Portrait de Jules César en citations | L’Histoire en citations
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Portraits en citations des Personnages de l’Histoire

 

« Alea jacta est ! »

CÉSAR au passage du Rubicon en 49 av. J.-C. Cité par Plutarque dans ses Vies parallèles et par Suétone dans la Vie des douze Césars.

Caius Julius César (100-44 av. J.-C), proconsul (gouverneur) de la Gaule cisalpine (aujourd’hui le nord de l’Italie), profite des querelles entre Gaulois et de la menace de divers envahisseurs pour franchir les Alpes, soumettre avec ses légions le reste du pays en huit campagnes annuelles (59 à 51 av. J.-C.) et venir à bout de diverses insurrections, notamment celle de Vercingétorix en 52 av. J.-C.

Ce jeune chef, vainqueur (à Gergovie) et vaincu la même année (à Alésia) est devenu notre premier héros national. Ainsi César appartient-il à notre Histoire.

L’ensemble de la Gaule deviendra une colonie de l’Empire romain sous le règne d’Octave dit Auguste, fils adoptif, successeur de César et premier empereur. Rappelons que les deux hommes sont présents dans notre calendrier, Caius Julius (dit César) prêtant son nom au mois de juillet et Auguste au mois d’août.

César est un personnage de génie comparable à Napoléon : grand militaire (première vocation d’un chef proche de ses hommes), habile à tirer parti de ses victoires (pour assurer dans son pays une irrésistible ascension), orateur né (prenant des cours pour encore mieux faire), animal politique (à l’ambition bientôt folle), réformateur (souvent démagogue et inspiré), législateur (respectueux des lois qu’il peut également changer à son profit), croyant à son destin (et n’hésitant pas à le forcer), historien de lui-même (Guerre des Gaules pour l’un et Mémorial de Sainte-Hélène pour l’autre), pratiquant le culte de la personnalité (devenu démesuré)… et se comparant naturellement au plus grand de ses aînés (Alexandre le Grand pour César, Charlemagne… et César pour Napoléon).

Entre les deux hommes, rappelons une différence capitale et mal connue : César « Imperator » signifie général victorieux… et non pas empereur ! Mais César l’aurait souhaité. Fort de tous les pouvoirs, réformant la République romaine en cinq ans, il a jeté les bases d’un gouvernement de type impérial - l’une des raisons de son assassinat aux ides de mars (15 mars 44 av. J.-C.)

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1. « Imperator » romain mondialement célèbre à plus d’un titre (mais pas empereur !) et pour quelques mots (souvent en vo, le latin).

Nombre d’aphorismes sont attribués à César – on ne prête qu’aux riches ! L’homme aux multiples dons avait le sens de la formule, ayant beaucoup vu, intensément vécu… et communiqué.

« Le danger que l’on pressent, mais que l’on ne voit pas, est celui qui trouble le plus. »,

« Les hommes croient ce qu’ils désirent. »

« Je poursuivrai ma chance jusqu’au fond de l’eau. »

« Il est plus facile, apparemment, de prévoir sa destinée que de l’éviter. »

« L’expérience, voilà le maître en toutes choses. »

Rien de très original… Plus insolites, deux citations sourcées et mise en situation.

« La femme de César ne doit pas être soupçonnée. »

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.), cité par l’historien Plutarque qui lui attribue le mot dans ses Vies parallèles

César a répudié sa troisième épouse pour relations extraconjugales - et ceci sans véritable preuve. Mais étant proche du pouvoir, elle se devait d’être irréprochable. L’expression demeure et la pratique aussi, dans certains milieux politiques ou autres, particulièrement exposés à la rumeur.

« Pratiquez la vertu ; mais, s’il vous faut régner,
Vertu, justice et lois, sachez tout dédaigner. »

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.), citant souvent ces deux vers d’Euripide et lui-même cité par Cicéron, dans le Traité des Devoirs

Trois « vedettes à l’affiche » : César résumant ainsi sa morale politique selon Cicéron ; Cicéron son adversaire politique, réputé le plus grand orateur du temps ; Euripide, l’un des trois grands tragiques grecs (avec Eschyle et Sophocle). Traduit en alexandrins, cet aphorisme pourrait être signé Racine.

D’autres citations sourcées et datées (par ordre chronologique) sont plus intéressantes. Trois (en vo latine) sont célèbres à juste titre – ayant les honneurs d’un article Wikipédia spécialement dédié.

« Pour moi, je préfèrerais être le premier personnage ici que le second à Rome ! »

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.), en -58 av. J.-C., cité par Plutarque, Vies parallèles

Traversant les Alpes avec armes, armées, bagages et compagnons pour aller en Gaule, le général passe près d’un village d’allure misérable et peu habité. Ses amis raillent ces pauvres barbares (étrangers) : « Il y a peut-être, même ici, des disputes pour les charges, des rivalités pour occuper les premiers rangs et des jalousies entre les notables. » D’où la réplique de César, dite sur un ton très sérieux. Cela dit, c’est pour être le premier à Rome qu’il luttera de toutes les manières.

« Alea jacta est ! »
« Le dé (ou le sort) en est jeté ! »51

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.), passage du Rubicon en 49 av. J.-C. Cité par Plutarque dans ses Vies parallèles et par Suétone dans la Vie des douze Césars

César a délibérément choisi l’illégalité, franchissant le Rubicon, rivière marquant la frontière entre l’Italie et la Gaule cisalpine, et marchant sur Rome avec ses légions pour y prendre le pouvoir contre Pompée, ce 11 janvier 49 av. J.-C. Bien joué ! Il pourra dès lors se présenter durant son « quinquennat » comme la victime de l’acharnement des conservateurs et le défenseur des tribuns de la plèbe.

Plutarque et Suétone, les deux grands historiens de l’Antiquité, mettent en scène ce tournant historique et attribuent ces mots à César, après mûre réflexion. Il joue son destin à quitte ou double : la mort et le déshonneur ou la victoire et le pouvoir. Il connaît ses atouts, l’audace et la rapidité de ses déplacements militaires, l’expérience et la fidélité de ses légions. Il se démarquera ensuite des atrocités de la dernière guerre civile, par sa politique de clémence qui exclut toutes proscriptions et représailles.

