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Hommage à Michel Vovelle

L'historien de la Révolution française Michel Vovelle, professeur émérite à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, est mort le 6 octobre 2018, à l'âge de 85 ans. Son ancien élève, notre collaborateur Olivier Coquard, lui rend hommage. © Hubert RAGUET/GAMMA

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Publié le 8 oct. 2018 à 09:59Mis à jour le 8 oct. 2018 à 10:51

Il fait partie de ces universitaires de très haut vol dont la dignité consiste à offrir à tous les savoirs les plus récents, les plus pointus, les plus riches. Cette dignité passait par l’inlassable envie d’explorer tous les terrains à la fois de l’histoire et de sa transmission. Tous les terrains de l’histoire : après avoir été formé par Ernest Labrousse à l’histoire quantitative et sérielle la plus austère, le jeune et brillant normalien agrégé se tourna, à la fin des années 1960, vers une histoire alors à construire, celle des mentalités. Il se pencha vers la question de la piété dans la Provence du XVIIIè siècle, avant de devenir l’un des fondateurs de l’histoire de la mort en Occident : La mort en Occident de 1300 à nos jours paru en 1983 devint immédiatement une œuvre de référence. Il y croisait toutes les sources, il retrouvait l’image de ce qu’était la mort dans toutes les classes sociales, appuyé sur un impressionnant bagage d’ex-votos, d’œuvres littéraires, d’inventaires notariés ou de pièces musicales… Parallèlement, il devint l’un des meilleurs spécialistes de la Révolution française. Succédant à Albert Soboul à l’Institut d’Histoire de la Révolution Française, il dépoussiéra, « de la cave au grenier » l’approche de la période, brisant les barrières chronologiques, les tabous qui empêchaient les historiens marxistes de s’intéresser à la culture ou aux faits politiques, réfléchissant la notion de « mentalité révolutionnaire » ou réinventant l’histoire de la relation entre la Révolution et l’Eglise. Il fut l’infatigable animateur des commémorations du bicentenaire de la Révolution française, partout présent, du collège du Pas-de-Calais à l’Université de Pékin, des débats télévisés aux revues les plus savantes. Il sut transmettre l’image d’une révolution féconde malgré les douleurs, d’une révolution agie par le peuple malgré l’ombre des grands hommes, d’une révolution profonde malgré ceux qui en contestaient la réalité. Il défendit avec vigueur et succès l’histoire révolutionnaire contre les mythologies monstrueuses ou contre les dénégations méprisantes et ses débats, en particulier face à Pierre Chaunu ou François Furet, restent des moments de très productive réflexion historique, parfois portée devant des millions de téléspectateurs. Il fut enfin un très grand professeur et le soutien sans faille ou le maître d’une génération d’historiens de la Révolution et des Lumières, d’Antoine de Baecque à Guillaume Mazeau, de Jean-Clément Martin à Hervé Leuwers ou Philippe Bourdin. Michel Vovelle, au-delà d’être notre directeur, fut aussi un homme profondément gentil, généreux, à l’humour délicieusement éclairé. Autant qu’un très fidèle militant révolutionnaire, il fut, à tous points de vue, un très bel homme des Lumières.
Olivier Coquard

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