Entretien avec Dominique Lecourt, par Grégoire Canlorbe

  À l’occasion de la parution récente de l’essai de Dominique Lecourt sur l’égoïsme, qui consacre de longs développement analytiques à la figure de Ayn Rand, cette interview vous est proposée par l’Institut Coppet en partenariat avec l’Institut Diderot.

  Auteur de plus d’une trentaine d’ouvrages, Dominique Lecourt est philosophe et éditeur, professeur émérite des universités, ancien Recteur d’académie, président d’honneur du Conseil de Surveillance des Presses Universitaires de France (PUF).

  Il dirige aujourd’hui l’Institut Diderot, un think tank dont l’ambition est de favoriser une vision prospective sur les grands thèmes qui préoccupent les sociétés contemporaines.

  Grégoire Canlorbe est un entrepreneur intellectuel. Il réside actuellement à Paris.

  Grégoire Canlorbe : Selon Denis Diderot, les passions sobres sont la marque des hommes communs. À cet égard, vous tenez à rappeler que « le secret de Diderot et de son œuvre » est précisément d’avoir envisagé la philosophie « non comme une discipline universitaire mais comme un art de vivre et de penser » où « passions, sexe et raison s’animent mutuellement ».

  Au plan biographique non moins qu’au plan intellectuel, ici indissociables l’un de l’autre, pourriez-vous expliciter et développer cet aspect décisif de la personnalité de Diderot ?

  Dominique Lecourt : Trois siècles après sa naissance, nous commençons tout juste à prendre la mesure de l’œuvre philosophique de celui que ses contemporains appelaient « le Philosophe ».

  Cette œuvre n’aura longtemps été connue que par fragments, publiés pour l’essentiel à titre posthume. Diderot, dénoncé comme ennemi de la religion, fut emprisonné au Château de Vincennes en 1749. L’intolérance était brutale. D’où sa stratégie de publication et le fait qu’il ait conservé sans les publier la plupart de ses textes. Et ainsi, l’Encyclopédie passa pour sa contribution majeure à la diffusion de « l’esprit des Lumières ». Ses écrits politiques très étendus (de la tyrannie à la démocratie en passant le despotisme éclairé, le colonialisme, l’éducation ou l’enseignement) sont encore très ignorés.

  On a dit qu’il n’avait pas la tête politique. Rien n’est plus faux. Il n’a certes pas rédigé un traité qui puisse formellement rivaliser avec le Contrat social de Rousseau, mais il a mûri une pensée originale dans un dialogue prolongé et passionné avec l’Impératrice de Russie Catherine II, sa bienfaitrice, sur le pouvoir et ses grandes institutions. Ses textes sur l’éducation sont moins connus que le déplorable Émile de Rousseau qui constitue la Bible des « pédagos » avec le résultat déplorable que l’on voit. Relire Diderot sur ces questions ne serait pas du luxe.

  Grégoire Canlorbe : Ces dernières années, vous avez consacré de longs développements critiques au principe de précaution, inscrit dans la Constitution, qui entretient ou aggrave une méfiance pathologique envers l’innovation, désormais sommée d’apporter la preuve qu’elle est exempte de danger. Au risque, pointez-vous, de nous faire renoncer à tout progrès.

  Pourriez-vous revenir sur les grandes lignes de votre argumentaire en faveur de cette perspective iconoclaste ? De quelle manière l’auteur des Bijoux indiscrets vient-il en renfort de votre mise en garde sur ce risque congénital au principe de précaution ?

  Dominique Lecourt : Mon objection à l’usage intempérant du principe de précaution est philosophique. Ce « principe » suppose qu’on connaisse d’avance les risques encourus par une recherche encore à venir ou dans une entreprise non encore engagée. Il permet de dédouaner les politiques de leurs responsabilités et inhibe les industriels. Il est vrai que ce principe présente certains aspects positifs. Mais il a, selon moi, beaucoup d’effets néfastes.

  C’est un principe qui joue avant tout sur la peur. Il met l’accent sur le danger, et non pas sur le bénéfice. Or le risque, se définit comme rapport du danger au bénéfice. On l’a vu avec la remise en question des politiques de vaccination. Le principe de précaution est souvent utilisé par les politiques comme un principe « parapluie ». Pensez aux errements des pouvoirs publics dans l’épisode tragi-comique du vaccin contre la grippe H1N1. Désormais d’une façon générale, l’idée même qu’il puisse y avoir ne serait-ce qu’un seul mort par vaccination est devenue inacceptable pour l’opinion publique. Cela favorise le développement de mouvements anti-vaccination. Nous en paierons les conséquences. Tout cela vient du traumatisme lié à l’affaire du sang contaminé. En France, des ministres ont été poursuivis en justice. Petit à petit, une idée a fait son chemin dans l’esprit des décideurs : quand on touche à la santé publique, on s’expose personnellement.

