Rodez. Marc Censi se retire de la vie politique

  • «Je passe le manche... le discours que j'ai tenu n'a sans doute pas été entendu». Marc Censi part en en voyage. Photo DDM.J.-L.P. «Je passe le manche... le discours que j'ai tenu n'a sans doute pas été entendu». Marc Censi part en en voyage. Photo DDM.J.-L.P.
    «Je passe le manche... le discours que j'ai tenu n'a sans doute pas été entendu». Marc Censi part en en voyage. Photo DDM.J.-L.P. DDM
Publié le
Propos recueillis par Jean-Pierre Lagrange et Christian Tua

I l arrive au rendez-vous dans les salons de l'hôtel Broussy avec élégance, et une certaine nonchalance. Il claque une bise amicale à la propriétaire des lieux, qui l'accueille d'un grand sourire. Puis échange avec elle quelques propos d'esthète sur les toiles de l'orientaliste Maurice Bompard. Il raconte au passage une anecdote d'«ancien président du Grand Rodez » qui avait essayé d'acheter une toile de l'artiste aveyronnais chez un collectionneur parisien ; « J'étais allé la voir et puis on a dû renoncer devant le prix exorbitant… » L'ex maire, le perdant des sénatoriales, s'assied tranquillement dans un canapé de velours rouge et puis se livre de bonne grâce - comme il l'a toujours fait - au jeu de l'interview. Marc Censi prend celle-là avec un certain détachement. « C'est la dernière fois, non ? » sourit-il… Puis, il répond avec précision aux questions, ne se dérobe pas, n'a pas l'attitude d'un homme qui déclare pourtant « passer le manche » et ne plus vouloir faire de politique. La chose publique le passionne encore, et il ne peut s'empêcher d'exprimer un certain dépit de ne pas avoir pu « continuer son travail » au sénat, sur le dossier intercommunal. Aux questions politiques, il répond en politique, avec gravité par moments. Allant parfois chercher dans la philosophie ou dans l'histoire « les références qui manquent aujourd'hui ». Censi reconnaît que la droite ruthénoise, et la droite aveyronnaise, n'ont pas su former la relève. Il voit là une raison importante des défaites successives connues par cette droite, depuis deux ans. S'enflamme à nouveau quand on parle de Rodez « ce qui m'a conduit c'est toujours la notion de projet ». Prend le temps de la réflexion pour s'exprimer sur la situation politique à l'agglomération, il est manifestement informé. Mais cette fois, il ne retient pas son propos, il donne son avis. Il «faut agir » pour tirer l'agglo vers le haut. Censi tempère: la crise entre centre et périphérie n'est pas la première de l'histoire ruthénoise. Lui -même à ses débuts a connu une position délicate avec la banlieue de Rodez. Il connaît une méthode pour en sortir, mais n'est pas sûr qu'on ait besoin de lui. Marc Censi aime bien s'afficher modeste. Alors, tout ça va-t-il lui manquer ? Allez savoir... pour l'instant, ce qui l'habite, c'est son prochain voyage en Inde, sur les contreforts de l'Himalaya. Chez Censi la réponse est souvent dans la métaphore : pourquoi rester au ras des paquerettes quand on a l'occasion de monter sur le toit du monde ? Là bas, il y a des chemins, des rencontres, des hommes. C'est bien ça la politique, non ?

Q uand on l'interroge sur les causes de la défaîte des candidats de droite aux sénatoriales, dont la sienne, le 21 septembre, Marc Censi répond d'abord par une question : « Quelle est votre analyse ? ». Puis il lâche la sienne, en finesse.

HANTISE DES MAIRES

Perclus d'interrogations, l'ancien maire de Rodez a une certitude, le concernant. «Il y a un discours qui m'a fait beaucoup de tort. On m'a désigné comme un fossoyeur des communes. C'est idiot parce que l'intercommunalité (son cheval de bataille, N.D.L.R.) est la seule façon de sauver les communes. Je l'ai toujours dit : il n'y a pas de plan B ! Mon message n'est pas passé auprès de maires qui ont la hantise d'être contraints par l'état d'aller à marche forcée vers l'intercommunalité.»

SYSTÈME NOTABILIAIRE

Une autre cause du passage à la trappe des ténors aveyronnais de la droite est pour Marc Censi la propension de cette dernière «à avoir fonctionné sur un système notabiliaire qui a étouffé voire guillotiné les jeunes générations». Pendant ce temps, «la gauche a fait monter des jeunes».

AVEYRON CONSERVATEUR

Il n'empêche que l'Aveyron, Rodez mise à part car «sa sociologie s'est profondément modifiée», «reste conservateur». En clair, son visage profond correspond mal à la photographie offerte par le récent scrutin des sénatoriales.

REMEMBER BOSCARY...

Marc Censi, qui se souvient être entré en politique en 1971 avec Roland Boscary-Monsservin, a «mis le doigt dans l'engrenage en 1983, cédant (son) bureau d'études» bien que pas assuré d'une carrière élective. Ce qui l'a guidé tout au long de ces années, son «fil directeur» et son «scénario de vie», c'est «une tension vers l'avenir, fonder des projets, construire.»

