La statue de Vercingétorix, d’Auguste Bartholdi, a été inaugurée les 10 et 11 octobre 1903

Cent dix ans de règne place de Jaude

L'art traverse les époques, son utilité est revue et sans cesse corrigée. Vercingétorix, qui trône sur la place de Jaude avec la même aisance depuis 110 ans, est une preuve de ce que l'art apporte à notre quotidien.

Aujourd'hui, ce monument est toujours reconnu et admiré par les Auvergnats qui en font une sorte de point de ralliement, lors de grandes manifestations politiques, revendicatives ou sportives. Tous convergent vers Vercingétorix et chacun y voit l'incarnation de ses valeurs.

Ce guerrier, qui chevauche sa monture au galop éternel au-dessus d'un romain tombé sur le champ de bataille, est devenu, au fil du temps, le symbole de bien des combats.

« Depuis que l'on s'intéresse à l'histoire de France, on s'est demandé qui étaient les ancêtres des Français », raconte Antoinette Ehrard, professeur d'université de Clermont-Ferrand en histoire de l'art aujourd'hui à la retraite. « Il fut un temps où la noblesse était désignée comme l'héritière des Francs venus en Gaule installer la monarchie. Un mythe qui a pris de l'importance, sous l'ancien régime avant que celui-ci soit renversé lors de la Révolution française. Au cours du XIX e siècle, ces deux mythes s'entrecroisent et les Gaulois sont choisis comme nos ancêtres légitimes. »

Et l'Académie des sciences, belles lettres et arts de Clermont-Ferrand voulut rendre hommage, en 1840, à Vercingétorix, symbole de la libération du territoire. Avant que le projet n'avorte sous le Second Empire puis reprenne vie en 1870 après la chute de Napoléon III.

Deux monuments ont vu le jour : l'un sur le plateau de Gergovie mené par les conservateurs et réalisé par Jean Teillard, l'autre place de Jaude, conduit par les républicains et réalisé par Auguste Bartholdi. « Anachronisme parfait, Vercingétorix est devenu un symbole républicain alors que c'était un roi », souligne l'historienne.

Durant la Seconde Guerre mondiale, les résistants clermontois ont fait de la statue un lieu de ralliement. Quant aux Alsaciens en exil en Auvergne, ils en ont fait un symbole de lutte. « Sous le régime de Pétain, il servit la propagande que ce soit par son image ou par les constructions à sa gloire devenues monuments, où l'on prêtait serment de fidélité au maréchal. Une chance puisque la statue a échappé en 1942 à la réquisition et à la fonte des monuments au titre des métaux non ferreux », rappelle Antoinette Ehrard.

Kevin Jayat