  Invoquer le principe de précaution permet souvent de faire diversion. Quand on décide de l’appliquer, on lance des recherches pour en savoir davantage sur la causalité des phénomènes considérés. Se pose alors la question de savoir à quel moment on peut dire que les recherches sont suffisantes pour lever une interdiction. Le politique cherche le plus souvent à rassurer la population, l’application du principe de précaution peut avoir l’effet inverse. On l’a vu en 2009 devant la cour d’appel de Versailles. Une personne s’est plainte de problèmes de santé liés à l’implantation d’une antenne-relais pour téléphones mobiles. Elle a réussi à faire condamner l’opérateur alors que l’antenne n’avait pas été branchée. En inscrivant ce principe dans la Constitution, le législateur a voulu calmer les inquiétudes. Mais il n’a fait que nourrir de nouvelles angoisses qui s’inscrivent dans un mouvement de défiance générale à l’encontre des sciences et des technologies. Résultat : jamais la science n’a eu aussi mauvaise réputation.

  Par ailleurs, pensez aux OGM. Les écologistes ont répandu en France la suspicion sur ces innovations et les chercheurs ont vu leur image se rapprocher du docteur Frankenstein plutôt que de la figure de Prométhée, le héros des Lumières. Mais pour nourrir la planète en 2050, on rencontrera beaucoup de problèmes. Essayons de les résoudre en n’écartant aucune piste. Nous, français, étions l’un des pays le plus en pointe dans le domaine des biotechnologies végétales. Aujourd’hui, chez nous, les laboratoires qui s’y consacrent se comptent sur les doigts d’une main. Rassurez-vous, nos chercheurs sont accueillis à bras ouverts par nos concurrents étrangers. Et l’obtention d’un brevet, c’est du business. Nos amis écologistes doivent s’y résoudre.

  Demain, nous serons dans l’obligation d’acheter le produit des recherches d’inventeurs dont nous avons, par nos impôts, payé la formation. Nous étions leader européen en matière d’agriculture. Nous figurons désormais à la troisième place. J’arrêterai-là. Pour répondre à votre interrogation sur l’auteur des Bijoux, je m’y réfère pour son éloge de l’audace intellectuelle et de l’innovation technique. Il est temps de relire Diderot qui défend une vision héroïque de la connaissance, au prix de durs affrontements avec les pouvoirs de l’époque, à commencer par l’Église.

  Grégoire Canlorbe : Par ailleurs, vous avez fustigé la religiosité des partisans de la thèse de l’origine humaine du réchauffement climatique (et de l’instauration d’une gouvernance globale en vue de réaménager les activités humaines dans l’intérêt de la planète). Vous les qualifiez de « messianistes » et jugez que leur esprit d’inquisition n’a rien à envier aux « créationnistes ». À ce sujet, il est bon de se souvenir de la définition de l’intolérance selon Diderot : « cette passion féroce qui porte à haïr et à persécuter ceux qui sont dans l’erreur. »

  Pourriez-vous nous rappeler les raisons essentielles de votre scepticisme envers les prétentions théoriques et normatives du GIEC et la scientificité même de sa démarche ?

  Dominique Lecourt : Je ne remets pas en cause l’existence d’un dérèglement climatique ni le fait que nous saccageons aveuglément notre planète par appât du gain. J’ai écrit cela à la suite d’un article du journal Le Monde. L’auteur de cet article faisait le parallèle entre les climato-sceptiques et les partisans du créationnisme aux États-Unis.

  Deux américains sur trois croient que Dieu a créé l’homme et que la théorie de l’évolution de Darwin est réfutée. Des groupes de pressions militent avec succès pour que l’enseignement de la biologie dans les écoles fasse place à une version du récit biblique comme à une hypothèse scientifique concurrente d’une valeur au moins égale. C’est pure confusion mentale. Nombreux sont les États américains où les militants religieux ont gagné la partie.

  À mes yeux, les deux controverses n’ont rien à voir. La théorie de l’évolution, c’est le socle intellectuel de la biologie contemporaine. La climatologie est une science récente et composite. Elle ne menace la base des sciences physiques. Les deux « théories » n’ont pas la même portée. L’essentiel de la controverse sur le réchauffement climatique ne porte même pas sur la réalité du phénomène. Il s’agit d’une hypothèse scientifique largement admise fondée sur un faisceau d’observations et de calculs même si elle mérite discussion.

  Il a été insinué que le fameux consensus du GIEC a parfois été obtenu par tricheries et pressions. Quoiqu’il en soit, lorsqu’il est impossible de traiter à contre-courant un sujet comme celui-là sans se faire renvoyer de son laboratoire ou de la rubrique météo d’une chaîne de télévision, on peut parler d’intolérance, voire de fanatisme. Ce que je critique chez les partisans du réchauffement, c’est qu’ils semblent placer leurs espoirs dans l’apocalypse pour imposer leur idéologie. En revanche, on envisage rarement les bienfaits éventuels du réchauffement. Mais la logique binaire, le tout blanc, le tout noir, n’existe pas.