« Veni, vidi, vici. »
« Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu. »

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.) au Sénat romain, à propos la bataille de Zéla (Asie Mineure), 47 av. J.-C., cité par Plutarque, Vies parallèles, et par Suétone, Vie des douze Césars

Cette phrase de trois mots latins est extraite du rapport de César au Sénat romain, après sa victoire rapide et inespérée sur Pharnace II, roi du Pont sitôt détrôné. En latin, cela résonne assurément avec « une grâce et une brièveté qui disparaissent dans une autre langue. » (Plutarque)

L’efficacité du trait est double. Il souligne le prestige de cette victoire et les prouesses militaires de César en pleine guerre civile. Il prouve aussi le mépris du général vainqueur pour le Sénat patricien qui prétend incarner le groupe le plus puissant de la République romaine, contre la plèbe (le peuple).

« Il vaut mieux mourir, ce qui n’arrive qu’une fois, que de craindre sans cesse ! »

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.) cité par Plutarque dans ses Vies parallèles

César s’adresse à ses amis lui conseillant de prendre des gardes du corps et proposant leurs services. Plus le général accumule les victoires, plus il a de pouvoirs et plus il est menacé. Il va d’ailleurs finir assassiné par son propre fils adoptif.

« Tu quoque, mi fili ! »
« Toi aussi, mon fils ! »50

Jules CESAR (101-44 av. J.-C.) à Marcus Junius Brutus qui l’a poignardé, complice d’autres sénateurs aux ides de mars, 15 mars 44 av. J.-C. Cité par l’abbé Lhomond, Des hommes illustres de Rome, de Romulus à Auguste (1779)

Dans son dernier souffle, il semble que César se soit exprimé en grec, non en latin, forme traditionnellement retenue. Source la plus explicite, l’abbé Lhomond. Il s’inspire de la mort de César, rapportée pour la première fois par Suétone, Vie des douze Césars et quelques autres sources postérieures. Mais Plutarque n’en dit rien.

Autre débat, le sens de « mi fili » ! Ce peut être un terme affectueux (« mon petit »), mais Brutus était le fils d’une des nombreuses maîtresses de César. Ce n’est sans doute pas un fils naturel, mais César l’a quasiment adopté, lui pardonnant son ralliement à Pompée (ennemi de César), le fiançant à sa propre fille… Mais il n’en fit pas son héritier – privilège réservé à Auguste qui va lui succéder, pour devenir le premier empereur, restaurateur de la paix et promoteur d’un authentique « siècle d’or ».

« Et tu, Brute ? » / « Toi aussi, Brutus ! »

William SHAKESPEARE (1564-1616) faisant parler Jules César dans sa tragédie éponyme, Jules César (1599)

Le monologue de Brutus qui suit l’assassinat de César est d’une redoutable subtilité : « Il connut le succès, je m’en réjouis. Il fut vaillant, je l’honore. Mais il fut ambitieux et je l’ai tué. Pour son amitié, des larmes. Pour sa fortune, un souvenir joyeux. Pour sa valeur, du respect. Et pour son ambition, la mort. Qui parmi vous est assez vil pour accepter d’être esclave ? Si un tel homme existe, qu’il parle. Car lui, je l’ai offensé. Qui est assez grossier pour ne pas désirer d’être un Romain ? Si un tel homme existe, qu’il parle. »

Brutus donne ensuite la parole à Marc Antoine, bras droit de César, qui va retourner la foule dans un autre monologue, chef d’œuvre de rhétorique.

« Amis, Romains, compatriotes, prêtez-moi l’oreille. —Je viens pour inhumer César, non pour le louer. Le mal que font les hommes vit après eux ; le bien est souvent enterré avec leurs os. Qu’il en soit ainsi de César. »

William SHAKESPEARE (1564-1616), monologue de Marc Antoine, Jules César (1599)

« —Le noble Brutus vous a dit que César était ambitieux : s’il l’était, ce fut une faute grave, et César en a été gravement puni.—Ici par la permission de Brutus et des autres (car Brutus est un homme honorable : ils le sont tous, tous des hommes honorables), je viens pour parler aux funérailles de César. Il était mon ami, il fut fidèle et juste envers moi ; mais Brutus dit qu’il était ambitieux, et Brutus est un homme honorable.—Il a ramené dans Rome une foule de captifs dont les rançons ont rempli les coffres publics : César en ceci parut-il ambitieux ? Lorsque les pauvres ont gémi, César a pleuré : l’ambition devrait être formée d’une matière plus dure.—Cependant Brutus dit qu’il était ambitieux, et Brutus est un homme honorable.—Vous avez tous vu qu’aux Lupercales, trois fois je lui présentai une couronne de roi, et que trois fois il la refusa. Était-ce là de l’ambition ?—Cependant Brutus dit qu’il était ambitieux, et sûrement Brutus est un homme honorable. Je ne parle point pour contredire ce que Brutus a dit, mais je suis ici pour dire ce que je sais.—Vous l’aimiez tous autrefois, et ce ne fut pas sans cause : quelle cause vous empêche donc de pleurer sur lui ? O discernement, tu as fui chez les brutes grossières, et les hommes ont perdu leur raison !—Soyez indulgents pour moi ; mon cœur est dans ce cercueil avec César : il faut que je m’arrête jusqu’à ce qu’il me soit revenu. »

Au terme de ce monologue, Brutus et les conspirateurs seront chassés de Rome et Marc-Antoine fait alliance avec Octave, fils adoptif de César, dans la guerre civile qui va suivre…

« (César) mari de toutes les femmes et femme de tous les maris ».

CURION l’Ancien (124-64 av. J.-C), homme d’État (consul, sénateur, gouverneur) et orateur romain, contemporain et adversaire de César. Cité par Suétone, Vie des douze Césars

Cette citation d’un ennemi rassemble les deux accusations d’adultère et d’homosexualité. Nous ne détaillerons pas la vie privée de César qui est extrêmement riche malgré des zones d’ombre, mais c’est l’occasion d’exprimer deux faits certains et un doute vraisemblable.

