Ali Soumaré : histoire d’un lynchage français

Le parti présidentiel semble bien mal engagé pour les régionales françaises du mois de mars prochain. Alors tous les coups sont permis. Le dernier en date a consisté en une attaque aux relents nauséabonds contre Ali Soumaré, un candidat PS d’origine malienne.

Le candidat PS aux élections régionales a été violemment attaqué par son challenger de droite. © AFP

Le candidat PS aux élections régionales a été violemment attaqué par son challenger de droite. © AFP

Publié le 24 février 2010 Lecture : 3 minutes.

Dans le Val d’Oise (région parisienne), la campagne pour les élections régionales tourne au pugilat. Voire à « l’attentat » raciste dirigé contre Ali Soumaré, candidat tête de liste du Parti socialiste pour les élections régionales du mois de mars, qui a été victime d’attaques ad nominem sur son passé judiciaire supposé. Francis Delattre, le maire de Franconville encarté Union pour un mouvement populaire (UMP, parti présidentiel) a lancé la première salve en qualifiant Ali Soumaré de « délinquant multirécidiviste chevronné » dans un communiqué daté du 19 février.

Selon Delattre, le candidat socialiste, d’origine malienne, aurait été condamné plusieurs fois pour vol aggravé, mais aussi pour conduite sans permis, pour violences ayant entraîné une incapacité temporaire de travail et pour rébellion contre agents de la force publique. Au total, cinq condamnations qu’Ali Soumaré se refuse d’abord à contester. A ce stade, une chose est sûre : les documents que Delattre prétend posséder pour prouver ses dires n’ont pu être obtenus qu’à la suite d’une complaisance policière ou judiciaire…

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Et la polémique enfle, nourrie par les déclarations des plus hauts dirigeants politiques de la droite française. Le secrétaire général de l’UMP Xavier Bertrand estime que le Parti socialiste a toujours « un problème avec la sécurité en France ». Aux critiques qui commencent à essaimer à gauche, le porte-parole de l’UMP Frédéric Lefèbvre rétorque qu’il est « normal » d’exploiter une telle affaire et ajoute que les accusations contre Ali Soumaré sont fondées sur des « documents très précis ».

Des accusations en grande partie fausses

Jusqu’à ce coup de théâtre du mardi 23 février. La condamnation pour «vol aggravé avec violence et usage de carte de paiement contrefaite» évoquée par la droite, concerne en réalité un homonyme d’Ali Soumaré. « Le jugement du 8 février 2007 n’est pas un jugement rendu par le tribunal correctionnel, c’est un jugement rendu par le tribunal pour enfants et il ne concerne pas Ali Soumaré qui est né le 25 décembre 1980 », explique sur l’antenne de France Info la procureure de la République de Pontoise, Marie-Thérèse de Givry. C’est un problème d’homonymie."

Quant à la condamnation d’Ali Soumaré à six mois de prison ferme pour vol aggravé en 2002 – pour des faits datant de 1999 -, elle est bien réelle mais prescrite. En droit français, lorsqu’il n’y a pas de condamnation dans les cinq ans suivant les faits reprochés, la personne est réhabilitée. Et les condamnations passées ne doivent pas être mentionnées dans la sphère publique.

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Pour ce qui est des accusations de conduite sans permis et de violences, le candidat PS les nie purement et simplement lorsqu’il sort de sa réserve, lundi 22 février. « Je n’ai pas été respecté en tant qu’être humain », a-t-il alors estimé. Il va porter plainte pour diffamation dans la semaine, a-t-il déclaré.

L’UMP se divise

C’est alors que l’« affaire Soumaré» se retourne contre ceux qui l’avaient fomentée. À droite, les rangs se divisent, notamment quand Chantal Jouanno, tête de liste UMP à Paris et secrétaire d’Etat à l’Ecologie, estime qu’ « il ne faut jamais juger les personnes qui sont en face de nous mais seulement leur programme et leurs idées ».

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Devant le tollé médiatique suscité par la polémique, Valérie Pécresse enfin, chef de file de l’UMP pour l’Ile-de-France et ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, déclare que l’attaque lancée par Delattre ne correspond « ni à sa conception de la politique, ni à ses valeurs ».

Trop tard : si elle n’était pas au courant des agissements de son collègue, disent les mauvaises langues de l’UMP, cela veut dire qu’elle ne maîtrise déjà plus sa campagne. Et dans les deux cas, c’est une faute qu’elle risque de payer cher. Dans les urnes, d’abord. Et au sein même de son parti, ensuite…

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