L'agriculture bio explose dans le Gers

  • Pierre Pujos, Christophe Capdecomme, Sylvie Colas et Klaus Unterecker (de g. à dr.) samedi à Biocoop.
    Pierre Pujos, Christophe Capdecomme, Sylvie Colas et Klaus Unterecker (de g. à dr.) samedi à Biocoop. Photo DDM, S. Lapeyrère
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Béatrice Dillies

Un forum de l'agriculture bio se déroule aujourd'hui à Auch. Objectif: amener plus d'agriculteurs conventionnels à convertir leur exploitation. Et les organisateurs ont des arguments à faire valoir dans un département qui a déjà près de 6% de sa surface agricole utile en bio. Explications.

Samedi matin à Auch. Les quatre cogérants de Biocoop (eux-mêmes consommateurs ou producteurs bio) annoncent 10% de réduction sur tous les produits à l'occasion du cinquième anniversaire du magasin. Les rayons sont noir de monde. Pierre Pujos mesure le chemin parcourru. «En cinq ans, on a créé onze emplois, en plus du nôtre. On a doublé la surface de vente et multiplié le chiffre d'affaire par quatre.»

Pour répondre à une demande sans cesse croissante, d'autres magasins bio se sont aussi développés à Pavie, Condom, Eauze, L'Isle-Jourdain, Vic, Mirande et Marciac.

Le Gers, 1er département français en grandes cultures bio

Résultat, de plus en plus d'agriculteurs ont sauté le pas et se sont mis au bio, au point que l'année 2010 a vu une augmentation record de 40 % des fermes et surfaces bio dans le Gers, département qui abrite cette année 25 000 hectares bio, dont près de 14 000 en grandes cultures, secteur d'activité où le Gers est leader en France depuis deux décennies, au point de contribuer aujourd'hui à 8 % de la collecte nationale bio. Plus largement, avec près de 6 % de la surface agricole utile du département en bio, le Gers fait mieux que la moyenne nationale (3 %), régionale (4,6 %) ou européenne (4,7 %) atteignant même l'objectif 2012 du Grenelle de l'environnement avec un an d'avance.

Alors, pourquoi un tel engouement ? Les explications varient selon les acteurs. Mais ils sont tous d'accord pour dire qu'ils en profitent économiquement, ce qui est particulièrement remarquable en cette période de crise.

Pierre Pujos a la double casquette, puisqu'il a aussi 80ha en céréales et légumes bio à Saint-Puy. Depuis qu'il vend sa production à Biocoop au lieu de passer par un grossiste, il a amélioré sa marge de 20%.

Christophe Capdecomme, le maire de Saint-Christaud, connaissait un problème de débouché lui aussi. Il a donc décidé de créer Cap vers le bio, à Seissan, en 2008. Et a avancé, depuis, dans la structuration de la filière. Bilan trois ans plus tard: là où il écoulait une bête par mois (une vache, un agneau et un porc), il en écoule aujourd'hui une par semaine. Et il est passé de 40 à 100 poulets hebdo, secteur dans lequel s'est justement spécialisée Sylvie Colas à Lectoure. Elle est même passée de 30 à 200 volailles par semaine. Klaus Unterecker, qui fait dans le porc gascon depuis 1992 à Castelnavet, rigole de cette évolution. «Quand je me suis installé, je n'osais pas dire que j'étais éleveur bio. On était pris pour des farfelus; ça a bien changé. Je suis passé de 4 porcs par an à 60, avec 80% sur le Gers, 20% dans les Landes.»

«Il y a beaucoup plus de clients qu'avant, confirme Pierre Pujos. On sent des prises de conscience sur la façon de s'alimenter.» Et ce n'est pas fini. «Le potentiel de consommation est à multiplier par deux, trois ou quatre», assure Christophe Capdecomme.


