Clovis Cornillac : "Réalisateur, le plus beau métier du monde"

Par La Provence

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Rencontre avec Clovis Cornillac

Vous avez longtemps dit ne pas vouloir passer de l’autre côté de la caméra. Quel a été le déclic ?
Clovis Cornillac : On dit qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Pourtant, je ne peux pas parler de déclic. Ce désir n’est pas né d’une frustration, mais d’une envie grandissante de raconter des histoires. Alors que l’idée mûrissait gentiment dans ma tête, ma femme, Lilou Fogli, m’a parlé de cet ancien voisin qu’elle entendait, mais ne connaissait pas. Je l’ai encouragée à bâtir un scénario sur cette idée et c’est de là qu’est parti Un peu, beaucoup, aveuglément, une histoire d’amour entre deux personnes qui s’entendent à travers un mur, mais ne se voient pas. Quand j’ai décidé de mettre en scène le film, plus rien ne pouvait m’arrêter. Et, jusqu’au bout, j’ai vécu une aventure extraordinaire.

Avez-vous douté parfois ?
Clovis Cornillac : Je savais précisément ce que je voulais faire, tant sur le fond que sur la forme. Mais quand vous êtes plongé dedans, il y a un moment où vous ne savez plus si ce qui vous fait rire et vous touche sera partagé par le plus grand nombre. C’est pour cette raison que mes producteurs et moi avons décidé de faire appel à Mediametrie. Cette société organise des projections auxquelles sont conviés des gens selon des panels bien précis. Ces spectateurs viennent à l’aveugle et doivent répondre à un questionnaire. C’est extrêmement stressant pour le réalisateur car il s’expose personnellement. Quand on met en scène, on est partout dans le film, jusque dans les ourlets des filles ! Mais ce fut un bonheur immense : le public a particulièrement bien réagi ; les hommes comme les femmes ont beaucoup ri et sont repartis heureux.

Etes-vous d’accord si on dit que votre film est une comédie romantique, dotée d’un côté rétro ?
Clovis Cornillac : Il y a en effet tous les codes de la comédie romantique, mais je constate que les hommes, peu friands de ce genre cinématographique, l’aiment aussi car ils rient beaucoup. C’est un film naïf, mais pas niais. Il me ressemble, dans la mesure où il va à l’encontre du cynisme de notre époque dans lequel je ne me reconnais pas du tout. En ce sens, il n’est pas très contemporain, c’est vrai...

Vous incarnez Machin. Comment avez-vous su que Mélanie Bernier serait une parfaite Machine?
Clovis Cornillac :Je ne cherchais pas LE personnage, mais l’actrice qui serait capable d’aller vers lui. Mélanie, je savais que je pourrais l’emmener vers quelque chose qui me plairait beaucoup, car c’est une bonne actrice et une très jolie fille. Son physique en forme de miniature me fait penser à une estampe. Elle n’a pas d’âge car, derrière son visage juvénile, apparaît une vraie maturité. Comme on l’a souvent vue dans des seconds rôles, elle n’a pas encore d’identité populaire, mais j’espère que la fraîcheur de ce premier film la révélera comme il révélera, dans d’autres registres, Lilou Fogli ou Philippe Duquesne.

Vous avez quitté le domicile familial à 14 ans pour vous lancer dans le métier. Puisque c’est l’âge qu’ont vos jumelles aujourd’hui, accepteriez-vous...
Clovis Cornillac : Non ! [Rires.] Mais il en allait déjà de même pour mon petit frère, qui a quinze ans de moins que moi. Quand il a eu 14 ans, je me souviens m’être fait la réflexion avec Myriam [Boyer, sa mère] que ce serait impensable qu’il quitte la maison. Et pourtant, moi, quand je l’ai fait, je ne saurais vous dire pourquoi, il y avait quelque chose de normal. Ce n’était pas une question de fugue ou d’abandon, je me sentais juste prêt à partir gagner ma vie.