  Ces idéologues s’appuient sur l’autorité de la climatologie pour imposer des mesures pratiques concrètes, économiques, fiscales, morales et politiques, visant à modifier nos comportements jusque dans le détail de nos gestes quotidiens les plus anodins. La climatologie est visiblement appelée à devenir une eschatologie ! Avec à la clé une morale imposée.

  Pensez-vous que les pays du Sud acceptent jamais d’adhérer à l’idée de décroissance ? C’est une idée de bobo parfaitement hypocrite observant le monde au travers de son Ipad. Croyez-vous sincèrement que les pays pauvres resteront dans cet état de misère sans réagir ? La globalisation les incite à emprunter le même chemin que nous, avec le risque de rendre la vie humaine franchement invivable. Voyez les mégalopoles chinoises !

  C’est l’idée même de progrès qui est en cause. Il semble qu’on ait perdu de vue jusqu’à son but. Aux yeux des philosophes des Lumières, ce but était la liberté individuelle, par et pour une œuvre collective. Pour les philosophes-ingénieurs de la révolution industrielle, ce fut une organisation rationnelle de la société. D’où une vue de plus en plus étroitement économiste des phénomènes sociaux soumis aux mathématiques probabilistes. L’homme en tant qu’être de désirs, de rêves et de libres inventions a été comme oublié. Le consumérisme aidant, on a voulu le réduire à un être de besoins capable de se muer par le calcul en agent rationnel. Avec la chute du mur de Berlin et la disparition de l’URSS, on a cru que cette vision de l’homme l’avait définitivement emporté. L’histoire était finie, la mondialisation avait accouché de la civilisation ultime, la plus parfaite. Aujourd’hui, c’est cette vision qui à son tour est entrée en crise.

  Voici donc l’histoire à nouveau ouverte sur un avenir. Nous savons désormais que nous ne pourrons pas le connaître et le déterminer intégralement d’avance. Ce qui ne doit pas au contraire nous empêcher d’anticiper, c’est-à-dire de prendre les devants à nos risques et périls. À nous de repenser les bases de l’individualisme et de l’égoïsme à commencer par cette notion d’individualité inventé par Diderot lui-même.

  Si nous voulons changer le mode d’être du consommateur et du citoyen, la peur n’y suffira pas. Ce n’est pas comme cela que nous gagnerons cette bataille. Inventons, créons, innovons et proposons des produits et des solutions durables qui nous permettent de vivre décemment, entre deux guerres, sur cette planète.

 Grégoire Canlorbe : Dans la droite lignée de l’esprit des Lumières, qui tient les rapports de commandement et de soumission, tels que nous pouvons les observer dans la société, pour culturels et factices – et à cet égard, les êtres humains, tels que la nature les a faits, pour égaux et indifférenciés, Diderot s’exprime en ces termes dans son article de l’Encyclopédie dédié à l’autorité politique.Denis_Diderot_111

  « Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d’en jouir aussitôt qu’il jouit de la raison. […] Toute autre autorité [que la puissance paternelle] vient d’une autre origine que de la nature. Qu’on examine bien, et on la fera toujours remonter à l’une de ces deux sources : ou la force et la violence de celui qui s’en est emparé, ou le consentement de ceux qui s’y sont soumis par un contrat fait ou supposé entre eux, et celui à qui ils ont déféré l’autorité. »

  Au XXème siècle, les travaux de Thorleif Schjelderup-Ebbe, zoologiste norvégien qui a découvert le système hiérarchique des poulets, baptisé « ordre de becquetage », et à sa suite, Konrad Lorenz, Robert Ardrey, Irenäus Eibl-Eibesfeldt ou encore Edward Osborne Wilson, qui ont généralisé l’investigation de l’origine génétique et de l’universalité du phénomène de dominance parmi les vertébrés, ont eu raison de ce préjugé culturaliste des Lumières.

  Aussi complexe soit-elle, bien plus que les sociétés animales, la société humaine n’échappe pas à l’instauration naturelle d’un ordre hiérarchique qui fait la force et la cohésion du groupe social – à la condition d’être suffisamment souple pour garantir la permanence de la compétition et l’attribution des postes de commandement à ceux qui ont été désignés par la nature pour les exercer. Dans son traité sur le contrat social, où il prend à partie l’esprit des Lumières, Robert Ardrey rappelle que « rien ne conduit aussi sûrement à la ruine que l’absence de coïncidence entre l’autorité et le caractère alpha. »

  De nos jours, sur cette question du rapport de l’autorité à la nature, Diderot ne manque-t-il pas cruellement d’à-propos, aussi actuel et moderne soit-il par ailleurs ?