Première certitude : la bisexualité est pratique courante dans l’Antiquité, naturellement chez les Grecs, mais également chez les Romains – comme chez les Gaulois. Elle n’est nullement infâmante. Seul reproche fait à César, qui transparait dans cette citation : l’homosexualité passive. Autrement dit, il jouait le rôle de la femme avec un amant.

Seconde certitude : César a eu trois ou quatre femmes légitimes (selon les sources), de très nombreuses maîtresses, la plus célèbre étant la belle Cléopâtre, reine d’Égypte… et d’innombrables enfants, reconnus et plus encore naturels.

Reste un doute sur ses relations avec Vercingétorix notre premier héros national, beau comme un jeune dieu et célèbre par la Guerre des Gaules de César. César l’a battu non sans peine à Alésia. Au lieu de l’exécuter, il l’emmène à Rome, le garde prisonnier cinq ans… pour l’exhiber lors de son triomphe romain, avant l’exécution finale – étranglé sur ordre de César qui lui épargne ainsi des tortures humiliantes.

L’histoire se complique si l’on rappelle les relations avérées entre les deux hommes : Vercingétorix a été comme beaucoup de fils d’aristocrates un proche de César, avant de prendre les armes contre lui. Il fut l’un de ses contubernales (« compagnon de tente »). Selon deux historiens contemporains dignes de foi, Yann Le Bohec et Paul M. Martin, il était même officier de cavalerie de César qui l’appréciait, éprouvant de l’amitié pour le jeune homme et le formant aux méthodes de guerre romaines, en échange de sa coopération et de ses connaissances du pays et des pratiques de la Gaule chevelue. En fait, les deux hommes s’admiraient mutuellement. C’est ensuite que Vercingétorix trahit César, pour revendiquer par les armes l’indépendance du peuple gaulois.

De toute manière et quels que soient les détails de leur relation, cette rencontre reste un épisode fondateur et marquant de notre histoire de France.

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2. Personnage principal dans l’histoire de la Gaule, général vainqueur de Vercingétorix.

« César s’était présenté comme un protecteur. Sa conquête avait commencé par ce que nous appellerions une intervention armée. »8

Jacques BAINVILLE (1879-1936), Histoire de France (1924)

Fait capital de notre histoire. En 58 av. J.-C., la tribu des Helvètes décide d’émigrer vers la Saône pour fuir la pression des Germains d’Arioviste. Les Éduens établis entre Loire et Saône se sentent menacés par cette migration et appellent à leur secours César, nommé l’année précédente proconsul de la Gaule cisalpine (Italie du Nord) et de la Province romaine. Cerealis (cité par Tacite) rappellera plus tard aux Gaulois ce fait historique : « Si nos chefs et empereurs sont entrés dans votre pays, c’est à la requête de vos ancêtres. »

César, fort de six légions, oblige les Helvètes à retourner chez eux (vers l’actuelle Suisse) et refoule les Germains au-delà du Rhin (future Allemagne). Voulant éclipser la gloire militaire de son rival Pompée, il en profite pour conquérir en huit campagnes annuelles toute la Gaule, y compris Belgique et Suisse, avec une incursion en [Grande-]Bretagne.

« Il y a dans la Gaule deux classes d’hommes qui comptent et qui sont honorées : celle des druides et celle des chevaliers. »4

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.), Commentaires de la guerre des Gaules

Dans ses Commentarii de bello gallico, César se révèle remarquable historien et styliste. À partir du IXe siècle se multiplient les éditions et traductions de ce grand texte, également titré Guerre des Gaules. Aujourd’hui encore, c’est une référence quasiment unique d’un témoin et acteur des faits.

En Gaule, les druides cumulent trois fonctions : prêtres allant cueillir le gui sacré, offrant des sacrifices et assurant le culte de quelque 400 dieux ; éducateurs transmettant à la jeunesse aristocratique des poèmes héroïques (non écrits) nourris de légendes gauloises et de connaissances historiques, juridiques, astrologiques ; juges prononçant des arbitrages et des peines capitales en fonction d’un rituel précis.

Les chevaliers, soumis au roi seulement en temps de guerre, sont entourés de « clients » unis à eux par des liens de vassalité personnelle (origine de la féodalité) et font travailler des serfs sur des territoires comparables en étendue aux actuels cantons. Au-dessous de ce « clergé » et de cette « noblesse », le peuple forme le « tiers ordre ». Au total, la Gaule comptait, selon César, 10 millions d’habitants au Ier siècle av. J.-C. Les historiens modernes hésitent entre 8-9 millions, 20 et même 30 selon Camille Jullian. Les statistiques n’ont jamais été une science exacte.

« Si les Gaulois sont ardents et prompts à entreprendre une guerre, pour supporter les désastres leur esprit est mou et sans résistance. »52

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.), Commentaires de la guerre des Gaules

Le caractère des Gaulois comme des Français à venir n’a cessé de dérouter les dirigeants. On peut naturellement chercher et trouver des constantes. On parlerait ici d’ « union sacrée » fréquente en début de conflits, avec une résistance qui peine ensuite à se manifester dans la défaite.

Mais pour un militaire également conquérant, le critère est finalement plus simple. Et César tranche à notre désavantage dans la suite de ses commentaires, avec des arguments évidents : « De toutes [les] nations [gauloises], les Belges sont les plus vaillants, parce qu’ils restent complètement en dehors de la culture et de la civilisation de la province [romaine], que les marchands ne passent que très rarement dans leur pays, et n’y portent points les denrées qui amollissent les courages ; de plus ils touchent aux Germains, qui habitent au-delà du Rhin, et ils leur font une guerre continuelle. Nos « amis belges » pourraient aujourd’hui apprécier…

« C’est une race [les Gaulois] d’une extrême ingéniosité, et ils ont de singulières aptitudes à imiter ce qu’ils voient faire. »9

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.), Commentaires de la guerre des Gaules

Pour être conquérant, César n’en fut pas moins sensible au génie propre aux Gaulois. S’ils ne connaissent pas de civilisation urbaine et vivent en tribus, ils sont de remarquables éleveurs et agriculteurs qui savent « engraisser la terre par la terre » (assolement et alternances de céréales riches et pauvres), au grand étonnement des Romains. Ils exportent jusqu’à Rome foies gras, jambons et autres charcuteries. Leurs tissages et leurs cuirs sont de qualité, comme leurs bijoux et leurs bronzes. Ils auraient même inventé le savon (fait de cendre végétale mélangée au suif).

