Les délimitations du Vieux-Sillery ne sont pas coupées au couteau, mais les deux foyers principaux se situent autour de la côte de l'Église et suivent une partie du chemin Saint-Louis, de la hauteur de l'avenue Maguire jusqu'à l'avenue Sarah. Le secteur de la côte à Gignac en fait aussi partie. Le Vieux-Sillery se trouve en grande partie dans un ensemble plus vaste, l'arrondissement historique de Sillery.

Les délimitations du Vieux-Sillery ne sont pas coupées au couteau, mais les deux foyers principaux se situent autour de la côte de l'Église et suivent une partie du chemin Saint-Louis, de la hauteur de l'avenue Maguire jusqu'à l'avenue Sarah. Le secteur de la côte à Gignac en fait aussi partie. Le Vieux-Sillery se trouve en grande partie dans un ensemble plus vaste, l'arrondissement historique de Sillery.

La côte de l'Église a déjà été le coeur de Sillery; elle est maintenant celui du Vieux-Sillery. Une visite de ses demeures patrimoniales ou du cimetière Mount Hermon permet de faire un saut au XIXe siècle.

Ses rues étroites abritent un riche patrimoine architectural. Comme le note Nicole Dorion-Poussart (*), ses résidences et bâtiments «offrent une grande harmonie malgré la variété des styles néo-gothique, maisons avec toit dit à la mansarde, maisons québécoises, (...) cottage Regency...»

Le grand-père de Carmelle Dion-Ouellet habitait la côte de l'Église, tout comme ses parents. Alors qu'elle frôle les 80 ans, Mme Dion-Ouellet et deux de ses soeurs résident encore dans le quartier, et plusieurs de ses enfants ont élu domicile dans Sillery. Un lien d'attachement qui n'est pas rare dans le coin.

Membre de la Société d'histoire de Sillery, elle raconte que le secteur du chemin du Foulon tout le long du Saint-Laurent a été le premier habité. Le Blocus continental de Napoléon, en 1806, accélère ce développement. Comme l'empereur français ferme le continent à l'Angleterre et l'empêche de s'approvisionner en bois, la puissance navale se tourne vers ses colonies.

Le commerce du bois comme la construction de navires explosent. Plusieurs chantiers maritimes voient le jour dans les anses de Sillery. Les riches commerçants britanniques construisent d'imposants domaines ou villas. Des ouvriers d'origines diverses se mêlent aux Québécois pour travailler sur les chantiers. «C'est à ce moment-là, au milieu du XIXe siècle, qu'on a décidé de faire une église, de s'installer vraiment. Et ce sont les francophones qui ont fait ça, ceux qui n'étaient pas juste de passage», explique Mme Dion-Ouellet. Cette côte qui abrite l'église de Saint-Colomb (rebaptisée Saint-Michel en 1969) devient le coeur de Sillery : médecin, magasin général, banque, bureau de poste ; tout s'y trouve. Professionnels, fonctionnaires et ouvriers cohabitent. «C'était vraiment une petite communauté bien à part», lance la résidante.

Aujourd'hui, il semble que cette mixité se soit perpétuée, tout comme le sentiment d'appartenance.

Renouvellement

Annie Cloutier, Éric Watelle et Lucie Couillard font partie des nouveaux habitants du Vieux-Sillery, y vivant depuis 5 à 11 ans. Pourtant, ils en parlent avec une passion contagieuse et en connaissent l'histoire. Tous recherchaient le cachet patrimonial, la proximité de la nature et du fleuve, le mode de vie un peu à l'ancienne, où les gens se côtoient, où les valeurs simples et environnementales trouvent écho.

Annie Cloutier et Lucie Couillard parlent du jardin communautaire, propice aux rencontres et discussions entre voisins. Du garage de Mme Cloutier, qui devient le mercredi le point de chute des paniers bio d'une trentaine de citoyens. Puis des soirées aux allures de partys de famille, des concerts intimes donnés dans les maisons anciennes. De la transmission de l'histoire du quartier par les aînés. De ce mélange de personnes de tous âges et de toutes professions. Des mille et un délices de l'avenue Maguire, que l'on visite à pied.

Et de ce quartier qui vit, même en plein jour. Le paradis pour Lucie Couillard, qui travaille souvent à domicile, et pour Annie Cloutier, longtemps mère au foyer.

Respect du patrimoine

Mais habiter une maison ancestrale, c'est aussi vivre dans une maison plus petite que les gabarits d'aujourd'hui, s'attendre à faire bien des réparations tout en préservant la richesse patrimoniale.

Lucie Couillard habite l'une des plus vieilles maisons de la côte de l'Église, qui appartenait à «M. Gignac de la côte à Gignac». La construction remonte aux années 1860-1870. La jolie demeure est un ancien jumelé, relate-t-elle, des habitations prisées par les ouvriers du chantier, comme M. Gignac. Mme Couillard et son conjoint l'ont transformée en maison unifamiliale, des modifications qui ont permis de mettre en valeur les poutres et planchers d'origine.

Mais à travers les beautés patrimoniales, quelques maisons nouvellement construites ou rénovées détonnent. «L'arrondissement historique n'existe à peu près plus», croit Carmelle Dion-Ouellet. Avant, on contrôlait les constructions, tant leur taille que leur style, se rappelle-t-elle. Si ces règlements sont toujours en vigueur, «il n'y a pas de police pour les faire respecter», se désole-t-elle.

Condos

Vente des propriétés conventuelles. Condos. Les mots ont l'effet d'une bombe. Si la mairesse Boucher rêve d'un quartier huppé à la Beverly Hills, les citoyens rencontrés craignent de perdre leur qualité de vie si la Ville permet l'arrivée massive de plus de 1000 unités de condos. La capitale devrait dévoiler son Plan particulier d'urbanisme (PPU) dans un an.

«Je trouve ça tellement aberrant. C'est un manque d'imagination et de cohérence historique que de ne pas voir autre chose que ça», s'enflamme Lucie Couillard, membre comme M. Watelle du Comité de citoyens du Vieux-Sillery. Elle ajoute que ces terres devraient garder une vocation liée à l'éducation et à la santé au lieu de privilégier les mieux nantis pour assouvir «l'appétit fiscal» de la Ville.

Vaudrait mieux reconvertir des bâtiments actuels, comme c'est le cas avec le Domaine Benmore. «La reconversion ne dénature ni le paysage ni l'architecture», dit-elle.

Comment la côte de l'Église, le boulevard Champlain et le chemin Saint-Louis pourront-ils encaisser ce nouveau trafic? se demandent les résidants. «Ça va changer le portrait du quartier», avance Éric Watelle. Il garde espoir que le comité de citoyens participera à l'élaboration du PPU.

«Mon conjoint est confiant que le quartier va rester ce qu'il est. Moi, ça m'inquiète, énonce tristement Mme Cloutier. Il y a des gens que j'aime beaucoup qui parlent de quitter...»

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* Voir Une promenade sur la Côte de l'Église: l'occasion de revivre une tranche de notre histoire, publié par la Société d'histoire de Sillery.