«On m'a reproché de ne pas être un militant», pose l'homme qui explique ne pas avoir ses aises dans les clivages, le bloc contre bloc, lui dont «la philosophie (le) rapproche de certaines tendances», et pas plus. Peu enclin à se laisser embrigader, Marc Censi rappelle «le manichéisme» triomphant des années soixante-dix et quatre-vingt, qui obligeait à choisir son camp. Ce qu'il fit : «Je n'avais rien d'un collectiviste.»

Pour l'aujourd'hui, Marc Censi parle d'une «recherche difficile» marquée de «valses-hésitations et de télescopages», les uns et les autres hésitant et naviguant entre «social démocratie et néo libéralisme social».

RÉVÉRENCE

Le président de l'ADCF ou Assemblée des communautés de France vivra sa dernière convention début octobre à Montpellier. Il y tirera sa révérence, mettant un terme à sa carrière politique, dépourvu d' «amertume». Pionnier de l'intercommunalité, le créateur du district, chantre de cette logique de projet qui réunit en mutualisant réflexions et moyens, Marc Censi juge que notre pays est «à la croisée des chemins».

«Qui va l'emporter entre le camp favorable à une prise en compte des acteurs locaux et Bercy (le ministère des Finances, N.D.L.R)et son pilotage autoritaire indirect basé sur le contrôle des flux financiers et les indices de performance ?» Favorable à une clarification des compétences des collectivités respectives, Marc Censi, guère emballé par «un néo centralisme tenant les collectivités par les finances» au nom d'une confiance limitée», évoque «une limitation des compétences des départements», dont la barque est pleine, ou leur assimilation à un complexe dont les régions seraient les têtes de pont.


en passant par la RN 88...

Une initiative «malheureuse»

Leur rivalité, détestation parfois, aura marqué et empoisonné la vie politique aveyronnaise durant de longues années. Au crépuscule de leur pouvoir, alors que Jean Puech ne veut toujours pas tirer publiquement la conclusion de sa dernière défaite, la question de la RN88 qui l'a longtemps opposé à Censi reste centrale pour le département. Il est inévitable de l'imputer au débit de ces hommes qui ont chacun pris leur part de projets, de réussite, de réalisations diverses.

Alors, avant de tirer le rideau, Marc Censi donne une dernière fois son appréciation sur le choix de Puech, et notamment sur le PPP qui a bloqué la négociation avec la région. Créateur, en 1988, du syndicat mixte de la RN 88, Marc Censi désigne Jean Puech, sans le nommer, comme le responsable du point noir de la traversée de l'Aveyron. Remarquant que la démarche globale des élus concernés par l'axe, du représentant de la ville de Lyon au maire de Toulouse, a obtenu des avancées dont les automobilistes mesurent ou vont mesurer l'intérêt en Lozère, Marc Censi stigmatise «l'initiative malheureuse d'un partenariat public-privé qui allait sauver la mise».

«On ne met pas un président de région devant le fait accompli», analyse-t-il, lui qui a occupé cette fonction. Imputant à l'ancien président du conseil général «un retard de cinq ans». Fermez le ban, l'histoire jugera.


agglomération de rodez

Plaidoyer pour un consensus

«Obtenir le consensus, ça n'est pas facile et pourtant c'est indispensable». Aujourd'hui, MarcCensi se dit «inquiet sur l'approche du projet d'agglomération». Et, sans vouloir «juger qui que ce soit», appelle ses successeurs «à trouver les moyens d'une harmonie». Ayant remarqué que dans l'Agglo, beaucoup d'élus sont nouveaux, comme ailleurs en Aveyron, il rappelle qu'à ses débuts -comme maire de Rodez- les tensions dans le District étaient vives. Il avait alors fallu appeler à la rescousse «trois sages, trois médiateurs», lesquels, à la suite de nombreuses auditions d'élus avaient proposé une voie d'action: l'écriture d'un projet. Censi qui se demande si celui qu'il a laissé derrière lui n'était pas «trop précis» incite néanmoins les élus d'aujourd'hui «à ne pas faire capoter des projets qui sont déja bouclés en prenant systématiquement le contre-pied». Un peu malicieux (il n'est pas forcément désagréable de voir celui qui a pris votre place patiner) Censi se montre néanmoins soucieux «qu'une sortie par le haut soit possible». Lui même -pour l'ADCF- est parfois allé faire le pompier volant dans d'autres communautés de commune, en Savoie ou Bretagne. Mais il rappelle aussi que face à certaines difficultés à se mettre d'accord, «les élus du Grand Rodez partaient travailler deux jours tous ensemble. Dans le Lot, par exemple...» C'était le «conclave des maires de l'agglo». Censi devient grave, «je fais appel à leur capacité à se réunir autour d'un projet. Il y va de l'avenir de Rodez et au-delà de tout le département. Il ne faut pas oublier que Rodez tire tout l'Aveyron. Le navire doit se stabiliser et trouver sa vitesse de croisière. On trouve l'accord en s'élevant». C'est le sage qui parle.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?