« Ces gens-là [les Gaulois] changent facilement d’avis et sont presque toujours séduits par ce qui est nouveau. »10

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.), Commentaires de la guerre des Gaules

Grand fond de vérité dans cette constatation. Richelieu, au XVIIe siècle, évoquera souvent cette « légèreté » propre aux Français. Ce sera pour s’en irriter.

« Nous devons nous défendre, non seulement contre les actes, mais même contre les projets de ceux qui veulent nous nuire, nous opposer à l’accroissement de leur puissance avant qu’ils nous aient causé des dommages et ne pas attendre pour nous venger qu’ils nous aient fait du mal. »20

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.), Commentaires de la guerre des Gaules. Histoire romaine, Dion Cassius, historien grec du IIe siècle

Brillant orateur autant que grand général, élu consul en 60 av. J.-C., César reçoit à la fin de sa magistrature le gouvernement de la Gaule cisalpine (nord de l’Italie) et de la Province romaine (sud de la Gaule transalpine). Il veut profiter des luttes qui déchirent la Gaule indépendante pour soumettre des tribus qui lui apparaissent comme une menace… et conquérir par là-même la gloire militaire. Mais les sénateurs ont toujours reculé devant des guerres offensives : ils lui refusent le droit d’intervenir. César va quand même se décider, quand les Éduens le rappellent au secours, cette fois contre les Helvètes migrant vers la Gaule, peu satisfaits des conditions de vie sur leur territoire (la Suisse).

Et chaque année, jusqu’en 51 av. J.-C., César va mener campagne en Gaule. Cette guerre de dix ans va lui apporter la gloire indispensable à son irrésistible ascension.

« Quand nous ne formerons en Gaule qu’une seule volonté, le monde entier ne pourra nous résister. »22

VERCINGÉTORIX (vers 82-46 av. J.-C.), à ses troupes, mai 52 av. J.-C., à Gergovie. La Gaule (1947), Ferdinand Lot

Les tribus gauloises, victimes de leur désunion, viennent d’élire ce jeune noble qui entretint des relations politiques avérées avec César, avant de devenir chef suprême d’une coalition contre les Romains qui se veulent maîtres de l’Europe. Quand César marche vers la Loire, Vercingétorix ordonne de brûler tous les villages pour affamer l’ennemi. Mais on ne peut se résoudre à incendier Avaricum (Bourges), seule grande et belle ville de Gaule, puissamment fortifiée. Après deux mois de résistance, elle tombera, le 20 avril. Dans sa Guerre des Gaules, César parle de 40 000 morts – il a décuplé le chiffre. Mais il note, en bon observateur : « Si l’adversité diminue d’habitude l’autorité des chefs, elle grandit de jour en jour le prestige de Vercingétorix. »

Le mois suivant, le Gaulois remporte la plus grande victoire de sa courte carrière : Gergovie (près de Clermont-Ferrand). César doit lever le siège, minorant ses pertes à 700 légionnaires. Les statistiques truquées nourrissent la légende ou la propagande et l’histoire de Vercingétorix nous est surtout connue par le récit de son adversaire, César.

« Prends-les ! Je suis brave, mais tu es plus brave encore, et tu m’as vaincu. »23

VERCINGÉTORIX (vers 82-46 av. J.-C.), jetant ses armes aux pieds de César, fin septembre 52 av. J.-C., à Alésia. Abrégé de l’histoire romaine depuis Romulus jusqu’à Auguste, Florus

Ces mots du vaincu rapportés par le vainqueur servent d’épilogue à la brève épopée du guerrier gaulois, face au plus illustre des généraux romains.

Excellent stratège, César est parvenu à enfermer Vercingétorix et son armée à Alésia (en Bourgogne). L’armée de secours, mal préparée, est mise en pièces par César qui exagère encore les chiffres : 246 000 morts chez les Gaulois, dont 8 000 cavaliers. Vercingétorix juge la résistance inutile et se rend pour épargner la vie de ses hommes – quelque 50 000, mourant de faim, après quarante jours de siège.

La chute d’Alésia marque la fin de la guerre des Gaules et l’achèvement de la conquête romaine. Mais le mythe demeure bien vivant, en France : Vercingétorix, redécouvert par les historiens au XIXe siècle et popularisé (avec César) jusque dans la bande dessinée d’Astérix, est notre premier héros national.

« On peut comprendre que le danger qu’il [César] courut devant Alésia soit resté célèbre à plus d’un titre : jamais, dans aucun autre combat, il n’eut à déployer autant d’audace et d’habileté. »

PLUTARQUE (46-125), Vies parallèles, 17. Vie d’Alexandre et Vie de César (nombreuses éditions et traductions)

Philosophe d’origine grecque, biographe, moraliste et penseur majeur de la Rome antique, c’est l’une des sources historiques les plus précieuses, avec le latin Suétone.

Il est vrai qu’Alésia fut la bataille décisive dans la guerre des Gaules menée par César. C’est aussi un hommage indirect à Vercingétorix. Certes vaincu sur ce champ de bataille, il s’est quand même battu au point de mettre à nouveau en danger le plus grand général romain.

« En moins de dix ans qu’a duré sa guerre dans les Gaules, il [César] a pris d’assaut plus de huit cents villes, il a soumis trois cents nations différentes, et combattu, en plusieurs batailles rangées, contre trois millions d’ennemis, dont il a tué un million, et fait autant de prisonniers. »

PLUTARQUE (46-125), Vies parallèles (des hommes illustres), « César »

Pour cet historien grec, la conquête de la Gaule est l’une des victoires majeures de Rome et place son commandant César au rang des plus illustres généraux romains, tels les Fabius, les Metellus, les Scipions. César les a largement surpassés dans la suite de l’histoire.

