Mélissa Theuriau : "parfois, un bébé a besoin d'être loin de sa famille pour s'épanouir"

Engagée pour la protection de l'enfance, Mélissa Theuriau produit un documentaire sur les bébés qui vivent en pouponnière. Pour la première fois, le film "Bébés placés, la vie devant eux", diffusé ce 15 novembre sur France 2, raconte leur histoire de leur point de vue de nourrissons, du jour de leur arrivée à leur départ de l'institution.

Mélissa Theuriau : "parfois, un bébé a besoin d'être loin de sa famille pour s'épanouir"
© Marechal Aurore/ABACA

En France, près de 10 000 bébés vivent confiés à l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE). C'est le cas de Basile et Manon, nés sous X et d'Anne-Lise, placée à l'âge d'un an sur décision judiciaire. Dans le documentaire Bébés placés, la vie devant eux, Mélissa Theuriau, la productrice, et Karine Dusfour, la réalisatrice, ont voulu questionner la capacité des enfants à tisser des liens de confiance avec des adultes après une rupture précoce avec leurs parents, en mettant toujours en exergue l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est aussi l'occasion de valoriser les métiers de la protection de l'enfance, dont on parle trop peu et souvent de manière péjorative.

Des premiers jours de vie jusqu'à l'adoption, au cœur du ressenti de bébé

"Moi, c'est tata Simone. Maintenant, c'est moi qui m'occupe de toi. Tous les biberons, le change, le petit bain, c'est avec moi. Tu vas voir, ça va te plaire". Tata Simone, c'est l'assistante familiale qui a été désignée par l'ASE du Val-de-Marne pour prendre soin de Basile, âgé de seulement 8 jours, jusqu'à son adoption"Ils arrivent chez nous en famille d'accueil tout petits, ils ont vécu une séparation. Je fais un relai, je leur donne ce que leurs parents naturels n'ont pas pu leur donner en attendant leurs parents adoptifs. J'essaye de leur donner de bonnes bases et surtout, une profonde confiance en l'adulte", explique-t-elle.

Dès les premières minutes du documentaire, on se place à hauteur de berceau pour observer et comprendre le point de vue de bébé, de ses premiers jours de vie jusqu'à sa protection : par quelles étapes il passe, est-ce qu'il se développe bien, est-ce qu'il peut s'épanouir alors que le lien biologique a été rompu ? "Avec Karine Dusfour, nous sommes très engagées autour de l'intérêt supérieur de l'enfant qui doit primer, et ce, depuis longtemps puisque la déclaration universelle des droits de l'enfant le désigne comme celui vers lequel toutes les décisions doivent tendre, or dans les faits, ce n'est pas le cas", déplore Mélissa Theuriau.

Les parents adoptifs sont choisis en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant

Que l'on adopte un pupille de l'état ou un enfant né à l'étranger, la procédure d'adoption est longue et fastidieuse. En France, le Conseil de famille des pupilles de l'État examine plusieurs dossiers de parents candidats à l'adoption ayant préalablement obtenu leur agrément. Cette demande doit être confirmée tous les ans et réactualisée tous les deux ans. Les parents ne sont pas choisis par ordre d'arrivée, mais bien en fonction des besoins de l'enfant, selon son bilan psychologique, médical et social. Des critères très stricts sont étudiés par le Conseil de famille afin de s'assurer de l'intérêt supérieur de l'enfant : conditions d'accueil, revenus du foyer, âge des parents (ils ne doivent pas être trop âgés), taille du logement, hygiène… Les candidats à l'adoption doivent aussi se soumettre à des évaluations réalisées par un psychologue et un psychiatre. "Ce qui doit dicter les choix du Conseil de famille, c'est l'intérêt supérieur de l'enfant. Comme le précise la directrice de l'ASE dans le documentaire, on n'est pas là pour votre détresse, votre souffrance, votre longueur d'attente ou votre mal d'enfant, ce n'est pas ce qui guidera notre décision. On est là pour le bien de l'enfant, donc on va décider qui seront les meilleurs parents pour cet enfant. Quels sont ceux qui auront la possibilité de mieux l'accueillir, de l'éduquer et de le guider à l'avenir, relate la productrice. 

 Le lien biologique doit parfois être rompu pour le bien de l'enfant

"ll y a encore 15 ans, on ne se préoccupait pas du ressenti du bébé alors qu'aujourd'hui avec les progrès des neurosciences, on est capable d'évaluer comment va un enfant alors qu'il n'a pas encore acquis la marche ni la parole, se réjouit Mélissa Theuriau. Basile est né sous le secret, mais on sent qu'il va se développer de manière joyeuse : il mange très bien, il regarde Simone son assistante familiale, il va aller vers une adoption qui se passe très bien aujourd'hui. A contrario, Anne-Lise qui arrive en placement sans avoir été sécurisée par sa maman, n'a pas le même éveil, il y a déjà un lien brisé de non confiance à l'adulte qui a été abimé". 

Ce documentaire met en lumière le fait que le lien biologique n'est pas forcément ce qui va sécuriser un bébé. "Il faut en finir avec cette idée reçue, parfois un bébé a besoin d'être loin de sa famille pour s'épanouir. Il y a encore beaucoup de juges qui ne veulent pas rompre le lien avec la maman alors même que celui-ci est délétère, toxique ou abimant", regrette notre interlocutrice. Sans donner de leçons ni de commentaires, ce film montre comment un enfant peut s'épanouir une fois qu'il est dans une bulle de sécurité. 

Bébés placés, la vie devant eux, diffusé sur France 2 le mercredi 15 novembre à 23h. Merci à Mélissa Theuriau.