Christian : « Une marge en hausse de 30 % »

Christian Gauthé est amoureux de ses 170 Blondes d'Aquitaines, et elles le lui rendent bien. Depuis que cet agriculteur âgé de 43 ans les nourrit exclusivement avec des céréales bio produites sur les 230 hectares de son exploitation, à Mirepoix, il en retire 30 % de plus à la vente. « Bilan de la première année en bio. Et en plus, j'économise 40 000 € par an d'intrants : pesticides, engrais, fongicides… » sourit le jovial Gersois. Mais Christian l'avoue aussitôt, ce n'est pas la rentabilité financière qui a été son premier moteur pour la conversion, c'est sa santé !

« J'ai repris la ferme familiale en 1989. Depuis, je m'étais intoxiqué deux-trois fois avec des produits phytosanitaires : nausées, vomissements, mal à la tête, mal aux articulations… » Céréaliers et autres arboriculteurs connaissent ça dans l'agriculture conventionnelle. Mais Christian a eu une véritable prise de conscience il y a cinq ans, quand il a été hospitalisé d'urgence à Purpan. « À l'époque, je faisais aussi des expertises agricoles. J'avais été expertiser un champ de maïs doux, dans les Landes. Il était traité aux acaricides, mais le propriétaire ne m'avait pas prévenu. J'ai été vraiment très malade. »

Résultat, des séquelles pendant près de deux ans, et une envie de tourner la page. Il se trouve qu'avant l'hospitalisation, Christian se posait déjà la question d'une éventuelle reconversion dans l'agriculture bio. Ses problèmes de santé et la perspective d'un déplafonnement des aides ont achevé de le convaincre… même si, après, l'État a finalement décidé de plafonner l'aide sur les prairies à 75 hectares. Qu'importe, Christian a fait contre mauvaise fortune bon cœur, il y a trois ans, avec la promesse de retirer 15 000 € par an pendant cinq ans sur cette seule aide. « J'ai aussi eu droit à un crédit d'impôt de 4 000 € la première année (2 400 € cette année), à une aide sur les investissements à hauteur de 35 % de la valeur hors taxe et à une aide à la certification de la Région pendant 5 ans. » En prime, Christian a été accompagné dans sa démarche par le Gabb32, association dont le tiers du budget est financé par le conseil général du Gers. Et depuis? «Je n'ai plus du tout de problème de santé», répond Christian tout sourire.


Un forum pour tout savoir

Après le succès de son « forum de la conversion » en 2010, le Gabb 32 s'attend à voir du monde au forum de l'agriculture biologique, cet après-midi, salle des Cordeliers à Auch. Objectif : proposer des conférences pédagogiques aux agriculteurs conventionnels pour leur montrer que « la bio, c'est possible et que ce n'est pas si complexe que ça de gérer l'herbe sans herbicide », de l'expression même de Dohena Khan, la coordinatrice de Gabb32. Il sera aussi question des aspects réglementaires, des débouchés, des prix… Entrée libre.

Contacts: 05 62 61 77 55 ou contact@gabb32.org

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Les commentaires (3)
Il y a 12 années Le 21/11/2011 à 22:34

Rigolade
cet article me fait malheureusement rigoler. Ma voisine, courtier en bétail bio, vient justement d'être licenciée faute d'un marché suffisant. Elle travaillait pour une entreprise de Seissan.

vax Il y a 12 années Le 21/11/2011 à 13:02

Bravo !
Une réussite qui fait plaisir !
Dans ce département , nous avons une grande chance ! Il est possible de trouver de trés bon produit !
Il faut en être conscient car dans ces "grandes villes" , c'est bien autres choses !
Avoir la chance que son voisin vous apporte ,par plaisir , quelques légumes , et savoir que plus "bio" que ça , y a pas mieux !
Ca fait extremement plaisir !
C'est évident , que ce virage est la solution pour une agriculture durable !

Okapita Il y a 12 années Le 21/11/2011 à 10:45

Les produits qui empoisonnent
J'habite à la campagne avec en bordure des champs cultivés et souvent "arrosés". Il m'est arrivé, après qu'une sorte d'odeur soufrée ait persisté pendant presque une semaine d'avoir mal à la gorge, ce qui ne m'arrive jamais d'habitude, et des petits saignements de nez. Dans le village il y a eu des cas de cancers chez des agriculteurs. Evidemment à ce moment-là on ne peut que regarder avec sympathie et espoir l'agriculture bio.