jamais augmenter la fiscalité. Pendant 18 ans. « Dominique » tisse un lien affectif indéfectible avec les Toulousains : ils ne le citent que par son prénom.

Paris n’en veut pourtant pas comme ministre malgré les plébiscites qui le reconduisent au Capitole et à la députation. Il refuse d’abord les maroquins au nom de la tradition « du maire de Toulouse jamais ministre ». Puis Jacques Chirac lui fait payer ses amitiés avec Barre et Balladur, la marginalisation du RPR local et l’aventure des rénovateurs de la droite en 1989 avec Séguin, Noir, Barnier, Fillon, Bosson, Carignon… Il obtient néanmoins en 2001 la présidence du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour piloter le chantier de la TNT (télévision numérique terrestre).

Face à la calomnie

Il occupe cette fonction ce 18 mai 2003 quand il revient sur le plateau du 20 heures de TF1, la voix brisée, le regard perdu, le visage inondé de sueur face à Claire Chazal. La France ébahie découvre la calomnie honteuse de Toulouse. Dominique Baudis défend son honneur face à deux prostituées qui l’accusent d’avoir été mêlé à des viols et à des tortures dans l’affaire sordide du tueur en série Patrice Alègre. Il règle ensuite ses comptes dans un livre intitulé Face à la calomnie. Dans le concert d’hommages venus de droite, de gauche et de ses anciens collègues, François Hollande décrit sa dernière fonction, celle de Défenseur des droits, avec ces mots : « Cet homme attaché à toutes les libertés sut incarner avec justesse et sagesse cette autorité pour lutter contre les discriminations, protéger les plus vulnérables, notamment les enfants ». Le Président salue « le courage, l’abnégation, la dignité et la tolérance dont il fit preuve tout au long de sa vie ».

Des qualités qui l’ont accompagné, comme ses trois enfants, jusqu’aux derniers instants dans son combat sans relâche contre la maladie.