  Dominique Lecourt : Diderot se fait de la nature humaine une conception qui lui est propre, inspiré de sa réflexion sur la physiologie de son temps. Selon lui c’est la faiblesse de nos organes qui explique ce qui distingue cette nature de celle des autres animaux. Les neurophysiologistes et les éthologistes d’aujourd’hui ne disent rien d’autre sur l’essentiel. Nous sommes loin de la conception newtonienne de l’individu humain appelé à prendre place dans un système régi par des lois inflexives.

  Plusieurs responsables politiques avancent que la « crise » morale que traverse l’Occident doit être analysée comme une « crise de l’autorité ». Des intellectuels leur fournissent des arguments tirés des sciences humaines. Psychologues, anthropologues et psychanalystes se penchent sur ce nouveau « malaise dans la civilisation ». Enfants rebelles, adolescents suicidaires, adultes immatures et velléitaires sont devenus la cible d’études, de publications, de colloques et de thérapies porteuses d’angoisse garantissant la prospérité du « divan ». Les laboratoires pharmaceutiques et les coachs de tout et de rien ne sont pas en reste et se battent à coup de marketing afin d’« offrir » eux-aussi un semblant de solution à chacun de nos malaises.

  Lorsqu’ils se demandent pourquoi nous avons tous tant de mal avec l’autorité, ils découvrent les traces inégalement profondes d’un unique mouvement de perte. Mais qu’est-ce que l’autorité ? Sans cette qualité mystérieuse, la personne appelée à exercer sur autrui quelque pouvoir n’obtiendrait jamais que celle à laquelle elle s’adresse s’incline devant sa volonté. Le pouvoir sans autorité est faible et générateur de conflits ouverts où la force règne. Parents, enseignants et éducateurs sont les premiers à se plaindre amèrement de cette situation.

  D’un point de vue philosophique, l’histoire de cette perte peut s’illustrer sommairement par trois slogans successifs. Trois étapes de l’expansion d’un « nihilisme » dont nous subissons les dernières conséquences.

  Le premier, « Dieu est mort ! », fut l’emblème des nietzschéens qui dominèrent les années 60. De ce cri rageur, on croit pouvoir déduire que tout est permis. Toute autorité est perçue et dénoncée comme arbitraire. Plus d’Auteur (de l’univers), plus de transcendance, plus de hiérarchie. Ce n’est pas l’ordre, mais plutôt le désordre qui est créatif. La transgression individuelle est porteuse de liberté et non l’action collective guidée par la raison. Les enfants d’après-guerre narguent méchamment leurs parents ; ils jubilent de la déroute des bonnes manières et des règles académiques.

  Vient ensuite le second, « Marx est mort ! », qui s’impose dans le reflux des événements de 68, tout au long des tristes années 70. Ironie boudeuse inspirée par la désillusion de jeunes gens qui avaient fini par frôler le terrorisme. Désormais, la référence historique, dialectique, ne garantit plus le sens de l’aventure humaine. Plus d’Esprit pour assigner à la marche du monde un sens progressiste. Plus de prolétariat menant « scientifiquement » au bonheur de la société sans classe et à l’apparition d’un « homme nouveau ».

  Arrive enfin le troisième slogan qui vient couronner le mouvement impulsé par les deux premiers. C’est la désormais fameuse « mort de l’homme » popularisée par Michel Foucault qui entendait tirer les conclusions positives de la déroute du marxisme en dégageant les présupposés métaphysiques de l’ascension des sciences humaines. Si l’homme n’a été qu’un éphémère visage tracé sur du sable, comment les individus vivants que nous sommes vont-ils vivre leurs vies ?

  Sans recours à aucune transcendance, va-t-on trouver dans l’individualisme de masse les nouvelles sources de l’autorité ? On peut craindre que le conformisme de l’homme moyen qui souhaite, avant tout le monde, se comporter comme tout le monde n’ouvre sur un nouvel autoritarisme de l’opinion et du politiquement correct.

  Enfin, pour vous répondre sur un point essentiel. Y-a-t-il un préjugé culturaliste des Lumières ? Je suis plutôt gêné pour ma part par le naturalisme qui affecte la conception de la nature portée par la plupart de ces philosophes. Je ne souscris pas à la notion d’ordre à laquelle ils se réfèrent. En définitive, c’est à la génétique, alors naissante, qu’invoquent les éthologistes. Mais admettre un « ordre naturel » à la base du Contrat social, c’est accepter la problématique du Contrat. Quand donc va-t-on se débarrasser de ce mode de penser.

