Gers. Yvon Montané, responsable de la campagne de Mitterrand en 1981 : « On votait pour le changement et on l’a eu »

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  • Yvon Montané, alors premier édile de Mauvezin, et Claude Bétaille, futur maire d’Auch, escortent le candidat socialiste François Mitterrand lors d’un meeting à Nogaro en avril 1981.
    Yvon Montané, alors premier édile de Mauvezin, et Claude Bétaille, futur maire d’Auch, escortent le candidat socialiste François Mitterrand lors d’un meeting à Nogaro en avril 1981. ARCHIVES - Philippe Bataille
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Benjamin Calvez

l'essentiel Délégué de campagne départemental pour le candidat Mitterrand en 1981, Yvon Montané évoque ses souvenirs d’une élection enthousiasmante, historique… mais vécue dans un climat de méfiance.

La relation de confiance entre l’ancien député-maire de Mauvezin et celui qui a fait basculer la Ve République à gauche pour la première fois est née en 1965. Déjà candidat à l’élection présidentielle, François Mitterrand est alors un modeste challenger face au « mythe » De Gaulle. Il va pourtant créer la surprise en provoquant un second tour. Le Général l’emporte mais le candidat socialiste a marqué des points, notamment dans le Gers, département où il réalise son meilleur score au deuxième tour : 65,24 % des voix !

«Après ce résultat, il était curieux de rencontrer le jeune délégué gersois qui avait organisé sa campagne», se rappelle Yvon Montané. Le professeur d’histoire-géo âgé de 28 ans organise alors une tournée dans le Gers qui passe par Mauvezin, Fleurance, Lectoure, Auch (où les relations sont plus tendues sur fond de rivalité entre radicaux et socialistes), Condom…

L'ancien député-maire de Mauvezin Yvon Montané.
L'ancien député-maire de Mauvezin Yvon Montané. DDM - B.C.

Seize ans plus tard, le Gersois, devenu proviseur du collège Mathalin à Auch, a toujours la confiance de Mitterrand qui s’engage dans une nouvelle présidentielle après deux défaites. «En 1965, l’improvisation était la norme. En 1981, la campagne était beaucoup mieux organisée. Nous avions perdu en 1974 mais l’espoir des militants et des citoyens était formidable. On votait pour le changement et on l’a eu !»

Avec 59 % des voix au second tour dans le Gers (pour un taux d’abstention de 11 %), le candidat socialiste fait moins bien en mai 1981 face à « VGE » qu’en décembre 1965 face à De Gaulle mais le plus important, la victoire, est au rendez-vous. Au grand désespoir de certains officiels… «L’avant-veille de l’élection, je croise le directeur des renseignements généraux à Auch qui me dit : "Vous n’allez pas gagner. Au dernier moment, les Français vont se ressaisir et ne voteront pas à gauche. Je vous joue une caisse de champagne." On a topé mais je n’en ai jamais vu la couleur…», se souvient avec malice l’ancien élu de Mauvezin.

« E tric e trac, lo Giscard es acabat ! »

Le jour de l’élection, une fois le dépouillement achevé dans sa mairie, Yvon Montané se rend en couple à Auch, direction la préfecture. «Nous montons l’escalier qui mène au bureau du préfet. Mon épouse flaire la mauvaise ambiance et préfère redescendre. J’entre et je trouve une dizaine de personnes – le préfet, les deux sous-préfets, des secrétaires et une poignée de conseillers généraux de droite – autour d’un poste de télévision. Silencieux. On aurait dit une veillée funèbre… Je file vite mais je suis rejoint par le sous-préfet de Condom, Kamel Khrissate, équipé d’une bouteille de champagne et de coupes. Nous portons alors un toast au milieu des voitures stationnées dans la cour de la préfecture !»

À 300 mètres de là, la fête bat son plein dans la salle des Cordeliers où sont rassemblés des centaines de partisans du nouveau président, rejoints par le couple Montané. Le vote gascon est symbolisé par l’expression «E tric e trac, lo Giscard es acabat !» («Giscard est fini» au lieu de «l’histoire est finie») «Dans le camp adverse, un certain mépris a persisté pendant longtemps. Beaucoup étaient convaincus que le président Mitterrand ne tiendrait pas 100 jours», se remémore Yvon Montané, qui sera invité à plusieurs reprises à Latché (refuge landais de "Tonton") ou à l’Elysée.

Le préfet du Gers Philippe Kessler bénéficiera, lui, d’un "congé spécial" dès l’été 1981, avant sa retraite en 1984. Et on attend toujours les chars soviétiques du côté du parvis de la cathédrale d’Auch…

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