SUISSE Le Tessin, terre de contrastes

Aux portes du lac Majeur, dans le Tessin, canton suisse aux airs de dolce vita, la vallée Maggia dévoile sa beauté, entre réserves d’eau émeraude et villages de pierre. Les fous de randonnées apprécient la diversité des paysages, passant des palmiers aux glaciers, des citronniers aux vallées vertes et sauvages en « quelques » coups de bâtons.
Textes et photos : Alice HERRY - 07 sept. 2020 à 12:00 - Temps de lecture :
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Pour oublier la rentrée et prolonger un peu l’été, rien de tel qu’une escapade du côté de la Suisse, dans sa région la plus ensoleillée : le Tessin.

Destination idéale pour les randonneurs (et les autres) qui souhaitent profiter d’un climat influencé par la Méditerranée avant d’attaquer les circuits plus enneigés de l’hiver. Entre Milan et Zürich, sa position privilégiée au débouché des grands cols alpins en fait une destination de choix. « La qualité suisse et la classe italienne », répètent les habitants de la région d’Ascona-Locarno.

Un voyage pittoresque et exotique dans la vallée Maggia

Le téléphérique ultramoderne d’Orselina-Cardada emmène les passagers à 1 340 mètres d’altitude en cinq minutes seulement. Le téléphérique a été construit en 2000 selon les plans du célèbre architecte Mario Botta. Depuis la cabine de verre, la découverte du panorama est déjà en soi toute une expérience pendant l’ascension. Photo L’Alsace /Alice HERRY
Le téléphérique ultramoderne d’Orselina-Cardada emmène les passagers à 1 340 mètres d’altitude en cinq minutes seulement. Le téléphérique a été construit en 2000 selon les plans du célèbre architecte Mario Botta. Depuis la cabine de verre, la découverte du panorama est déjà en soi toute une expérience pendant l’ascension. Photo L’Alsace /Alice HERRY

Le canton, frontalier avec l’Italie, est divisé en quatre secteurs géographiques : le lac Majeur (Locarno et Ascona avec le Val Verzasca et la Valle Maggia), Bellinzonese (Bellinzona et les vallées qui s‘enfoncent vers le Gothard et le Nufenen), Lugano, et le Mendrisiotto. Ici, la langue officielle est celle de Dante ! En effet, le Tessin est l’unique canton de Suisse dont tous les habitants parlent italien. Comme ils sont en minorité, les Tessinois s’obligent à parler allemand, français et suisse pour mieux s’intégrer.

Les jardins exotiques et les rives ensoleillées du lac Majeur font le charme et la réputation du coin. La ville de Locarno, qui accueille chaque année la Piazza Grande, un festival du film, bénéficie du climat le plus doux de Suisse. Elle s’étend sur la rive nord du lac.

Des plantes exotiques comme des palmiers et des citronniers y poussent partout. Mais aux alentours de cette Suisse Riviera, un réseau dense d’itinéraires s’étend sur plus de 1 400 km, du fond de la vallée jusqu’à 3 000 mètres d’altitude.

Une fois au sommet, la montagne locale de Locarno offre une vue sur le point le plus bas de Suisse, le lac Majeur, et sur la montagne la plus élevée de Suisse, la pointe Dufour.   Photo L’Alsace /Alice HERRY
Une fois au sommet, la montagne locale de Locarno offre une vue sur le point le plus bas de Suisse, le lac Majeur, et sur la montagne la plus élevée de Suisse, la pointe Dufour.   Photo L’Alsace /Alice HERRY

À travers des chemins escarpés, le côté le plus typique du Tessin se dessine. Les sentiers sont taillés dans la roche, des spectaculaires ponts en pierre forment des passages obligés, et des villages prennent racine en pleine montagne. Se dévoilent alors les traces d’une vie ancienne. Des peintures religieuses, des fontaines, des balcons, des grottos (lire encadré)…

Ici, la nature sait se conjuguer à la culture. La table, fortement influencée par l’Italie, est savoureuse, le patrimoine architectural et historique, riche et varié.

Les sentiers sont taillés dans la roche et des villages prennent racine en pleine montagne.   Photo L’Alsace /Alice HERRY
Les sentiers sont taillés dans la roche et des villages prennent racine en pleine montagne.   Photo L’Alsace /Alice HERRY
Les maisons typiques en pierre des vallées du Tessin. Photo L’Alsace /Alice HERRY
Les maisons typiques en pierre des vallées du Tessin. Photo L’Alsace /Alice HERRY

Cascades et hameaux

Toujours un peu plus reculé dans les terres, avec un dénivelé positif qui grandit et des jambes qui fatiguent, le val Bavona apparaît. Cette vallée alpine est fortement marquée par les transhumances. Sauvage et rocheuse, elle est enclavée dans des parois vertigineuses et composée de douze hameaux typiques, appelés « terre ». Son patrimoine architectural remonte au XVIe siècle, période de la petite glaciation qui a provoqué l’exode de ses habitants.