  Quel étrange malentendu que d’assimiler Rousseau à la philosophie des Lumières ! Je ne crois pas innocent que Robespierre ait eu Rousseau pour idole. Et j’imagine que les bases de la pensée libérale authentique ne sont pas à rechercher de ce côté. Diderot avait raison de rejeter la conception de la société humaine qui l’assimile à un « troupeau de bêtes ». Qui dit troupeau, dit ordre. Mais pas de troupeau sans berger, ni chiens bien dressés. Pas d’ordre sans commandement ! Diderot, à la différence de ses contemporains des Lumières, récuse le tour de passe-passe du Contrat qui fait advenir mythico-magiquement la supposée volonté générale pour fonder une hiérarchie sociale. Mais, le mot même de hiérarchie renvoie à un ordre sacré. Ce que Diderot n’accepte pas.

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  Grégoire Canlorbe : En ce qui concerne ses positions en économie politique, au moins pendant une partie de sa vie, Diderot serait très certainement classé aujourd’hui comme un « libéral radical » ou « libertarien », aux côtés du fondateur de Wikipédia, Jimmy Wales, des habitués du Mont-Pèlerin ou de l’intellectuelle américaine Ayn Rand, à qui vous avez justement consacré un ouvrage récent.

  L’amant de Sophie Volland ne faisait pas mystère de son admiration pour l’économiste libéral Mercier de la Rivière, auteur de L’Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, paru en 1767, qu’il tenait pour « l’apôtre de la propriété, de la liberté et de l’évidence ; de la propriété, base de toute bonne loi ; de la liberté, portion essentielle de la propriété, germe de toute grande chose, de tout grand sentiment, de toute vertu ; de l’évidence, unique contre-force de la tyrannie et source du repos. » Autant d’exclamations qu’Ayn Rand n’aurait pas reniées.

  L’adhésion de Diderot aux principes libéraux, conforme ici encore à l’esprit des Lumières, est telle qu’il paraît surprenant que l’article sur l’économie politique ait été confié à Rousseau, qui non seulement évoque assez peu les lois du commerce dans son texte mais prend le contrepied du libéralisme affiché par Diderot et les rédacteurs de l’Encyclopédie en général.

  Comment expliquer, selon vous, cette décision de prime abord curieuse de la part de Diderot et d’Alembert ?

  Dominique Lecourt : En recourant à l’intertextualité, l’« Encyclopédie », disent certains, anticipe Internet, Wikipédia. Cette dimension est effectivement présente dans la primauté accordée par Diderot non pas à l’ordonnancement des matières, mais aux renvois d’un article à l’autre, d’une notion à l’autre. Le rapprochement avec Wikipédia pourtant a ses limites. L’œuvre des encyclopédistes a une visée critique radicale ; elle entend « changer la manière ordinaire de penser ». Wiki a un objectif plus informatif gratuit et pédagogique.

  Les spécialistes discutent depuis des lustres sur la question que vous me posez sur l’article « économie politique ». N’oublions pas qu’à article de Rousseau, les directeurs de l’Encyclopédie en ont adjoint un autre « Œconomie » dont l’orientation philosophique, physiocratique, est bien différente de celle du premier. Rousseau propose un modèle domestique de l’économie d’origine aristotélicienne qui se caractérise par une production d’autosuffisance, un faible niveau d’échange et une utilisation raisonnée de la monnaie. C’est tout le contraire de ce que propose Quesnay dans le sien.

  Diderot dénonçait la dérive individualiste, égoïste, qu’emportait la conception de l’individu souverain, à la base de l’économie politique libérale naissante, sorte d’atome social qui entrait en société selon les modalités diverses du pacte social de Hobbes à Locke ou à Rousseau. Par ailleurs, il ne voyait pas dans la raison une faculté particulière qui s’affinerait par exclusion de ce qui n’est pas elle. Pour lui la déraison appartient à la raison.

  Aussi ne pensait-il pas comme Condorcet, que l’extension des démarches de la raison du domaine des sciences physiques à celui de la vie des hommes en société pût les délivrer de leurs passions et faire régner la concorde.

  Grégoire Canlorbe : À première vue, Ayn Rand et Alain Badiou ont philosophiquement peu en commun, la première citant volontiers Aristote comme précurseur, là où le second se réclame pour sa part de Platon. En y regardant de plus près, les similitudes entre les deux idéologues s’avèrent pourtant plus fondamentales que ce point de divergence apparent.

  Tous deux tiennent l’être humain pour né tabula rasa et méprisent à cet égard la biologie évolutionnaire. Tous deux conçoivent l’hédonisme au sens large, le souci de satisfaire ses appétits émotionnels, du rouge-à-lèvres Marionnaud aux playmates, comme une perversité qu’il convient d’éliminer par la discipline philosophique. Tous deux fondent leur réflexion sur les mathématiques : dans le cas de Badiou, au plan ontologique, les mathématiques relevant selon lui de la voie royale vers la connaissance de l’être ; dans le cas de Rand, au plan épistémologique, le processus de formation des concepts passant à ses yeux pour un processus essentiellement mathématique. Il n’est probablement pas besoin de préciser leur commune adhésion au matérialisme athée et au projet fort peu aristotélicien de concevoir a priori l’organisation idéale des affaires humaine.