Etes-vous un père très protecteur ?
Clovis Cornillac : Je crois que tous les parents le sont, non ? A partir du moment où on donne la vie, il nous incombe la responsabilité de protéger nos petits. Avoir des enfants, c’est avoir des soucis. De beaux soucis. Et en vieillissant, ça ne change pas. Quand mon fils est né, il y a deux ans, j’ai eu plus de mal à encaisser les nuits, mais mon instinct paternel n’avait pas changé.

Depuis trois ans, vous jouez la Contrebasse sur toutes les scènes de France. Est-ce difficile pour la vie de famille ?
Clovis Cornillac :  Non, car voyager pour mon métier ne m’empêche pas d’être aussi souvent chez moi. Quand je joue en province, je peux m’absenter deux soirs, mais être à la maison une semaine entière. Et lorsque j’ai tourné mon film ou que je joue dans une série, j’ai un rythme actif normal : je me lève pour préparer le petit déjeuner, j’emmène les enfants à l’école, puis je vais travailler. Mon métier est assez glamour, mais il n’empêche pas le quotidien. Cette aventure de la Contrebasse s’achèvera le 16 mai.

Qu’en retiendrez-vous ?
Clovis Cornillac :Le souvenir de trois années de partage avec le public, de deux tournées magnifiques et de cinq mois extraordinaires à Paris. Quand une chose vous plaît et qu’en plus elle marche, c’est formidable. Le théâtre est passionnant, car son apparent train-train oblige à redéfinir les enjeux chaque soir, à remettre tous les curseurs à zéro pour ces gens qui vont découvrir le texte pour la première fois.

Vu le succès de la série Chefs, allez-vous rempiler pour une deuxième saison ?
Clovis Cornillac :Absolument. Nous devrions tourner en début d’année prochaine. Après la Grande Boucle, j’avais tout refusé, car je sentais qu’il fallait que je passe à autre chose. Mais les producteurs ont insisté pour que je lise le scénario et je me suis fait avoir : c’était tellement bien écrit qu’il m’était impossible de le refuser. Je ne le regrette pas, car ce projet ambitieux ne s’est fait qu’avec des gens passionnés.

Vous avez déjà joué les chefs au cinéma. D’où vient cette évidence à vous voir coiffé d’une toque ?
Clovis Cornillac : Je ne suis pas maître de l’image que je dégage mais, ce qui est sûr, c’est qu’elle est à la fois populaire et très française. J’ai incarné de nombreux personnages emblématiques de la France : Astérix, le commissaire Valentin des Brigades du Tigre, un pilote de Mirage dans les Chevaliers du ciel, et des chefs cuisiniers, une autre passion française. Que je le veuille ou non, j’ai en moi cette notion terrienne propre à notre pays.

Le football, autre passion nationale, vous anime aussi. Comment passe-t-on de supporter à actionnaire de l’Olympique Lyonnais ?
Clovis Cornillac : L’actionnariat est anecdotique, je me suis surtout investi humainement. Etant né à Lyon et me sentant profondément lyonnais, j’ai toujours soutenu les couleurs de ce club. Et quand Jérôme Seydoux, patron de Pathé et principal actionnaire de l’OL, m’a présenté Jean-Michel Aulas, j’ai eu un coup de foudre amical pour cet homme et j’ai été porté par son enthousiasme. Le football est un jeu, un exutoire, un spectacle qui fait vibrer, mais aussi une industrie qui génère des emplois. Comme lorsque j’avais un restaurant, j’aime l’idée que des familles vivent grâce à une entreprise dans laquelle j’investis.

Qu’y a-t-il sur votre agenda ?
Clovis Cornillac :J’ai très envie de renouveler l’expérience de la mise en scène. Quatre projets sont en cours de développement et ce sera désormais ma priorité. Avec la réalisation, j’ai touché à une drogue dure : c’est le plus beau métier du monde !

Un peu, beaucoup, aveuglement, de et avec Clovis Cornillac, et aussi Mélanie Bernier et Lilou Fogli. Sortie le 6 mai.

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