La cascade de Foroglio, haute de 108 m, dans le Val Bavona. Photo L’Alsace /Alice HERRY
La cascade de Foroglio, haute de 108 m, dans le Val Bavona. Photo L’Alsace /Alice HERRY

Le sentier de la transhumance qui la parcourt (7,5 km) permet d’admirer de nombreux témoignages du passé. « Ce sont les villages les plus authentiques du Tessin. Les maisons ne sont pas reliées au réseau électrique. Il faut donc avoir recours à des cellules photovoltaïques, au gaz, à des petites turbines à eau, à des bougies, au pétrole ou à d‘autres énergies alternatives pour que la lumière soit », explique un habitant de Bignasco. Les habitants vivent dans leurs maisons en pierre pendant les mois les plus chauds de l’année, d’avril à octobre. Les sentiers empruntés, entre hêtraies-châtaigneraies et hameaux aux toits recouverts de lauzes, permettent de découvrir les fameux splüi (abris sous-roche). En haut de la vallée, le village de Foroglio avec ses ruelles pavées est réputé pour sa cascade gigantesque qui veille sur lui. D’une hauteur de 108 mètres, la cascade Froda est l’une des plus célèbres du Tessin.

D’autres points d’eau, des bassins pittoresques creusés entre les rochers, invitent les marcheurs à se rafraîchir dans leur eau cristalline. En remontant le hameau de Foroglio, le Val Calnègia offre un paysage de carte postale qui donne envie de plonger. Dans cette vallée, l’envie de préservation du patrimoine est immense, à l’image des montagnes qui l’entourent. Et l’histoire du Tessin, intacte.

Les gens vivent dans leurs maisons de pierre pendant les mois les plus chauds de l’année, d’avril à octobre. Photo L’Alsace /Alice HERRY
Les gens vivent dans leurs maisons de pierre pendant les mois les plus chauds de l’année, d’avril à octobre. Photo L’Alsace /Alice HERRY

SE RENSEIGNER Sur le site de l’office de tourisme : www.myswitzerland.com VOIR Notre reportage vidéo et nos photos sur www.lalsace.fr

Le musée ethnographique est la plus ancienne maison du village, datant de 1386. Photo L’Alsace

Bosco Gurin, village perché dans la tradition

Fondé par les colons en 1253 et perché à 1 600 m d’altitude, Bosco Gurin arbore fièrement ses maisons anciennes, parfaitement conservées, construites en bois sur un soubassement de pierre. Les habitants, une cinquantaine, sont restés fidèles à leurs traditions et à leur langue à travers les siècles, si bien que le « Gurijnartitsch », dialecte alémanique local, est encore parlé aujourd’hui.

« C’est le seul village du Tessin qui dispose de remontées mécaniques. Il n’y a que trois enfants qui y vivent. L’école a été fermée en 2002 parce qu’ils n’étaient plus assez nombreux. Le village se remplit en hiver et en été lors des vacances grâce au tourisme », explique Christina Della Pietra, conservatrice du musée ethnographique, le « Guriner Walserhaus ». « La maison dans laquelle se trouve le musée est une des plus anciennes maisons de Bosco Gurin. Elle date de 1386. » Autre trésor des alpages : les fromages. Les vaches et les chèvres règnent en maître sur les hauteurs. Côté spirituel, les croix dans le cimetière sont changées selon les saisons. Celles d’été sont remplacées par des croix plus solides en hiver. « La mort fait partie de la vie pour nous. »

L’église San-Giovanni-Battista dénote mais sublime le paysage. Giovan Luigi Dazio, architecte, était président de la commune de Mogno au moment de l’avalanche. Il a longuement échangé et travaillé avec Mario Botta, l’architecte qui signe cette sculpture religieuse.  Photo L’Alsace

L’église San-Giovanni-Battista, iconoclaste et majestueuse

Dans le village de Mogno, situé dans la vallée Maggia, à 1 180 m d’altitude, l’église San-Giovanni-Battista dénote mais sublime le paysage. En 1986, une avalanche a détruit une douzaine de maisons ainsi que la petite église du hameau. Une nouvelle église, futuriste, a été construite entre 1992 et 1996 par l’architecte Mario Botta. Ce coup de génie, d’abord controversé, fait de cet édifice religieux un joyau architectural, une sculpture, un monument connu au-delà des frontières. « On voulait sauver le village et son patrimoine. Mario Botta a compris notre histoire. Il l’a respectée en apportant sa créativité et sa vision contemporaine. Il a pris notre motivation, notre envie et tout notre attachement dans ce projet. C’est l’architecture qui a sauvé le territoire et valorisé le Tessin. C’est important que les gens sortent de l’église avec une émotion et je crois que c’est réussi », confie Giovan Luigi Dazio, architecte de 72 ans et ancien président de la commune de Mogno. L’église, qui peut accueillir environ 15 personnes, n’a pas de fenêtres et n’est éclairée que par la lumière pénétrant par le toit en verre.