  En tant que familier de Badiou et exégète de Rand, comment résumeriez-vous les vices et mérites respectifs de leurs deux philosophies ? Que peuvent-elles s’apprendre l’une à l’autre ?

  Dominique Lecourt : À vrai dire, je ne connais pas assez l’œuvre de Badiou pour vous répondre. Je l’ai peut-être rencontré trois fois dans ma vie. Ce qui est peu pour établir des rapports de « familiarité ». Son mathématisme ne m’a jamais attiré. En revanche, Ayn Rand a été pour moi une incitation à repenser l’individualisme.

  Il serait grand temps que nous découvrions en France son œuvre monumentale au-delà des cercles spécialisés. Elle a exploré, pendant des décennies, des voies pour surmonter la crise morale du capitalisme. Elle a su distinguer entre le mauvais égoïsme plein de jalousie dans la compétition sociale et le bon égoïsme, celui de tous les rebelles de la Terre, qui refusent de se soumettre aux valeurs imposées par autrui. Moyennant quoi, elle a été toute sa vie en butte aux critiques des conservateurs de la droite traditionnaliste américaine alors qu’elle même pourfendait les progressistes partisans de l’État Providence.

  Exilée aux États-Unis au début de la période stalinienne, Ayn Rand s’est fait connaître comme une farouche opposante à tout ce qui se rapprochait du marxisme. Elle s’était longtemps interrogée sur les raisons pour lesquelles les intellectuels américains n’avaient d’abord prêté aucune attention aux sinistres réalités du régime soviétique qu’elle avait décrites. Elle s’était acharnée pendant plus de vingt ans à les alerter sur les dangers que leur complaisance faisait courir aux pays de la liberté. En vain.

  À la fin des années 1950, elle avait enfin remporté un succès immense en appelant les américains à retrouver le sens émancipateur qu’avait l’individualisme chez les Pères Fondateurs des États-Unis. Elle pourfendait l’altruisme comme une variante du collectivisme puisqu’il s’agit toujours d’ériger un être supérieur devant lequel s’incliner (Dieu, le Veau d’or, le Parti, la Race). Ce renoncement à soi a privé des centaines de millions d’êtres humains de liberté individuelle.

  Mais s’affirmer comme un individu ne va pas de soi. Une longue histoire chaotique a été nécessaire pour que puisse advenir la forme de l’individualité que nous connaissons aujourd’hui. J’entends par là l’idée que chacun se fait de lui-même comme d’un être unique.

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Alain Badiou (1937 – …) – Ayn Rand (1905 – 1982)

  Grégoire Canlorbe : Depuis la Révolution Française, il est de bon ton parmi les milieux intellectuels, politiques et journalistiques de fustiger l’évolution juridique et morale de la société occidentale.

  En l’absence des solidarités organiques propres à l’ordre aristocratique, les eaux froides et impersonnelles du commerce s’emparent, dit-on, de tous les rapports humains. L’esprit mercantile, loin de rapprocher les hommes, les place les uns à côté des autres, sans lien commun qui les retienne (au-delà du cercle étroit de la famille et des amis). Absorbés dans leur jouissance des biens matériels, les individus perdent non seulement le sens de l’honneur et des grandes entreprises, le goût de l’infini, mais tout attachement pour la chose publique – et à cet égard, paradoxalement, pour la défense collective de cet individualisme juridique et moral.

  L’égoïsme commercial érigé en norme, la liberté se résume aux yeux des citoyens comme le droit de poursuivre comme ils l’entendent leurs satisfactions matérialistes et consuméristes. Cette conception de la liberté, que d’aucuns présentent (à tort ou à raison) comme « libérale » se substitue, déplore-t-on, à toute compréhension de la liberté comme participation active à la vie publique (en vue de mener à bien quelque projet commun que ce soit).

  Ce procès moral est-il pertinent à vos yeux ?

  Dominique Lecourt : Il m’est difficile de répondre brièvement à votre question. Je prends un biais dont vous déchiffrerez facilement l’intention. Chaque élection d’un nouveau président des Etats-Unis est l’occasion de remettre sur la table la question de la détention personnelle des armes à feu. Chaque tragédie relance le débat. Dernière lui, en arrière-fond se pose la question du rapport de l’individu avec l’État en général. Il semble que le peuple français ne puisse pas entrer dans la logique de la défense individuelle cependant que les citoyens américains, eux, se font une idée de la liberté individuelle qui implique la possession d’armes à feu.

