José Bové, le héros le plus branché de New York

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Michel Bonny, à Washington

Le leader aveyronnais de la lutte contre la «mal-bouffe» est très à la mode dans certains milieux américains.

Christopher, la trentaine, travaille à Wall Street, dans la fameuse fosse où se joue l'économie mondiale, puis devant des écrans durant des heures. Son boulot est épuisant. A quatre heures sonnées, il fonce «au gym» pour éliminer ses toxines et gonfler ses muscles.

A six heures, il est chez lui, à l'angle de la 3e avenue et de 83e rue, dans un appartement qu'il partage avec deux copains. Le jeune homme se change et la vraie vie commence.

Christopher connaît un tas de monde à New York. Mais il n'a pas son pareil pour découvrir le dernier truc à la mode parmi le bouillonnement incessant de cette énorme agglomération : boîtes disco, bowlings, cafésthéâtres, le choix ne manque pas à condition de fouiner. Son flair épate tout ce monde nocturne de yuppies nouvelle vague, les filles en particulier.

L'autre semaine, on lui a dit qu'il existe depuis peu un bar à vins tout à fait original à Brooklyn : le «Bové».

Une agence de voyages

Christopher, dont le meilleur ami d'enfance est français, saisit tout de suite le sens du clin d'il. Le jeune homme qui ne fait jamais les choses à moitié, consulte les renseignements téléphoniques : un José Bové vit effectivement à Brooklyn.

Christopher compose son numéro et demande à lui parler personnellement.

Mais la secrétaire déclare qu'étant sourd-muet il répond uniquement par écrit. Son patron se prétend d'origine française et italienne. Son prénom officiel est Joseph — d'où Jo ou José — et son nom Bove...

qui se prononce en anglais comme Bové. Joseph Bove bénéficie indirectement des retombées du courant lancé par le franc-tireur du Larzac : son agence de voyages n'a jamais aussi bien marché.

Bordeaux, bourgogne et corbières à la carte

Mais Christopher est toujours à la recherche du fameux bar à vins. Il finit par apprendre que le «wine bar» en question s'appelle en réalité le «Roberto Cappuccino Caffe» le jour. Depuis quelque temps, il se convertit en José Bové en fin de journée.

L'établissement tenu par un certain Roberto se situe à quelques minutes à pied du pont de Brooklyn, cette oeuvre d'art mille fois vendue et célébrée.

La clientèle est faite de jeunes qui vivent dans le quartier mais travaillent à Manhattan. Le matin, on y sert crêpes, galettes et beignets de rigueur. Le café vient d'Italie. Le soir, quand le bistro est bondé, 25 personnes bien tassées, vin et bière coulent en abondance.

Mais tout dernièrement, la France est entrée en force dans la carte : des bordeaux, des bourgognes, des champagnes et même des corbières sont en vedette au «José Bové». Les New-yorkais très branchés et à contre-courant en ont fait un point de ralliement. Ils y parlent de tout à haute voix et souvent avec impertinence.

Roberto ne prêche pas dans un désert

Les sujets de discussion tournent actuellement autour de la bataille électorale entre Rudy et Hillary pour la mairie, de Donald Trump et bien entendu des «Yankies», qui dominent le baseball.

Au milieu de ce monde bruyant et rigolard, Roberto ne prêche pas dans un désert : pour lui, ce qu'on mange est encore plus important que ce qu'on respire. Il «éduque» ses clients qui l'écoutent bouche bée.

L'homme possède une longue expérience des métiers de bouche. Formé à la restauration, il fut tour à tour mitron, chef de cuisine, patron et même journaliste spécialisé dans la cuisine.

Mais Roberto, qui manie la langue de Molière et de José Bové avec une certaine aisance, a finalement choisi de s'installer à son compte pour faire ce qui lui plaît et jouir de sa liberté.

Il se rend au travail à bicyclette, ne possède pas de voiture et rêve de visiter le Larzac.

Lorsque le «New York Times» lui consacre sa Une, le bistroquet s'insurge contre les taxes Clinton sur le Roquefort et autres grands produits alimentaires français.

Mais qui garde les moutons?

Roberto s'inquiète même de savoir qui s'occupe de ses moutons quand le vrai José Bové est en croisade.

Roberto Gautier a 53 ans.

Deux fois divorcé, il a deux petits-enfants. Avec un nom pareil, ses origines sont probablement françaises, mais ses ancêtres sont passés par Porto Rico.

La jacquerie levée par José Bové contre McDonald's l'a comblé d'aise. «Ce n'est pas seulement une question de génération, explique-t-il, mais aussi une profonde conviction que l'Amérique se nourrit mal et court à la catastrophe. Au propre et au figuré, nos compatriotes avalent n'importe quoi, ou presque. Un tiers des Américains sont obèses. McDonald's et consorts vont s'arranger pour faire le même sort aux Européens. Heureusement qu'il y en a pour s'y opposer.»

José Bové est invité

Roberto pense que la France et New York méritent mieux. Il n'est pas le seul aux Etats-Unis à prendre le parti de ceux qui dénoncent la «mal-bouffe», les fast-food et l'intrusion des produits génétiques dans les boissons, les céréales et les viandes, notamment. La presse américaine se réveille. Les sites «antigénétique» fleurissent sur Internet.

Roberto Gautier ne connaît pas José Bové et ne l'a jamais rencontré. Il s'est emparé de son nom sans lui en demander l'autorisation, mais il pense que c'est pour une bonne cause et que son héros français ne lui en voudra pas. Le Français doit passer par New York dans quelques semaines lorsqu'il ira à Seattle où se tiendra le sommet du WTO. Roberto l'a invité à venir le voir par médias américains interposés. Il renouvelle son invitation par le biais de «La Dépêche du Dimanche».

Il aimerait tant discuter le bout de gras avec lui dans son bistrot. Ses clients n'en reviendraient pas!

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