« Vous serez châtiés pour avoir voulu souhaiter la paix et vous apprendrez que, moi vivant, rien n’est plus sûr qu’une guerre, quand on m’a pour chef. »25

Jules CÉSAR (101-44 av. J.-C.), Commentaires de la guerre des Gaules. La Pharsale (La Guerre civile), Lucain, poète latin du Ier siècle

Toute la Gaule est conquise par les armées romaines, mais la ville grecque de Marseille (Massilia), alliée du peuple romain, demeure indépendante.

Au début de l’année 49 av. J.-C., César entre en conflit avec Pompée, autre grand général qui a en main le Sénat. Il franchit le Rubicon, petite rivière formant la frontière de sa province de Gaule cisalpine, en prononçant le fameux « Alea jacta est » (« Le sort en est jeté »). Dans cette guerre civile qui se déclenche, Marseille voudrait rester neutre et ménager les deux partis, voire jouer les arbitres, mais les Marseillais (Massaliotes) ont un penchant pour les Pompéiens, chose naturelle pour une république aristocratique. César, venu d’Italie pour se rendre en Espagne où s’étaient fortifiés les partisans de Pompée, entreprend le siège de Marseille (avril-mai 49 av. J.-C.). Il ne prendra pas la ville personnellement, laissant à son lieutenant Trebonius le soin d’en finir. Marseille se rend six mois après. Annexée à la Province, la grande cité méditerranéenne perd son indépendance.

Quant à César, il s’oppose à Pompée et au Sénat. Devenu seul consul de Rome, il entreprend des réformes capitales, favorables aux classes populaires. Mais en 44 av. J-C, s’apprêtant à rétablir la monarchie, il est assassiné par des conspirateurs dont son fils adoptif Brutus. Son petit-neveu et héritier lui succède : Octave sera le premier empereur romain, sacré sous le nom d’Auguste et devenu seul maître de l’Empire romain en 30 av. J.-C. Il finit de pacifier la Gaule, triomphant des dernières résistances dans les Alpes et les Pyrénées. Trois ans après, il fixe les bases administratives de la Gaule romaine. Le pays est divisé en quatre provinces : la Narbonnaise (ancienne province au sud-est), l’Aquitaine (au sud-ouest), la Celtique ou Lyonnaise (au centre, la plus étendue) et la Belgique au nord.

« Jamais depuis qu’elle a été domptée par le divin Jules [César], la fidélité de la Gaule n’a été ébranlée ; jamais, même dans les circonstances les plus critiques, son attachement ne s’est démenti. »27

CLAUDE Ier (10 av. J.-C.-54), Discours devant le Sénat, 48. La Gaule indépendante et la Gaule romaine (1900), Gustave Bloch

Le mouvement créé par César ne s’est pas arrêté après sa mort. Cent ans plus tard, l’empereur Claude, né à Lyon, rappelle dans ce discours à quel point la Gaule est demeurée dans la « pax romana » après sa pacification. À signaler cependant deux révoltes de minorités, d’ailleurs désavouées par le peuple gaulois.

En 21, soulèvement simultané de plusieurs peuples : les Trévires (sous la conduite de Julius Florus) reprennent la lutte pour l’indépendance, alors que le danger germanique est écarté ; les Éduens, Séquanes et autres (sous la conduite de Julius Sacrovir) s’insurgent contre les exactions, la main mise économique et la fiscalité romaine qui écrase les Gaulois trop prospères.

En 68, Vindex, gouverneur de la Lyonnaise, se révolte contre l’empereur romain Néron et tente en vain de rallier les Gaulois à sa rébellion. Après deux années de trouble au cours desquelles l’autorité de Rome est ébranlée, un concile des Gaules (congrès tenu à Reims par les délégués des différents peuples gaulois) doit choisir entre l’indépendance et la domination romaine. La soumission rallie les suffrages.

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3. « César », un nom toujours présent dans la mémoire collective des Français, une référence historique pour le pire ou le meilleur.

« Le 13 septembre, qui fut jeudi, 1515, mon fils vainquit et défit les Suisses auprès de Milan […] et ce jour propre, je partis d’Amboise, pour aller à pied à Notre-Dame-de-Fontaines, lui recommander ce que j’aime plus que moi-même, c’est mon fils, glorieux et triomphant César, subjugateur des Helvétiens. »

LOUISE DE SAVOIE (1476-1531), citée par Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, tome VII

Veuve à 19 ans, elle se consacre à l’éducation de ses enfants. Son but sera désormais de préparer son fils, son « César bien-aimé » à l’accession au trône, Louis XII n’ayant pas de descendant mâle.

François Ier hérite du trône de France vingt ans après. Elle ne vivra que pour voir son fils auréolé de gloire, l’assistant dans tout ce qu’il entreprend, qu’elle soit d’accord ou pas. Son influence est immense, surtout qu’elle se retrouve deux fois régente pendant les campagnes italiennes de son fils : quand il va battre les Suisses à Marignan (1515, date mémorielle), et dix ans plus tard, quand il est battu et prisonnier à Pavie (1525-1526). Son expérience lui permet d’organiser la continuité du royaume et de mener une contre-offensive diplomatique contre l’ennemi numéro un, l’empereur Charles Quint. Son énergie et son habileté aboutissent à des succès diplomatiques pour la France.

Infatigable épistolier, le « César triomphant » ne cessera de rendre compte à sa mère, quand il « s’en va-t’en guerre ». Mais il lui conte aussi par le menu les défaites.

« César et Pompée faisaient déclarer la guerre pour se mettre à la tête des légions, et revenaient asservir leur patrie avec les soldats qu’elle avait armés. »

ROBESPIERRE (1758-1794), Premier discours sur la guerre, 18 décembre 1791. Jean Poperen, Robespierre textes choisis (1957)

Tous les acteurs de la Révolution ont été confrontés au problème de la guerre, les monarchies voisines se coalisant contre la France devenue républicaine et menaçant les trônes.

