Un accord international sur l’environnement qui mène à des résultats concrets ? Les plus cyniques diront que la chose est impossible. Or, grâce au Protocole de Montréal signé par 195 pays en 1987, le trou de la couche d’ozone sera résorbé d’ici une quarantaine d’années, a annoncé l’ONU lundi.

Au plus tard d’ici 2066

Dans un rapport dévoilé lundi, un groupe d’experts mandaté par les Nations unies a indiqué que le trou de la couche d’ozone serait résorbé avant la fin du siècle. Les scientifiques concluent que « si les politiques actuelles restent en place, la couche d’ozone devrait retrouver les valeurs de 1980 (avant l’apparition du trou dans la couche d’ozone) d’ici 2066 au-dessus de l’Antarctique, d’ici 2045 au-dessus de l’Arctique et d’ici 2040 dans le reste du monde ». La plus récente évaluation a été réalisée par un groupe d’experts issus notamment de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et de la National Aeronautics and Space Administration (NASA).

Une mise en garde dès 1974

La couche d’ozone permet d’absorber une partie des rayons ultraviolets du soleil. Sans celle-ci, la vie sur Terre serait pratiquement impossible. Entre 1975 et 1984, plusieurs ballons-sondes ont été lancés à l’initiative du géophysicien britannique Joseph Farman. Les résultats sont inquiétants : on observe alors une baisse graduelle des taux d’ozone dans la stratosphère, au-dessus de la base scientifique de Halley Bay, en Antarctique. Ce « trou » dans la couche d’ozone se manifeste périodiquement durant le printemps austral au pôle Sud. Or, en 1974, deux chimistes de l’Université de Californie, Mario Molina et Sherwood Rowland, avaient lancé une mise en garde au sujet de l’effet destructeur sur l’ozone des gaz industriels de type chlorofluorocarbones ou CFC, utilisés dans les réfrigérateurs et les aérosols. Les deux chercheurs ont obtenu en 1995 le Nobel de chimie pour ces recherches.

« Un véritable fer de lance »

« Selon le dernier rapport quadriennal, la reconstitution de la couche d’ozone est en bonne voie, ce qui est une nouvelle fantastique. On ne saurait trop insister sur l’impact du Protocole de Montréal sur l’atténuation des changements climatiques. Au cours des 35 dernières années, le Protocole est devenu un véritable fer de lance de la défense de l’environnement », a déclaré lundi Meg Seki, secrétaire exécutive du Secrétariat de l’ozone du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Une évaluation que partage Caroline Brouillette, directrice des politiques nationales au Réseau action-climat. « Ça démontre que des politiques publiques pour faire face à la crise environnementale fonctionnent quand on s’attaque à la cause du problème. »

SOURCE : AGENCE FRANCE-PRESSE, INFOGRAPHIE LA PRESSE

L’importance du Protocole du Montréal

Le Protocole de Montréal, adopté le 16 septembre 1987, prévoyait sur une période de 10 ans une réduction de 50 % de l’utilisation des CFC et du gaz halon, tous deux dangereux pour la couche d’ozone. Initialement signé par près de 40 pays, l’accord a été finalement entériné par 196 États en plus de l’Union européenne. Après qu’on a observé un trou record en 2006, au-dessus du pôle Sud, un nouvel accord a été approuvé en 2007, toujours à Montréal, pour accélérer l’interdiction des gaz nocifs pour la couche d’ozone. « L’élimination progressive de près de 99 % des substances interdites qui détruisent l’ozone a permis de préserver la couche d’ozone et contribué de façon notable à sa reconstitution dans la haute stratosphère et à une diminution de l’exposition humaine aux rayons ultraviolets (UV) nocifs du soleil », ont noté les experts mandatés par l’ONU dans leur rapport dévoilé lundi.

Une bouffée d’air frais

Selon Caroline Brouillette, cette nouvelle constitue une bouffée d’air frais en ce début d’année 2023. « Dans un monde où le cynisme est une posture dominante face aux accords internationaux, ça fait du bien », dit-elle, signalant que la coopération mondiale est à l’origine de ce succès. L’experte insiste cependant pour souligner que des progrès sont possibles « quand on nomme les choses clairement ». Dans le cas du trou de la couche d’ozone, « on a nommé clairement la source du problème, soit les CFC », précise-t-elle. « Ça montre qu’on peut y arriver quand la volonté est là. » Une volonté qui a souvent fait défaut dans les négociations internationales pour le climat. « Les énergies fossiles, c’est l’éléphant dans la pièce, note Mme Brouillette. C’est aussi un enjeu qui est beaucoup plus politisé que les CFC. »

Gare à la géo-ingénierie

De potentiels projets de géo-ingénierie solaire destinés à limiter le réchauffement climatique pourraient cependant avoir des effets indésirables sur la couche d’ozone, ont mis en garde les scientifiques lundi. L’idée serait d’ajouter intentionnellement des particules en suspension dans la stratosphère pour renvoyer une partie des rayons du soleil. Un de ces projets consisterait à injecter une quantité considérable de particules de soufre dans la couche supérieure de l’atmosphère. Mais une injection de particules dans l’atmosphère « pourrait avoir pour conséquence une grave baisse du niveau de l’ozone », a déclaré John Pyne, coprésident du panel scientifique de l’ONU qui travaille sur l’ozone. « La chose la plus simple à faire est d’arrêter de relâcher des gaz à effet de serre dans l’atmosphère », a-t-il souligné.

Avec l’Agence France-Presse

En savoir plus
  • 0,5 °C
    Une injection de particules au-dessus de l’Antarctique permettrait certes de réduire la température mondiale de 0,5 °C sur 20 ans, mais le trou de la couche d’ozone retournerait à des niveaux proches de ceux des années 1990.
    Source : ONU