Cerbère

Cerbère, le gardien des Enfers dont il interdit l'entrée aux mortels.
Cerbère, le gardien des Enfers dont il interdit l'entrée aux mortels.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Chien monstrueux, gardien des Enfers.

Il est l'enfant de Typhon et d'Échidna. Si les auteurs anciens l'ont décrit comme une créature à cinquante ou cent têtes, à la voix d'airain, la tradition lui octroie généralement trois têtes, une queue de serpent et des couleuvres autour du cou. On lui attribue également des yeux rouges, une barbe longue et sombre, un ventre large et des pattes griffues. Posté à l'endroit le plus reculé du Styx, là même où Charon débarque les âmes des défunts, Cerbère flatte ceux qui entrent et dévore ceux qui sortent.

« Ceux qui entrent » sont ici les morts qui ont eu droit à une sépulture. Cerbère est censé s'attaquer à tout mortel qui aurait l'audace de pénétrer dans les Enfers. Son autre mission est d'interdire le retour des ombres vers le monde des vivants.

Certains héros sont parvenus à déjouer sa vigilance. La sibylle de Cumes, Déiphobe (ou Déiphobé), qui accompagne Énée dans les Enfers, endort le monstre en lui jetant un gâteau magique, fait de miel et de graines. Psyché fait de même lorsque, sur l'ordre d'Aphrodite (Vénus), elle se rend auprès de Perséphone. Orphée, descendu dans l'Érèbe à la recherche d'Eurydice, assoupit le gardien en jouant de la lyre. Eurysthée ordonne à Héraclès de s'emparer de Cerbère, sans l'aide d'aucune arme, et de l'amener à Trézène ; Héraclès étouffe le chien à moitié puis, l'ayant montré au roi, il le ramène dans son royaume, à moins que ce ne soit Coré-Perséphone qui le lui ait remis.

Variantes

I. Comme sur le Ténare aucune galerie ne mène dans les profondeurs de la Terre, certains auteurs ont émis des doutes sur l'authenticité de l'exploit d'Héraclès et ont tenté malgré tout de trouver une explication rationnelle. Là, donc, vit un serpent, dont la morsure est si terrible, le venin si puissant que sa malheureuse victime meurt en quelques secondes. Ce reptile est surnommé « Chien de l'Hadès », et « chien », non en référence au quadrupède, mais par métaphore, pour désigner péjorativement tout être, même humain. C'est donc ce reptile qu'Héraclès ramène à Eurysthée.

II. On dit de Cerbère qu'il est un chien à trois têtes. Il est évident qu'on l'a dit « tricéphale », en songeant à la ville de Tricéphalia, comme c'est le cas pour Géryon. Héraclès l'aurait remonté de l'Hadès ? Sornettes ! La vérité est tout autre : Géryon possède deux grands chiens pour garder ses troupeaux ; l'un s'appelle Cerbère et l'autre, Orthros. Orthros est tué par Héraclès, en Tricéphalia, au moment où le héros cherche à s'emparer des bœufs de son maître. Cerbère, lui, accompagne les bœufs. Un Mycénien, nommé Molosse, désireux d'acquérir Cerbère, demande tout d'abord à Eurysthée de le lui vendre. Mais comme le roi refuse, le Mycénien, avec la complicité des bouviers, s'empare de l'animal et l'enferme en Laconie, dans une caverne du Ténare, où il lui livre des femelles avec lesquelles il puisse s'accoupler. Eurysthée commande alors à Héraclès de retrouver Cerbère. Après avoir parcouru tout le Péloponnèse, Héraclès finit par repérer l'antre ; il y descend, capture la bête et la mène à Eurysthée.

Héraclès et Cerbère

Thésée, qu'Héraclès, par la même occasion, a ramené vers le soleil, raconte à Amphitryon comment son fils est parvenu à maîtriser Cerbère.

