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Municipales 2020 à Digne-les-Bains : une mairie qui attise déjà les convoitises

Fin mars 2014, Patricia Granet, candidate divers gauche remportait l'élection de Digne-les-Bains. Pour 2020, s’engager sous les couleurs de la LREM risqueraiit de la priver du soutien des communistes de sa majorité.

Fin mars 2014, Patricia Granet, candidate divers gauche remportait l'élection de Digne-les-Bains. Pour 2020, s’engager sous les couleurs de la LREM risqueraiit de la priver du soutien des communistes de sa majorité.

S.D.

A deux ans des élections municipales fleurissent les groupes de réflexion et réunions "informelles" à travers la ville

Nous sommes à deux ans des élections municipales. Aussi sûrement que la nature reverdit au printemps, fleurissent les groupes de réflexion et réunions "informelles" à travers la ville. Avec toute la discrétion que permet une ville peuplée de 16 000 habitants, plutôt sociables. Certains peuvent arguer que la route est encore longue d'ici le jour J, il serait naïf de croire que chaque camp n'est pas déjà, à ce stade, en train de mobiliser des troupes. À moins de ne pas prendre toute la mesure de l'enjeu, ce qui pourrait constituer une erreur rédhibitoire de la part des candidats potentiels.

En ce qui concerne les tenants du titre, les probabilités que la maire de Digne, Patricia Granet, soit candidate à sa succession, sont des plus fortes. L'un des défis à relever consistera à renouveler l'équipe actuelle dont, selon nos informations, plusieurs membres devraient passer la main. Côté ennemi héréditaire, l'actuelle conseillère municipale d'opposition Marie-Anne Baudoui-Maurel sera aussi sur les rangs. Pas forcément la personnalité qui inquiète le plus le staff de la maire et présidente de l'Agglo.

Passée une élection municipale de 2014 où elle était arrivée en tête au premier tour, celle qui est aujourd'hui encartée Debout la France a souffert de ne plus profiter de l'aura du Front national aux rendez-vous électoraux suivants. Le nouveau bénéficiaire de l'enseigne désormais appelée "Rassemblement national" Gregory Roose est jeune - et n'est pas un "parachuté" contrairement à bon nombre de cas précédents. Mais il chasse sensiblement sur les mêmes terres que Marie-Anne Baudoui-Maurel et une alliance est exclue, ce qui devrait profiter à la maire actuelle. Une, a priori, bonne nouvelle, d'autant que celle-ci a une autre problématique au sein de sa majorité.

À cette élection au sein de la cité préfecture, département d'un poids lourd du gouvernement Macron avec Christophe Castaner, on peine à imaginer qu'un candidat de la jeune République en Marche ne soit pas dans la course. Question de crédibilité face aux détracteurs de tous les jours. Et l'actuelle maire de Digne, étiquetée divers gauche à l'élection de 2014, mais déjà membre du groupe LREM au Conseil départemental, apparaît comme la personne idéale. Sauf que ce parti qui avance avec la désignation commode du ni droite-ni gauche et essaime, deux autres candidats potentiels pour Digne arborent le même concept, s'est en tout cas avéré libéral. Trop libéral aux yeux de l'aile gauche de la majorité de Patricia Granet aux tendances rose, rouge et vert. Remontés par cette éventualité, les communistes envisagent même une liste à part en évoquant leur rôle de "bascule" dans les élections précédentes qui a permis aux candidats qu'ils soutenaient de s'imposer.

La maire sortante est donc confrontée à un choix. Accepter l'investiture LREM et se mettre à dos les communistes ou la refuser. Auquel cas, elle se privera du soutien du parti au pouvoir et se verra opposer un candidat supplémentaire investi par ce parti. Le nom de Georges Pereira, suppléant de la députée LREM Delphine Bagarry, circule à ce sujet. Autre variante possible : une alliance avec la liste de Georges Pereira sans s'encarter - mais là aussi, il y a fort à parier que l'aile gauche désapprouve.

"On ne partira pas avec Patricia Granet si elle est investie LREM"

Les communistes, faiseurs de roi ? Depuis deux mandats, le groupe de Gérard Esmiol au conseil municipal rappelle volontiers cette donnée à l'heure où les stratégies s'aiguisent.

Et ce n'est pas avec cette possible investiture de la République en marche pour la maire sortante que l'argument ne sera pas brandi. D'une étiquette divers gauche, Patricia Granet rallierait un parti beaucoup trop libéral aux yeux des "Rouges" dont, en octobre dernier, la réunion du groupe à l'Assemblée nationale a pris des allures de plan de bataille pour annuler les cadeaux fiscaux aux plus riches.

"On ne peut pas cautionner cette politique du gouvernement", souligne l'élu de Digne adjoint délégué à la santé, Gérard Esmiol, qui procède à un rappel historique. "En 2008, nous sommes partis avec Serge Gloaguen parce que René Massette refusait que la gestion de l'eau s'opère en régie. En 2014, les Verts et les socialistes sont partis avec le Modem, nous avons soutenu Patricia Granet." Verdict, coup sur coup, les candidats appuyés par les votes communistes ont fait la différence. "Ce sont 7 % des voix aux Municipales et aux Législatives qui comptent. Nous sommes la bascule."