  Grégoire Canlorbe : Récusant à son insu les prétentions affichées par le transhumanisme quelques décennies plus tard, Ayn Rand estime qu’« un robot immortel et indestructible n’aurait rien à gagner ou à perdre ». À ses yeux, seul un organisme vivant a la capacité d’agir par lui-même et de se donner un objectif. Une machine ne saurait être capable de se donner une fin et de poursuivre sa réalisation. Autrement dit, une machine humaine, un cyborg, est une impossibilité logique.

  En tant que commentateur philosophique du discours transhumaniste, quel regard portez-vous sur l’avis tranché d’Ayn Rand ? Diriez-vous que Diderot a un éclairage plus pondéré et plus pertinent à offrir sur le sujet ?

  Dominique Lecourt : Je partage son avis tranché, même si le recours à l’impossibilité logique ne me paraît pas la meilleure voie pour l’établir.

  Lorsque j’ai écrit Humain post-humain (2003), le mouvement du « post-humanisme » ou du « transhumanisme » était encore mal connu en France et, plus généralement, hors des États-Unis. Une abondante littérature lui a, depuis, été consacrée, cependant que les « biocatastrophistes » et les « technoprophètes » que je mettais en scène poursuivaient leurs routes. J’avais voulu souligner les bases philosophiques incertaines de ce mouvement de pensée par une discussion du concept classique de nature humaine, dans le droit fil de Contre la peur (1990) et Prométhée, Faust, Frankenstein : Fondements imaginaires de l’éthique (1996) mais j’avais tenu aussi à montrer les conséquences politiques directes et violentes de la technophobie radicale qui traverse le monde occidental depuis le tournant des années 1970.

Theodore_Kaczynski  J’ai rajouté dans l’annexe à la seconde édition une étude sur Unabomber, le mathématicien Theodore Kaczynski adepte de la désobéissance civile qui avait, par lettres piégées, tué ou blessé, de 1978 à 1995, seize de ses collèges coupables à ses yeux de contribuer à la dévastation de la planète. Le manifeste contre la société industrielle dont il avait, par chantage, imposé la publication au New-York Times et au Washington Post à partir de septembre 1995, m’avait semblé digne d’une analyse méticuleuse. Loin d’être l’œuvre d’un fou, comme le jugeait plus d’un commentateur, il s’agissait d’une construction intellectuelle mûrement réfléchie exposant une conception du monde relevant d’un anarchisme radical mais élitiste, puisque visant au premier chef les « leftists ». Kaczynski est désormais une référence culturelle (séries, films etc.). Et pour l’extrême gauche et les mouvements écologistes radicaux, il n’est pas que référence culturelle.

  Aujourd’hui, plus encore qu’hier, l’humanisme semble menacé par l’exécration de la technologie que professent certains mouvements de l’écologie politique. L’activisme écologiste tend en effet à se radicaliser. Nombreux sont les militants qui se regroupent autour du concept de décroissance, qu’ils préfèrent désormais à celui de développement durable. C’est l’idée même de développement avec sa tonalité progressiste qu’ils récusent. La croissance rencontrerait sous nos yeux « les limites de la planète ». La décroissance serait un fait. Catastrophes écologiques, épuisement des ressources naturelles et bombe démographique en apporteraient la preuve.

  Notre vision de l’histoire et nos raisonnements économiques devraient sans tarder prendre acte de ces périls. Une morale s’en déduit aussitôt avec pour maîtres-mots sobriété, frugalité, modération. Une politique s’ensuit qui annonce la fin de l’ère du travail, la faillite de la société de consommation, à terme l’abolition des rapports marchands et de l’argent. Voici la décroissance devenue une valeur.

  Cet utopisme renouvelle une part du vieux fonds socialiste des siècles précédents. Il s’exprime par églogues et récits bucoliques de tonalité rousseauiste ou romantique. On ne saurait surestimer le pouvoir de séduction de ces fables. Bien au-delà des cercles de l’écologie politique, elles nourrissent une idéologie qui s’est insinuée dans tous les pores des sociétés industrielles développées. Le paradoxe veut ainsi que nos contemporains se ruent sur les produits de la technologie la plus avancée pour mieux dénoncer la « civilisation scientifique et technique » comme mortifère.

  Mais il ne faut pas prendre tous les militants pour de doux rêveurs. Nombre d’entre eux poussent à l’extrême la logique de leur engagement. Ils s’en prennent à l’industrie comme à la figure contemporaine du Mal – du nucléaire à l’agroalimentaire en passant par les laboratoires pharmaceutiques. Derrière l’industrie, c’est la science qu’ils visent. Ils dénoncent la mauvaise foi de ses « experts » esclaves consentants de leurs financements. Ils exècrent ses chercheurs animés, selon eux, par un prométhéisme démoniaque particulièrement nocif lorsqu’il s’agit de biologistes. Ils tiennent la science pour une « construction sociale » parmi d’autres.