Une roche funèbre domine les eaux dormantes du Styx, à l'endroit où son cours est si lent, qu'il semble tout à fait immobile. Ce fleuve est gardé par un vieillard hideux dont l'aspect seul épouvante. C'est lui qui passe d'une rive à l'autre les Mânes tremblants. Sa barbe en désordre pend sur sa poitrine. Un nœud ferme sa robe grossière. Le feu jaillit de ses orbites. C'est le portier des enfers. Une longue rame lui sert à conduire sa barque.

Il la ramenait vide au rivage pour y prendre d'autres âmes. Hercule demande à passer, et les ombres s'écartent devant lui. Où vas-tu, téméraire ? arrête ! s'écrie l'affreux Charon. Impatient de tout retard, le fils d'Alcmène saisit la rame du vieux nocher, l'en frappe, et s'élance dans sa barque. Cet esquif, assez fort pour porter les générations humaines, fléchit sous le poids du héros. Il s'assied, et les deux côtés de la barque surchargée et tremblante reçoivent l'eau du Léthé. La vue d'Hercule fait pâlir tous les monstres qu'il a vaincus, les cruels Centaures et les Lapithes que l'ivresse poussait aux combats. Pour trouver un asile, l'Hydre de Lerne plonge au fond du Styx ses têtes renaissantes.

Alors se découvre le palais de l'avare Pluton. Là le redoutable chien des enfers épouvante les Mânes et veille à la garde du sombre empire en l'ébranlant de sa triple gueule avec un bruit horrible. Les couleuvres, dressées sur son cou, lèchent l'écume qui souille ses lèvres, et sa queue recourbée est un énorme dragon qui fait retentir d'horribles sifflements. La fureur de ce monstre répond à sa figure. À peine a-t-il ouï les pas d'un homme, que sa crinière de serpents se hérisse, et qu'il cherche à distinguer le son qui frappe son oreille habituée à entendre marcher les ombres. Dès que le fils de Jupiter s'est approché, le monstre reste indécis dans son antre. Les deux ennemis se redoutent l'un l'autre. Tout à coup Cerbère épouvante d'un aboiement affreux les muettes profondeurs de l'enfer. Les serpents furieux qui couvrent ses épaules sifflent tous à la fois. L'épouvantable bruit de ses trois gueules porte l'effroi jusque chez les ombres heureuses. Hercule ramène autour de son bras gauche une dépouille terrible à la gueule menaçante, la peau du lion de Némée, et s'en fait un large bouclier. L'autre main victorieuse est armée de sa grande massue. Il la tourne rapidement de tous côtés, frappe et redouble ses coups. Cerbère vaincu apaise ses menaces. Épuisé de lassitude, il incline ses trois têtes, et abandonne son antre.

À cette vue, Pluton et Proserpine se troublent sur leur trône, et laissent emmener Cerbère. Ils accordent de plus ma liberté à la demande de votre fils. Hercule, caressant de la main les effroyables têtes du monstre, les assujettit avec une chaîne de diamant. Oubliant sa violence, le gardien vigilant du sombre empire baisse timidement les oreilles, se laisse emmener, reconnaît son maître, et le suit d'un air docile en battant ses flancs de sa queue de dragon. Mais, après être arrivé à l'ouverture du Ténare, frappé pour la première fois du vif éclat de la lumière, il reprend courage, et secoue avec fureur ses lourdes chaînes. Il allait faire lâcher pied à son vainqueur et le ramener en arrière. Alcide réclame alors le secours de mon bras. Je joins mes efforts aux siens pour dompter la résistance du monstre dont la rage se débattait en vain, et nous parvenons à le traîner sur la terre. À peine a-t-il vu la vive lumière que le soleil nous envoie de la voûte céleste, il demeure ébloui, baisse les yeux, repousse le jour qu'il déteste, détourne sa triple tête, la, ramène vers la terre, et finit par la cacher sous l'ombre d'Hercule.

Sénèque

Cerbère, le gardien des Enfers dont il interdit l'entrée aux mortels.
Cerbère, le gardien des Enfers dont il interdit l'entrée aux mortels.