Jeunes socialistes. Le MJS tient son congrès, ce week-end. Son président sortant, Benjamin Lucas, revient sur deux ans de tentatives pour faire pencher l’exécutif socialiste à gauche.
Vous êtes arrivé à la tête du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) fin 2015, période où l’exécutif était exposé aux foudres de la gauche. Le mouvement a été très critique, au point d’appeler à manifester contre la loi El Khomri…
Benjamin Lucas Dès mon premier bureau national, en janvier 2016, un mois après mon élection, j’ai dû monter au créneau sur la déchéance de nationalité… avant d’aller expliquer, sur la loi travail, la hiérarchie des normes à des socialistes qui ont pourtant beaucoup plus d’expérience que moi. Si, pendant deux ans, le MJS avait avalé des couleuvres, je pense qu’il n’existerait plus. Nous serions tous partis, et moi le premier. Le choix du congrès de 2015 était d’assumer nos divisions et nos débats avec le reste de la famille socialiste et le gouvernement. Avant, nous étions dans une démarche de « soutenir en poussant ». Là, nous disions qu’il était impossible de soutenir ces mesures, qui sortaient de notre ADN politique.
Comment avez-vous vécu d’être au MJS avec un parti père au pouvoir ?
Benjamin Lucas Il existe deux dimensions : celle d’avoir son parti au pouvoir et celle où, au pouvoir, son parti « déconne à pleins tubes ». Avant de lancer sa parenthèse de la rigueur, Mitterrand avait établi la retraite à 60 ans, aboli la peine de mort et augmenté le Smic. Là, au bout du compte, le bilan est négatif. Au-delà du mariage pour tous et de la garantie jeunes, c’est la première fois que, en arrivant au pouvoir, on ne réduit pas le temps de travail et qu’on n’applique pas une politique en faveur de l’augmentation du pouvoir d’achat des plus modestes. C’est une trahison de nos électeurs, de notre histoire et de nos valeurs. De plus, après cela, c’est la défaite assurée : nous pouvons trouver le meilleur candidat et changer d’orientation, il n’en reste pas moins que, pour les citoyens, le PS ne fait plus partie du paysage. Au MJS, nous pâtissons de cette étiquette, parce que le socialisme a été instrumentalisé et dévoyé par des personnes qui ne l’étaient pas ou plus. Preuve en est aux législatives, les électeurs n’ont pas fait la différence.
À quel moment a débuté votre désillusion ? Et comment sortez-vous de ces deux ans ?
Benjamin Lucas La synthèse au PS a été cassée par l’homme de la synthèse, François Hollande, lorsqu’il a placé Manuel Valls à Matignon. À partir de ce moment-là, j’ai eu le sentiment qu’on ne parlait plus la même langue. Car, il n’est plus simplement question de savoir où placer le curseur, mais de culture politique. Cela m’interroge sur mon propre engagement et sur les limites de l’action dans un cadre comme celui-ci. Car, nous avons été entendus en dehors de la famille socialiste (nous, nous pouvons encore retourner en manifestation sans nous faire insulter !) mais pas dedans. Sur douze années à l’aile gauche du PS, ai-je empêché ou contribué à empêcher le désastre ? Non.
Dans les années 1990, Michel Rocard donne l’autonomie au MJS. Avec Roxane Lundy, pressentie pour reprendre la présidence, vous avez quitté, il y a deux semaines, le conseil national du PS car cette autonomie a été de nouveau remise en question…
Benjamin Lucas Rachid Temal a évoqué la possibilité d’arrêter d’externaliser la question de la jeunesse au MJS. Heureusement qu’elle l’est : le parti n’a pas travaillé sur cette question, tout juste a-t-il émis la proposition réactionnaire du service national obligatoire. Après cet épisode, nous avons appelé les candidats à la direction du PS à garantir cette autonomie, et seuls Stéphane Le Foll et Olivier Faure n’ont pas répondu… Au-delà des insultes de certains socialistes en conseil national ou dans les médias, Jean-Christophe Cambadélis m’a menacé plusieurs fois de me déloger de mon bureau ou de couper nos subventions. Cela ne nous a jamais empêchés d’émettre des critiques. Au contraire, pour nous, cela démontrait qu’on visait juste.
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