Mais sur cet échiquier 2020, les candidats potentiels auxquels se rallier ne sont pas légion. Ni le Rassemblement national, ni Debout la France et ni les encartés d'En Marche. Et pas sûr que des positions marquées comme celles des communistes s'accordent avec les conceptions des deux autres candidats de la campagne. Les "Rouges" dignois seraient-ils prêts à partir seuls ? "Si Patricia Granet a le soutien d'En Marche, tout est envisageable", répond Gérard Esmiol qui, relancé sur le sujet, réfute toute ambiguïté. "On ne partira pas avec la maire si elle est investie En Marche."

Une réponse claire. Mais le fait que la problématique de l'investiture se pose à deux ans des Municipales, intrigue. Si elle n'est pas encartée, Patricia Granet est membre du groupe En Marche à l'assemblée départementale et ne s'était pas attirée les foudres de l'aile gauche de sa majorité pour autant. "Au Conseil départemental il s'agit davantage d'une histoire de personnes que de fond politique,", répond Gérard Esmiol, qui réaffirme sa détermination.

Une possible sixième liste, donc. Plutôt destinée à constituer un moyen de pression si elle était engagée, puisque ses chances d'être plébiscitées par les urnes sont des plus minces. Reste à voir si, avec les bouleversements générés au sein de l'arène politique par le parti d'Emmanuel Macron, les communistes dignois ont encore la possibilité de faire pencher la balance entre telle ou telle force. Sans parler des résultats du premier tour qui, selon les candidats plébiscités, pourraient inciter à davantage de souplesse au second.

Marie-Anne Baudoui-Maurel et Grégory Roose préparent l'élection.
Marie-Anne Baudoui-Maurel et Grégory Roose préparent l'élection. Eric Camoin

Rassemblement pour la France et Debout la France en lice

Il est celui qui a dévoilé le plus tôt ses intentions. Employé de la DDT, ancien patron du FN 04, Grégory Roose sera le plus que probable candidat du désormais Rassemblement pour la France, conforté par un parti réputé pour assurer à son représentant un réservoir automatique de voix."J'aime la ville et constate que l'équipe municipale actuelle est dans la figuration, pas dans l'action, nous confiait-il dans un entretien début mai. Il manque un vrai projet de territoire."

Une certaine allure de jeune premier débarquant sur l'échiquier politique dignois qui n'est pas sans agacer ses détracteurs. À commencer par Marie-Anne Baudoui-Maurel qui s'investit dans l'opposition depuis plusieurs années. Celle, qui a été soutenue par le FN et est aujourd'hui membre du parti Debout la France, a récemment annoncé dans nos colonnes qu'elle se préparait à briguer le mandat de maire en excluant toute perspective d'alliance avec le Rassemblement national. "Je reste fidèle à ma volonté de réaliser un projet sérieux" souligne t-elle.

Deux candidatures distinctes qui séduisent environ le même profil d'électeur. Ce qui a priori arrange leurs autres rivaux, mais jusqu'à quel point ?

Eric Camoin

Patricia Granet : "Je ne compte pas m'encarter"

Ce n'est pas un sujet qu'elle aurait aimé aborder si tôt, mais interrogée, la maire de Digne Patricia Granet assure qu'en tout cas elle n'a pas l'intention d'adhérer à un parti. "Je ne compte pas m'encarter ni à En Marche, ni à un autre parti. Au sein de l'assemblée départementale je suis apparentée, mais pas encartée."

Une position qui a priori devrait plaire aux communistes - que cette éventualité effrayait. Sauf que la maire de Digne "n'exclut pas d'être soutenue par le parti En Marche", ajoute-t-elle en se révélant parfaitement consciente des enjeux de ce parti dans les Alpes-de-Haute-Provence et à Digne-les-Bains la cité préfecture. La piste d'une liste composée de membres de son équipe actuelle mais aussi de représentants de ce parti semble se dessiner."Mais vous savez, il peut se passer beaucoup de choses d'ici l'élection. Au sein de mon équipe il y a des gens qui repartiront, et d'autres pas. Et moi, il m'incombe de garder une cohésion comme nous le faisons durant ce mandat."

Mais si cette alliance avec des personnalités d'En Marche se confirmait, que deviendrait cette cohésion avec les communistes ?"Je pense qu'on peut tout à fait réussir à s'entendre, à concilier des points de vue. Nous le faisons depuis longtemps. Des positions peuvent évoluer."

Quant aux autres candidats, la maire de Digne ne fera pas de commentaires sur Grégory Roose et Marie-Anne Baudoui-Maurel - mais s'amuse de l'arrivée sur l'échiquier de candidats ni de droite, ni de gauche, "ce qui évite de se mouiller. Ils vont tous faire du Macronisme, sauf que Macron en créant ce parti, lui, il a réfléchi." Ne serait-ce pas une première pique ?