  Derrière la science, c’est une certaine tradition philosophique occidentale qu’ils mettent en question. Ils se gaussent du « scientisme » et du « positivisme » des savants qui promettaient à l’humanité un avenir radieux. Ils remontent jusqu’aux présupposés du rationalisme classique, celui de Francis Bacon comme celui de René Descartes. Ils récusent leur ambition de soumettre par la science la nature au pouvoir de l’être humain. Et comme c’est en définitive le Dieu de la Bible, bien avant nos philosophes, qui est réputé avoir assigné à l’homme la mission de dominer les autres espèces, il ne manque pas d’écologistes politiques pour s’en prendre aux racines « judéo-chrétiennes » du rationalisme moderne. Ils ouvrent ainsi la voie à un périlleux renouveau du paganisme.

  Internet aidant, ces spéculations accompagnent des pratiques de plus en plus violentes. Un certain autoritarisme vert s’exerce au nom de la planète sur la vie quotidienne de chacun. Mais les plus fanatiques peuvent aller jusqu’au terrorisme pur et simple. Pour eux, l’humanité serait « la pire des espèces que la Terre ait portée » ; selon un schéma emprunté au mouvement post-humaniste, il prône le renoncement à toute procréation et proclame que « l’avenir n’a pas besoin de nous ».

  Pour vous répondre enfin sur Diderot, il invite ses lecteurs à redécouvrir les valeurs d’un humanisme qui ne se résume pas à forger l’image d’un homme abstrait identifié à l’individu égoïste de la pensée libérale classique. La raison qu’il promeut n’est pas un trésor de certitudes ; c’est la dynamique du doute et de la rectification des erreurs qui la définit.

  Pas plus qu’il ne saurait renoncer à la croissance de ses connaissances sans se renier lui-même, l’homme ne peut se satisfaire d’un rétrécissement de son être au nom de lois économiques. C’est l’honneur du genre humain que d’avoir saisi, par réflexion sur sa condition, qu’il ne saurait répondre à son insatiable et mystérieux désir de se dépasser lui-même sans le partager avec ses semblables.

  Dans l’état de crise où nous nous trouvons, c’est par un effort d’investissement massif dans la recherche et l’innovation que l’humanité aura chance de se tirer de la mauvaise passe où certains voudraient la voir se complaire. Sciences humaines et sciences dures y trouveront le motif d’un profond renouvellement épistémologique et d’une coopération inédite pour le plus grand bien de la nature et de la société !

   Grégoire Canlorbe : Notre entretien touche à sa fin. Aimeriez-vous ajouter quelques mots

  Dominique Lecourt : Le long chemin auquel vous m’avez invité à vous accompagner fait apparaître « la » question cruciale de la philosophie politique moderne. Je la formulerais volontiers sous la forme d’une alternative : Rousseau ou Diderot ?

  On les présente comme deux amis proches qui auraient rompu pour des raisons personnelles. Leur regroupement dans le grand sac de la « philosophie des Lumières » me paraît gravement illusoire. C’est une alternative entre deux lignes de pensée qui s’impose à nous.

  Dès 1749, Rousseau prononce un véritable réquisitoire contre l’esprit scientifique, qui va à l’encontre du programme de l’Encyclopédie. Sur ce point fondamental, se découvre une opposition philosophique radicale entre les deux pensées. Curieusement, Diderot ne dit rien de cette opposition jusqu’en 1757. Les commentateurs ont relevé la fameuse déclaration « Oui Monsieur Rousseau, j’aime mieux le vice raffiné sous un habit de soie que la stupidité féroce sous une peau de bête ». L’opposition des deux pensées autant que le conflit des deux personnes s’est aggravée au fil des ans.

  On ne peut sans grave malentendu présenter les deux œuvres comme des variantes d’une même philosophie. La lignée de Rousseau mène à l’écologisme et au pédagogisme porteur d’un égalitarisme suicidaire. Celle de Diderot refuse par avance le scientisme du XIXème, affiche un athéisme militant, sans céder à la tentation du mécanisme de réduire l’homme à une machine.

  Sommes-nous condamnés à inscrire nos pas dans ceux de Rousseau ? Devons-nous cultiver un égalitarisme mortifère, un amour éperdu de la solitude, le culte d’une nature sacralisée ? Bien des maux dont nous souffrons aujourd’hui trouvent leur origine dans ce rousseauisme de pacotille. Non sans équivoque, nombre de philosophes des Lumières se sont présentés comme des disciples ou des admirateurs du « citoyen de Genève », combinant leur rationalisme à ses convictions éthiques. Fausse alternative !

  Diderot, lui, ouvrait une autre voie, accueillant avec joie toute invention porteuse d’avenir, toute pensée nouvelle imaginative. C’est la seule opposition véritable au pessimisme noir, religieux ou non, qui nous assaille.

huber

Le dîner des philosophes, 1772, par Jean Huber (1721 – 1786)

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