Pour Robespierre, la guerre révolutionnaire doit avoir pour but la libération, pas la conquête. La comparaison avec l’Antiquité romaine était naturellement tentante, sinon judicieuse : « À Rome quand le peuple, fatigué de la tyrannie et de l’orgueil des patriciens, réclamait ses droits par la voix de ses tribuns, le Sénat déclarait la guerre ; et le peuple oubliait ses droits et ses injures pour voler sous l’étendard des patriciens, et préparer des pompes triomphales à ses tyrans. Dans des temps postérieurs, César et Pompée faisaient déclarer la guerre… »

Sous le Directoire et le Consulat, la guerre aura une tout autre signification et les guerriers redeviendront des héros, à commencer par Napoléon Bonaparte.

« Un jeune homme de vingt-six ans se trouve avoir effacé en une année les Alexandre, les César, les Annibal, les Frédéric. Et, comme pour consoler l’humanité de ces succès sanglants, il joint aux lauriers de Mars l’olivier de la civilisation. »1647

STENDHAL (1783-1842), Vie de Napoléon (posthume)

Engagé à 26 ans dans l’armée de Bonaparte en 1795, le futur écrivain découvre l’Italie avec un émerveillement dont son œuvre sera plus tard le reflet.

Stendhal écrit cet essai à Milan en 1817-1818, pour répondre à Mme de Staël : dans ses Considérations sur la Révolution française, elle attaquait l’homme à qui Stendhal voue une vraie passion. Cela n’exclut pas la critique. Stendhal consacrera à l’empereur un second essai, Mémoires sur Napoléon (1836-1837). En tout cas, c’est à lui que le nom de César sera le plus souvent associé, pour le meilleur et pour le pire…

« Chaque année, la France faisait présent à cet homme de trois cent mille jeunes gens ; c’était l’impôt payé à César. »1764

Alfred de MUSSET (1810-1857), La Confession d’un enfant du siècle (1836)

« … Et s’il n’avait ce troupeau derrière lui, il ne pouvait suivre sa fortune. C’était l’escorte qu’il lui fallait, pour qu’il pût traverser le monde, et s’en aller tomber dans une petite vallée d’une île déserte, sous un saule pleureur. » L’histoire finit mal, pour la France exsangue, et pour l’empereur exilé.

Mais Musset, l’enfant du siècle orphelin de Napoléon, évoque aussitôt après l’Empire glorieux : « Jamais il n’y eut tant de joie, tant de vie, tant de fanfares guerrières dans tous les cœurs. Jamais il n’y eut de soleils si purs que ceux qui séchèrent tout ce sang. On disait que Dieu les faisait pour cet homme, et on les appelait ses soleils d’Austerlitz » - allusion à la plus célèbre victoire impériale, affrontement décisif du 2 décembre 1805 en Moravie, possession autrichienne.

« Les hommes de génie sont des météores destinés à brûler pour éclairer leur siècle. »1766

Napoléon BONAPARTE (1769-1821), Discours de Lyon, 1791

Ce sont les premiers mots que l’histoire a retenus du futur empereur qui a déjà le sens du destin. Bonaparte, 22 ans, lieutenant d’artillerie, participe au concours ouvert par l’Académie de Lyon. Le thème : l’éducation à donner aux hommes pour les mettre sur le chemin du bonheur – d’où l’autre nom du « Discours sur le bonheur ».

Bonaparte condamne la monarchie absolue et trouve bien des vertus au philosophe des Lumières qu’il traitera ensuite de « fou » dangereux pour la société : « Ô Rousseau, pourquoi faut-il que tu n’aies vécu que soixante ans ! Pour l’intérêt de la vertu, tu eusses dû être immortel. » C’est le style de l’époque. Mais le talent d’expression et l’ambition évidente offrent cette phrase prémonitoire que n’aurait pas désavouée Hugo ou Chateaubriand.

Du chef de brigade à l’empereur déchu, l’aventure va durer vingt-deux ans. C’est assez pour en faire l’un des personnages les plus célèbres au monde, « le plus grand héros de tous les temps » pour l’Encyclopædia Britannica. Et toujours comparé aux plus grands, à commencer par César. Un autre grand homme y fut sensible…

« Qu’est-ce donc que cette chose dont parle Alexandre lorsqu’il évoque sa destinée, César sa chance, Napoléon son étoile ? Qu’est-ce donc sinon la confiance qu’ils avaient tous les trois dans leur rôle historique ? »

Charles de GAULLE (1890-1970), Mémoires de guerre, tome I, L’Appel, 1940-1942 (1954)

Trilogie au sommet : Alexandre, César, Napoléon. Chacun avait au plus haut point le sens de son destin. Cela vaut également pour de Gaulle, mais il dut attendre juin 1940 pour entrer dans l’Histoire. Il avait cinquante ans. À cet âge, Alexandre était mort, Napoléon avait abdiqué, César était déjà célèbre.

« Il était un p’tit homme
Qu’on appelait le grand […]
Sans demander son reste
Fier comme un César
De hasard
Dans cet état funeste
Napoléon le Grand
Fout le camp ! »

La Campagne de Russie, chanson anonyme, sur l’air de « Compère Guilleri »

Napoléon s’est follement lancé dans la campagne de Russie qui tourne au désastre. Il reconnaîtra son erreur dans le Mémorial de Sainte-Hélène (1823) : « Fussé-je mort à Moscou, ma renommée serait celle du plus grand conquérant qu’on ait connu. Mais les sourires de la Fortune étaient à leur fin. »

Le nom de César lui colle à la peau, et la comparaison d’abord glorieuse est devenue dérisoire. Elle peut devenir cruelle, mais certains jeux de mots sont irrésistibles… Et Paris chante (tout bas à cause de la censure) la cruelle chanson de La Campagne de Russie, durant la retraite de décembre 1812.

« Il a voulu vivre César, il est mort Pompée. »

Georges CLEMENCEAU (1841-1929)

(Autre version à la une des journaux : « Il voulait être César, il ne fut que Pompée. »

Le président de la République Félix Faure, bel homme de 58 ans, meurt le 16 février 1899 en galante compagnie. Une anecdote court Paris : « Le président a-t-il toujours sa connaissance ? — Non, elle est sortie par l’escalier. » La « connaissance » a pris la fuite et le concierge de l’Élysée témoigne en ces termes, répondant à la question du prêtre appelé en hâte pour le confesser.