"Elle prendra sa décision en temps voulu"

Contacté, l'animateur du comité local "En Marche" et suppléant de la députée Delphine Bagarry, Georges Pereira répond qu'il n'y a pas eu de "discussions" entre lui et Patricia Granet au sujet d'une investiture En Marche.

"Elle est membre du groupe au Conseil départemental mais pas adhérente, et ne participe pas aux activités. Patricia Granet prendra sa décision en temps voulu, les investitures sont discutées au niveau départemental."Quelques louanges de sa part au sujet de la maire de Digne suggèrent que sur le papier, rien ne s'oppose à une investiture. Mais si cette éventualité ne se concrétisait pas, Georges Pereira, dont le nom circule en ville, serait-il candidat ? "Ce n'est pas d'actualité" se contente-t-il de répondre. Une formule classique qui ne ferme pas la porte à cette perspective.

L'animateur du comité "En Marche" confirme en tout cas que l'absence d'un candidat du parti au pouvoir à Digne-les-Bains serait regrettable. "On souhaite être présents, c'est sûr. En Marche sera représenté aux Municipales de Digne. Le comité local sera incontournable mais aligner une liste totalement composée de membres du parti risque d'être difficile. On est plus dans l'idée de collaborer." Est-il possible qu'au sein de cette "collaboration", le candidat ou la candidate tête de liste, par exemple Patricia Granet, ne soit pas encarté En Marche ?"Tout est envisageable."

Eric Camoin

Gilles Chalvet : "Si je peux créer une liste, je me présenterai"

Si à Digne-les-Bains le médecin Gilles Chalvet était déjà bien connu, le combat qu'il a mené récemment pour protéger son service de médecine interne l'a propulsé sous les feux de la rampe. Exerçant toujours à l'hôpital depuis, son nom circule pour une possible candidature aux Municipales. Rencontré, il confirme avoir "accepté" d'animer un groupe de réflexions municipales transcourant. "À la demande d'amis. On trouve que notre ville dépérit, nous voulons donner de notre temps pour la dynamiser. Ce groupe de réflexions rassemble des gens de tout bord. On accepte tout le monde sauf le Rassemblement national."

>Et Debout la France ? "Ce serait avec beaucoup de résistance. Disons tout le monde sauf l'extrême droite." Un engagement auquel on est tenté de prêter aussi d'autres motivations au regard de l'actualité récente. Son service de médecine interne a été dissous et que ce combat ait été justifié ou non, en le défendant le médecin a fait acte de courage face à la direction de l'hôpital dignois où travaille aussi la maire Patricia Granet.

La pétition de soutien a atteint les 7000 signatures. Une affaire qui lui a apporté une certaine notoriété et peut-être des envies de revanche. Gilles Chalvet dément des intentions de ce genre."Non ce n'est pas une question de vengeance. J'ai mené un combat que j'ai perdu point final. On ne peut pas baser une réflexion doublée d'un engagement personnel et chronophage sur une vengeance personnelle. Cela fait longtemps que j'ai envie de participer à une aventure politique. Ce projet date de bien avant ce combat pour la médecine interne. Nous faisons des réunions en milieu privé, pour l'instant nous n'en sommes que là. Mais si je peux créer une liste et proposer un projet sérieux je le ferai. Nous sollicitons tous ceux qui veulent nous rejoindre autour de ce projet pour Digne à nous contacter."

"Les Dignois veulent une ville plus animée" (Richard Valla)

Il a tenu une seule réunion publique et en quelques heures toute la ville apprenait que le médecin Richard Valla se préparait à s'engager dans la bataille électorale. Interrogé, il explique avoir été sollicité à de nombreuses reprises lors de précédentes campagnes, mais était trop pris par ses activités."Maintenant que j'approche de la retraite, du temps est plus facile à dégager."

Outre la médecine, Richard Valla est engagé dans le monde associatif et sportif. Son action au sein du Congrès de médecine du sport avait contribué à faire connaître Digne. "Les Dignois attendent une ville plus animée, ouverte sur l'extérieur et qui se dynamise. Des gens quittent la ville, il faut donner aux autres l'envie de rester. Montrer qu'on mouille le maillot, ce que selon moi l'équipe actuelle ne fait pas." Lui aussi présente son groupe de réflexions comme un rassemblement de personnes hors clivage. Des personnes encartées "rassemblement national" peuvent-elles le rejoindre ? "Je pense que les gens qui votent Front national sont égarés et que c'est à nous de faire en sorte de les faire venir. Maintenant en ce qui concerne la liste, plutôt pas d'encartés FN." Et Debout la France ?"Si vous parlez de dirigeants cela me paraît difficile. On veut des gens capables de travailler pacifiquement. Si on peut s'accorder avec Gilles Chalvet c'est bien."