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La chute du mur de Berlin

Dans l’Humanité du 11 novembre 1989, neuf pages sont consacrées à l’événement de portée mondiale, en s’appuyant sur les reportages des envoyés spéciaux en RFA et en RDA.

Le 9 novembre 1989, dans la confusion, le mur de Berlin s’écroulait. Construit en pleine guerre froide comme symbole et moyen de la rupture entre deux blocs, entre deux systèmes, il ne résiste pas au souffle de l’exigence démocratique. Avec le mur de Berlin, c’est bientôt toute la RDA qui sera absorbée par la RFA.

Les dirigeants communistes allemands de RDA paient leur refus des réformes et leur hostilité à la perestroïka. Quelques semaines auparavant, pourtant, Erich Honecker, au pouvoir depuis 1971, a été remplacé par Egon Krenz, que certains voient comme un Gorbatchev allemand. Ce changement à la direction du SED – le parti qui dirige la RDA – n’est pas suffisant et les manifestations populaires se multiplient. Les contestataires clament « nous sommes le peuple », comme l’a fait l’écrivaine Christa Wolf, le 4 novembre. Ils n’exigent pas la réunification mais la démocratie et, en même temps, ils veulent pouvoir se déplacer librement à l’Ouest.

Le journal n’est pas que l’organe du PCF, c’est aussi un journal avec des journalistes qui font leur travail

Dans la nuit du 9 novembre, donc, un dirigeant est-allemand annonce que les citoyens de RDA peuvent immédiatement franchir la frontière. Dès la nouvelle connue, des milliers de Berlinois se précipitent vers le mur. La police, qui n’a pas reçu d’ordres, laisse faire. Débute alors un processus qui va conduire à la réunification allemande. C’est ce que nous savons aujourd’hui, mais quand l’Humanité traite de cet événement, on n’en est pas là.

Dans son éditorial, le directeur du journal, Roland Leroy, apporte son soutien à la décision gouvernementale en y voyant une révolution dans la révolution. Le journal publie aussi une lettre de Georges Marchais à Egon Krenz qui va dans le même sens. Mais l’Humanité n’est pas que l’organe central du PCF, c’est aussi un journal avec des journalistes qui font leur travail : la une, neuf pages sur vingt-quatre sont consacrées à l’événement, plus une dixième à la situation en Bulgarie. On peut lire des articles du correspondant permanent à Berlin-Est, de deux envoyés spéciaux, l’un en RDA, l’autre en RFA.

Dans son article sur un meeting organisé par le Parti communiste allemand, Yves Moreau, envoyé spécial, laisse la parole à des participants et l’on peut se rendre compte des débats qui se déroulent (voir ci-contre). L’événement s’est produit dans la nuit du 9 novembre, il est donc normal que cela soit le journal du 11 novembre qui en traite. L’angle des journalistes est de montrer que l’événement correspond à la volonté de la nouvelle direction est-allemande de s’inscrire dans les réformes lancées par Gorbatchev, et que c’est le parti de RDA qui en a pris la décision. La page 2 est ainsi consacrée à un meeting de plusieurs milliers de militants communistes allemands. On perçoit quand même dans l’article qu’il y a débat en Allemagne sur le rythme des réformes. Dans cette livraison du journal – signe malgré tout d’une difficulté–, pas de témoignages de manifestants ou d’Allemands autres que ceux qui participent au meeting du SED. Pour parer à l’anticommunisme et à la pression politique concernant la réunification, le journal met en avant Jean-Claude Gayssot, qui dit être un communiste heureux, et, surtout, cite Daniel Cohn-Bendit affirmant qu’il ne fallait pas parler de réunification, que l’essentiel n’était pas là.

Cette confiance de l’Humanité et des dirigeants communistes français prend racine de manière contradictoire dans les liens historiques qui lient les deux partis. Depuis les années 1920, le PCF et le Parti communiste allemand sont en concurrence au sein du communisme international. Le parti allemand avait été montré en exemple au moment de l’orientation classe contre classe ; le parti français, au moment du Front populaire. Mais il n’y avait pas que de la concurrence, il y avait aussi de la solidarité. Ainsi, nombre de dirigeants communistes allemands ont trouvé refuge en France dans les années 1930 après la prise du pouvoir par Hitler et leur bureau politique en exil a pu se réunir à Ivry, la ville de Georges Marrane et de Maurice Thorez. Communistes allemands et français se sont aussi retrouvés dans les camps de concentration, notamment à Buchenwald, et ont ensuite toujours entretenu des relations fortes et donc de confiance. Le PCF a ainsi toujours soutenu la RDA et ses dirigeants. Cela n’a pas empêché les désaccords, mais la solidarité fut constante. Or, malgré ce qu’il a été écrit, le PCF a soutenu la perestroïka, et a donc été gêné par l’attitude d’Honecker, qui fut, c’est le moins qu’on puisse dire, hostile aux réformes venues d’URSS. J’ai moi-même été journaliste à l’Humanité pendant l’année 1989 et je peux témoigner que la rédaction dans son ensemble soutenait le processus de réformes. Nous voulions y voir une chance pour la construction du socialisme. L’attitude de la direction d’Honecker, en freinant les réformes, a empêché que la RDA, qui était un des pays socialistes les plus développés et où le communisme avait un sens historique – l’influence de Die Linke encore aujourd’hui le démontre –, ne porte une immense responsabilité dans l’échec final. Le communisme en RDA n’était pas qu’une dictature imposée. Il y avait les forces pour un socialisme démocratique. Face aux blocages et à l’immobilisme, les puissances réactionnaires en Allemagne et dans le monde ont pu ainsi trouver l’espace pour imposer un capitalisme sans limites dans lequel nous vivons aujourd’hui. Je reste persuadé qu’une autre histoire aurait pu s’écrire et, en cela, l’Humanité du 11 novembre 1989 témoigne de ce qui était encore possible.


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