Biographie

Qui était Vercingétorix, ce grand leader politique ?

Qui était Vercingétorix, ce grand leader politique ?
Ni moustache, ni casque à ailettes en réalité. © Francis CAMPAGNONI
Le « Vercingétorix » de Jean-Louis Brunaux, spécialiste de la civilisation gauloise, dessine le portrait, derrière le redoutable chef militaire, d’un grand leader politique.

Jean-Louis Brunaux, directeur de recherche au CNRS, signe la première biographie du prince gaulois qui a défié César.

Si on exclut La Guerre des Gaules, le récit de César, qu’est-ce qui prouve l’existence de Vercingétorix ?

Des monnaies sur lesquelles figure son nom. Et d’autres auteurs qui parlent de lui. On peut citer Dion Cassius, qui apporte la contradiction à La Guerre des Gaules, deux siècles plus tard. Cet auteur grec trouve ses sources chez des contemporains de César. Il est vrai que la figure de Vercingétorix étant peu apparue avant le XIXe siècle, un historien comme Michelet, en 1830, considère que Vercingétorix n’existe pas, que c’est un titre qui correspond au mot français « généralissime » et il dit, dans son Histoire de France, « le vercingétorix ».

Vercingétorix premier grand stratège et tacticien de l’histoire

Dans quelles sources avez-vous puisé vous-même ?

Toutes les sources disponibles, latines comme grecques, auxquelles j’ai ajouté l’archéologie, dont je suis issu. Ces quarante dernières années, les fouilles ont révolutionné la connaissance que l’on avait des Gaulois, apportant une masse de données considérable. Depuis quinze ans environ, on connaît mieux le milieu des Arvernes, Gergovie, la plaine de la Limagne, les villas aristocratiques que la famille de Vercingétorix possédait en nombre.

Ni moustache, ni casque à ailettes, à quoi ressemblait Vercingétorix ?

Quelqu’un d’assez imposant, dont le charisme se dégageait d’un physique puissant. Il faut penser qu’il était grand, athlétique. La culture physique était dans la tradition des guerriers gaulois et commençait très jeune. Il était glabre, rasé, un signe de noblesse car c’était un luxe inouï. Son portrait, dont le profil n’est pas extrêmement détaillé, apparaît dans les monnaies.

Connaissez-vous le lien entre les statues de Vercingétorix et de la Liberté ?

Ce personnage, dites-vous, est enfermé dans une histoire qui n’est pas la sienne. D’où vient le malentendu ?

C’est le malentendu général des Gaulois. Ils ont été totalement délaissés depuis le Moyen Âge. À la Renaissance, les lecteurs étaient fascinés par les Romains et les Gaulois apparaissaient comme des sauvages. Il faut attendre l’abbé Sieyès, en 1788, et son fameux Qu’est-ce que le Tiers-État ?, qui donne au peuple les Gaulois comme ancêtres par opposition aux Francs, qui seraient les aïeux de la noblesse. Au XIXe siècle, au moment de la Troisième République, face à l’Allemagne, on revendique une ancienneté de la France plus longue que celle des Germains et on va exhumer la figure patriotique de Vercingétorix. A contrario, sous l’Occupation, Pétain s’en servira en image de propagande pour expliquer qu’il faut se soumettre à l’ennemi. Vercingétorix est utilisé tantôt comme un héros, tantôt comme un traître, un espion à la solde de César.

On le connaît pour ses batailles, comme chef des armées, mais vous dessinez le visage d’un grand leader politique.

Vercingétorix était un homme politique incroyable, le digne héritier de son père Celtill, qui avait remis au premier plan de la Gaule des Arvernes très affaiblis. Quelques années plus tard, son fils parvient à rassembler des peuples qui sont dispersés dans un pays plus grand que la France, comprenant une partie de la Belgique, de la Hollande, de l’Allemagne et de la Suisse. Il lève une armée de 250.000 hommes en quelques semaines juste avant Alésia – seul Napoléon 1er réitérera cet exploit.

Quatre clichés sur ces irréductibles Gaulois

Il se bat pour la liberté commune des Arvernes, des Belges et de tous les peuples de l’Ouest, de l’océan qui voulaient garder leur indépendance, leurs valeurs à l’inverse de peuples comme les Éduens (aujourd’hui le Morvan) très soumis à la puissance romaine. Vercingétorix est le plus ancien exemple d’une résistance qui s’étend à un espace géographique aussi vaste, rassemblant 45 peuples de par la volonté d’un seul homme et de son intelligence politique.

Vous nous apprenez aussi que le jeune Vercingétorix, avant de le combattre, a parfait son éducation militaire auprès de César !

Il fut son otage, ce qui était courant, même chez les Gaulois, comme caution dans
les alliances entre peuples. Les otages étaient des adolescents choisis parmi les familles princières. Vercingétorix a vécu trois années dans le quartier général de César, a vu de très près comment la machine de guerre romaine fonctionnait. César cultivait ce lien avec la jeunesse indigène. Son but était de former ces princes gaulois pour ensuite leur déléguer le pouvoir dans leur propre cité au nom de Rome.

Fillon tourné en dérision sur Twitter après sa référence à Vercingétorix

Quelle influence ont eu les druides sur sa pensée ?

Les druides, seuls éducateurs de la jeunesse en Gaule, sont des philosophes très proches de la pensée de Pythagore. Ils considèrent que la vie et la mort se trouvent dans des cycles permanents, croient à la réincarnation. C’est pourquoi les Gaulois ne sont pas avares de leur vie lorsqu’ils combattent, ce qui en fait des guerriers redoutables. Ils ne cherchent pas à laisser de traces de leur passage sur Terre, ne pratiquent pas l’écriture. Ainsi, Vercingétorix n’éprouve pas de difficulté à se rendre à César : il préfère être exécuté que vivre dans la servitude. 

Vercingétorix. Par Jean-Louis Brunaux, aux éditions Gallimard, 325 pages, 22 €.

Nathalie Van Praagh
nathalie.vanpraagh@centrefrance.com


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1 commentaire

DANIEL FENDER a posté le 05 mars 2018 à 15h09

L'histoire est souvent écrite par les vainqueurs. Surtout quand l'adversaire n'a pas d'écriture. Dans sa Guerre des Gaules, Jules César y étale son génie militaire pour se faire mousser à Rome. Mais sans lui, qui aurait écrit sur chef Averne Vercingétorix érigé sur le tard en icône de patriotisme résistant ? Et sans son lieutenant Hirtius (pas bon en géo mais à une époque sans GPS) que saurions-nous - un an après Alésia - de l’héroïque et ultime résistance des Cadurques et des Lemovices à Uxellodunum à Vayrac dans le nord du Lot ? Jules l'inventeur du premier Routard de l'Histoire ?

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