La rumeur murmure le nom de Cécile Sorel, actrice célèbre. En fait, la compagne de ses derniers instants est une demi-mondaine, Marguerite Steinheil, bientôt surnommée « la Pompe funèbre ». Clemenceau (engagé dans l’Affaire Dreyfus et dans l’opposition) fait lui aussi dans l’humour noir, en rappelant le destin malheureux de Pompée, dans le duel politique l’opposant au grand César. On lui prête également ce mot plus politique : « Félix Faure est retourné au néant, il a dû se sentir chez lui. »

« Il n’y a point de sauveur suprême, ni César ni tribun. »

Paul RAMADIER (1888-1961) député, ministre, premier président du Conseil (socialiste) sous la Quatrième République. Philippe Foro, Paul Ramadier et le gaullisme (1947-1958)

Le nom de César peut naturellement renvoyer de manière critique au césarisme : régime politique inspiré du gouvernement de type monarchique que voulait imposer Jules César à Rome, où le pouvoir est concentré entre les mains d’un homme fort, charismatique, voire démagogue et populiste, appuyé par le peuple et de préférence chef militaire.

Le 1er juin 1958, l’Assemblée nationale débat à propos de l’investiture du général de Gaulle, président du Conseil désigné. Paul Ramadier fait partie des 329 députés qui l’approuvent. Il se retrouvera au gouvernement, ministre du Ravitaillement – poste stratégique, dans cet après-guerre dure à vivre au quotidien. Dans son esprit et paradoxalement, de Gaulle n’est pas ce qu’on a fait de lui et ce que lui-même doit penser.

Le 30 mars 1947, à l’occasion d’une cérémonie commémorative de la Résistance, devant une foule de 50 000 personnes et des officiels du régime, le député Ramadier assurait déjà à Capdenac, dans son département de l’Aveyron : « Toutes les forces françaises se rassemblent victorieusement parce qu’elles sont nées par une idée et non par la grandeur éphémère d’un homme. Je vous répéterai cette phrase : « Il n’est point de sauveur suprême, ni César, ni tribun »… Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes. Décrétons le salut commun. En dehors de la République, de la Démocratie, il ne peut y avoir que des discordes et tous ceux qui s’élèvent contre elle s’élèvent contre la France. »

4. Héros de BD et première source historique d’Astérix.

« Alea jacta est, comme je dis toujours. »1

CÉSAR dans Astérix légionnaire (1967), BD de René Goscinny (1926-1977) scénariste & Albert Uderzo (1927-2020) dessinateur

Traité de manière burlesque et régulièrement parodié, le personnage historique de César bénéficie de « règles du jeu » très particulières, eu égard à son rôle dans la BD comme dans l’Histoire. Les deux auteurs signent le chef d’œuvre du « neuvième art » le plus vendu au monde sous toutes ses formes (albums, films, complexe « touristix » et autres produits dérivés).

« Jules César. Commentateur de la guerre des Gaules, grand pourvoyeur de citations impérissables. »

ASTERIX, Le site officiel.

« Général en chef craint et respecté, Jules César, reconnaissable entre tous par le physique de statue que lui a donné Albert Uderzo, fait figure de personnage à part dans les aventures d’Astérix. Il faut dire que les créateurs d’Astérix ont bien pris soin de ne pas traiter de façon caricaturale cette figure historique dont les « Commentaires sur la guerre des Gaules » ont été pour eux une importante source d’inspiration. Et il était somme toute logique qu’un anti-héros de la trempe d’Astérix soit confronté à un adversaire plus complexe que les manichéens et caricaturaux « méchants » traditionnellement servis par Hollywood.

César est donc une représentation gentiment irrespectueuse de l’impérialisme et, bien qu’autoritaire et colérique, il n’est pas dépeint comme un dictateur sans merci, et sait même se montrer reconnaissant envers des Gaulois qui l’ont parfois tiré d’un mauvais pas. De même, si René Goscinny et Albert Uderzo ne manquent jamais une occasion de ridiculiser ses troupes et autres sbires, ils épargnent le plus souvent la personne de l’empereur, qui demeure celui contre qui on peut résister fièrement.

Bien qu’à demi méchant, César joue pleinement son rôle, à savoir celui d’un adversaire incontesté et redoutable qui permet à nos héros de se révéler. Plus César est fort, intelligent, plus nos héros deviennent des adultes en lui résistant. En fait, César est l’adversaire respecté en ce qu’il permet aux irréductibles de faire étalage de leur noblesse d’esprit, tout en se démarquant dans leur lutte par leur caractère d’éternels ripailleurs.

Acharné dans son combat contre l’humiliante résistance de nos héros, César fomente les plans les plus imaginatifs pour tenter d’enfin réduire notre village préféré à la condition de propriété de l’Empire Romain. Mais ses plans, bien qu’ingénieux, échouent les uns après les autres : ainsi des armes économiques utilisées dans Obélix et Compagnie, des méthodes pernicieuses de Détritus dans La Zizanie, des logements « civilisés » conçus par Anglaigus dans Le Domaine des Dieux

Pire, Astérix et Obélix continuent de se jouer de lui en dérobant sa couronne de lauriers ou en accomplissant sans difficulté les 12 travaux qu’il avait imaginés. Pas étonnant qu’il lui arrive parfois de s’énerver et de hurler à ceux qui auront eu le malheur de susciter sa colère un tonitruant : « Va voir chez les Belges si j’y suis ! »

« Veux-tu rendre à César ce qui m’appartient ? »

CÉSAR dans Astérix le Gaulois, film d’animation franco-belge réalisé par Ray Goossens avec les voix de Roger Carel et Jacques Morel (1967). D’après la BD de René Goscinny (1926-1977) scénariste & Albert Uderzo (1927-2020) dessinateur

Qui est mieux placé que César lui-même pour évoquer la célèbre maxime : « Il faut rendre à César ce qui appartient à César »… dont l’origine est attribuée à Jésus face aux Pharisiens dans l’Évangile selon Saint-Matthieu. Naturellement, « nos ancêtres » les Gaulois n’en ont cure, avec leur fichu caractère. Cet art de la transposition fait mouche à tout coup dans le dialogue de Goscinny, souligné par le dessin d’Uderzo.

