ALGERIE/FRANCE Jean Faure : quarante-deux ans sans mot dire

L’ancien Sénateur et vice-président du Sénat Jean Faure, est un ancien appelé du contingent de l’Algérie où il a passé deux années qui l’ont marqué à jamais.
Saléra BENARBIA - 19 mars 2012 à 06:01 - Temps de lecture :
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Jean Faure s’est muré dans un silence pendant quarante ans.  Puis en 2000, il décide de publié son carnets et de  n otes.  Photo Sébastien BLONDEEL
Jean Faure s’est muré dans un silence pendant quarante ans. Puis en 2000, il décide de publié son carnets et de n otes. Photo Sébastien BLONDEEL

Quarante-deux ans sans mot dire. Jean Faure s’est enfermé dans le silence comme pour exorciser deux années passées en Algérie, de 1957 à 1959. Deux petites années qui ont marqué sa vie à jamais. À 20 ans, bon gaillard croyant et naïf, il quitte son Vercors et rejoint le bataillon des neiges, le 159e bataillon d’infanterie alpine. Il devient chef de section de Harkis, immergé dans la Grand Kabylie, à Agouni-Ghéran, le pays de la peur et de la soif, comme il la nomme.

Deux années où il tient un carnet de notes. Il écrit ce qu’il voit, des poèmes, ses impressions. « Je ne veux pas tuer ! » écrit-il en gros. Il dormait avec une arme sous l’oreiller. Les reliefs du djebel lui rappellent sa terre natale. Il se lie d’amitié avec Ali, son frère d’armes. Mais l’Histoire la rattrape. Les missions de pacification de maintien de l’ordre virent au cauchemar, aux cris des tortures et à l’odeur du Napalm. « Je ne supportais pas cette destruction autour de moi ». Cet enfant de paysan savait le temps qu’il fallait à un arbre fruitier pour pousser.

À son retour, il mettra plusieurs années à s’en remettre mais ne dira rien. « On ne peut pas parler d’une souffrance pareille, les événements que j’ai vécus m’ont transformé”. Impossible de prononcer le mot “Algérie” devant lui sans qu’il n’en soit ulcéré.

Mais, quarante ans plus tard, en 2000, le général Paul Aussaresses parle de la torture comme comme d’une arme de guerre. C’en est trop pour Jean Faure. « Je n’ai pas supporté que l’on travestisse la vérité. Oui, la torture a existé mais la guerre d’Algérie ne se résume pas à cela. Tous les soldats et surtout les appelés n’étaient pas des salauds. C’était une guerre, une vraie. Il fallait voir les actes de barbaries commis par l’ALN, l’armée de Libération nationale C’était atroce ! ». Il publie alors son carnet de notes (Flammarion)

Lorsqu’en 2005, il retourne en Algérie, il découvre qu’une rue d’Alger est baptisée du nom de celui qu’ils ont traqué, qu’ils ont redouté, le colonel Amirouche. « Cela m’a fait un véritable choc, cet homme sanguinaire qui commettait des purges dans son propre camp, dont on a fêté la mort, cet homme a été élevé au rang d’un héros… ».

Aujourd’hui, Jean Faure parle sans emphase ni haine, ni le sentiment de repentance. « La colonisation a fait partie de l’Histoire, de notre Histoire, c’est ainsi ».