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Confucius

Vous connaissez leurs noms. Mais souvent pas beaucoup plus. Certains comme Morse, McAdam ou Braille ont donné leurs patronymes à leurs inventions, d’autres ont laissé leur trace dans la nomenclature des rues et avenues (Raspail), d’autres encore sont devenus mondialement célèbres à travers leurs établissements (Ritz) ou ont été à l’origine de découverte médicale fondamentale (Alzheimer) ou d’une expression dont l’origine s’est perdue (Un olibrius). Historia les fait revivre chaque semaine.  

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Par Vincent Mottez

Publié le 30 mai 2020 à 07:00Mis à jour le 20 août 2023 à 13:27

S'agit-il vraiment d'un illustre inconnu ? A priori, ce nom familier résonne comme une évidence. Et pourtant, au-delà des citations qu'on lui emprunte, l'homme demeure une énigme, et seuls les érudits ou les sinophiles savent le replacer dans son contexte historique.

D'abord, son nom prête à confusion... Son patronyme est Qiu, et son prénom Zhongni, mais les Chinois l'appellent Kongzi ou Kong Fuzi, ce qui signifie « maître Kong » - surnom qui fut latinisé en Confucius par les missionnaires jésuites. Selon la tradition, il serait né vers - 551 à Zou, dans l'actuelle province du Shandong. Sa vie s'inscrit dans la période dite « des Printemps et Automnes », qui se rapporte à la première partie de la dynastie des Zhou orientaux. On sait peu de chose sur son enfance, si ce n'est qu'elle fut très pauvre, comme il le sous-entend dans ses Entretiens. Orphelin d'un père gouverneur de la principauté de Lu, il reçoit une éducation traditionnelle qui lui donne le goût des livres, du savoir et des rites, auxquels il attache un profond respect et qu'il tient pour un facteur essentiel de cohésion sociale.

Confucius, fin observateur de la vie

Confucius suit d'abord une carrière administrative au service du chef de sa province et se frotte aux affaires politiques. D'abord petit employé chargé de l'administration du bétail puis des greniers, il accède vers la quarantaine aux fonctions de préfet, de responsable des travaux publics, puis de responsable de la sécurité et de la justice de la principauté de Lu. Cette dernière expérience contribue à forger ses convictions sur les clés d'une société bien ordonnée. L'instabilité politique du pays, divisé en petits royaumes rivaux et belliqueux, l'amène à s'interroger sur les moyens de vivre en bonne intelligence avec son prochain. Confucius voit dans l'harmonie individuelle une condition sine qua non d'atteindre l'harmonie collective. C'est ainsi qu'il élabore un système de valeurs pour trouver la voie, celle qui mène à la concorde, à la sérénité, à la justice - et par conséquent à la paix. Vraisemblablement déçu par l'exercice du pouvoir, où la vertu ne règne pas en maître, Confucius quitte ses fonctions ministérielles et rentre dans sa province pour se consacrer à l'enseignement, à l'écriture et à la méditation. La légende veut qu'il ait rencontré Lao-tseu (v. 570-490 av. J.-C.), le père du taoïsme, mais rien n'est moins sûr.

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Comme Socrate, il échafaude sa pensée au fil des échanges avec ses interlocuteurs. Le maître ne délivre pas une pensée systémique, en bloc, mais fait converger de grands principes qui façonnent sa vision du monde. Ni prophète ni thaumaturge, il est avant tout un fin observateur de la vie - qui chemine, pas à pas, vers sa vérité. « À quinze ans, je m'appliquais à l'étude de la sagesse ; à trente ans, je marchais d'un pas ferme dans le chemin de la vertu ; à quarante ans, j'avais l'intelligence parfaitement éclairée ; à cinquante ans, je connaissais les lois de la Providence ; à soixante ans, je comprenais, sans avoir besoin d'y réfléchir, tout ce que mon oreille entendait ; à soixante-dix ans, en suivant les désirs de mon coeur, je ne transgressais aucune règle », déclare-t-il dans ses Entretiens. Dans cette oeuvre majeure, le maître apparaît comme un homme affable, chaleureux, subtil, parfois caustique, qui n'hésite pas à pointer du doigt les défaillances des puissants et à prendre la défense des plus démunis. Il délivre son enseignement à tous, même à ceux qui ne peuvent le payer qu'avec un peu de viande séchée !

Au-delà des millénaires, l'homme nous paraît proche par son humanité. Jamais docte, il dévoile avec des mots simples une intelligence profonde. Certaines assertions, semblables à des lapalissades, se révèlent d'une extraordinaire pertinence. C'est peut-être là que réside la force inaltérable de la pensée confucéenne : exprimer sans détour les ressorts d'une sagesse à toute épreuve, y compris celles du temps et des civilisations.

Vincent Mottez

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