Les locutions en v.o. de César ont traversé les siècles. Alea jacta est (le sort en est jeté) aurait été prononcé par l’ambitieux général avant le passage du fleuve Rubicon, en janvier 49 avant J.-C.

« Mon petit bonhomme, les phrases historiques, aléa jacta est et tout ça, c’est moi qui les fais ici ! »

CÉSAR dans Obélix et Compagnie (1976), BD de René Goscinny (1926-1977) scénariste & Albert Uderzo (1927-2020) dessinateur

Jamais atteint physiquement par les coups (hormis une pierre lancée par le jeune Ibère Pépé dans Astérix en Hispanie), ni menacé dans sa fonction par les irréductibles Gaulois, ses citations les plus célèbres (« Alea jacta est » et « Veni, vidi, vici ») et quelques autres sont parodiées en vo et mises à toutes les sauces au fil des albums.

« Alors César me dira : “Quid novi, fili ?” Et je lui répondrai : “Veni, vidi, vici” » (Le Tour du monde d’Astérix).
« Veni, vidi et je n’en crois pas mes yeux. » (Astérix gladiateur).
« Veni, vidi et j’ai compris. » (Le Bouclier Arverne).
« J’ai venu, j’ai vu, j’ai vaincu. Vini, vidi, vici. » (Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre – film franco-allemand d’Alain Chabat, 2002).
« Les Gaulois sont venus, ils ont vu et ils ont emporté Caligula Minus ! » (Astérix le Gaulois).
« Tu quoque fili - ce Brutus, je finirai par avoir des ennuis avec ce garnement. » (Astérix Gladiateur).
« J’attends vos idées… parlez. Et toi aussi mon fils. – Et maintenant, passons à table. Toi aussi, mon fils ! » (La Zizanie).
« Avé César ! Bienvenue à nos envahisseurs bien aimés ! » (Le Combat des chefs).
« Avé César ! Morituri te salutant ! — Salut vieux Jules ! » (Astérix Gladiateur).

« Aut Caesar, aut nihil. »

CÉSAR dans Astérix tome I (1961), BD de René Goscinny (1926-1977) scénariste & Albert Uderzo (1927-2020) dessinateur

« Ou empereur, ou rien. » Citation attribuée à César Borgia, prince italien de la Renaissance, qui peut servir à tout homme ambitieux, naturellement récupérée par le plus ambitieux d’entre tous et par la volonté des auteurs, dès le premier album édité en livre de la série.

César n’en finit plus de parader en grand premier rôle toujours historix et comix, survivant à ses deux créateurs à raison d’un nouvel album tous les deux ans, qui relancent la série ad libitum.

« César ne vieillit pas, il mûrit ! Les cheveux de César ne blanchissent pas, ils s’illuminent ! Avé moi ! » (Astérix aux Jeux Olympiques).
« Que fait César ? - Il affranchit le Rubicond. » (Astérix en Hispanie).
« Je ne sais pas ce que Jules César a dit, mais ne pas y aller et ne pas voir, c’est le meilleur moyen de ne pas être vaincu !  » (Astérix et les Normands).
« Je ne voudrais pas que Cléopâtre m’ait dans le nez (nez qu’elle avait d’ailleurs fort joli) » (Astérix et Cléopâtre).
« Jules César a dit que de tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves. » (Astérix chez les Belges).
«  Jules César est le plus grand carabistouilleur du monde.  » (Astérix chez les Belges).
« Va voir chez les Belges si j’y suis ! » (Astérix chez les Belges, au chef pirate venu le voir pour lui parler du naufrage de son bateau par les légions romaines).
« Plus vaste et plus somptueux que le César Palace ? Je demande à voir. » (Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre – film franco-allemand d’Alain Chabat, 2002).

Au total, plus de 400 millions d’exemplaires vendus - dont 130 millions rien qu’en Allemagne. Seul le marché américain ne marche pas - trop tourné vers les comics. Et le manga One Piece a dépassé les 500 millions de vente – mais c’est un manga (né japonais).

Traduite en 117 langues et dialectes, et même en latin, Astérix est donc la BD la plus vendue au monde. Restent à citer les films très populaires, les produits dérivés ad libitum, le parc Astérix - complexe  « touristix » battu par les Yankees avec Disneyland, mais c’est une autre histoire…

Retrouvez tous les personnages dans nos Chroniques, livres électroniques qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.

Les personnages marquent leur époque et bien au-delà : ils sont les auteurs et acteurs de l’Histoire, avant que les historiens ne commentent et réécrivent le récit national.
Quant aux citations, leur intérêt n’est plus à prouver : en quelques mots bien choisis, sourcés et contextualisés, le passé reprend vie et fait sens.
Plus ou moins connus, voire célèbres et toujours à redécouvrir, voici 200 noms avec plus d’un quart de femmes et un invité surprise, le peuple anonyme (chansons, slogans…)

Aiglon l’- Anne d’Autriche - Anne de Bretagne - Anne de France - Aragon - Aron - Aubigné d’- Auclert Hubertine - Auriol - Badinter - Baker Joséphine - Barre - Beaumarchais - Beauvoir Simone de - Bellay du - Béranger - Bernhardt Sarah - Berry duchesse de - Bismarck - Blanc (Louis) - Blanche de Castille - Blanqui - Blum - Bonaparte Pauline - Bossuet - Boulanger général - Brasillach - Briand - Bugeaud - Callas Maria - Cambacérès - Camus - Catherine de Médicis - César - Chaban-Delmas - Chamfort - Chanel Coco - Charlemagne - Charles IX - Charles X - Chateaubriand - Châtelet Émilie du - Chirac - Claudel - Claudel Camille - Clemenceau - Clotilde - Clovis - Colbert - Colette (Mme) - Condorcet - Corday Charlotte - Cresson Édith - Curie Marie et Pierre - Danton - Debré - Deffand Mme du - Descartes - Deschanel - Desmoulins - Diderot - Dreyfus - Du Guesclin - Dubois abbé - Dumont (René) - Eugénie de Montijo - Fabius - Ferry - Flaubert - Foch - Fouché - Fouquet - Fouquier-Tinville - France (Anatole) - François Ier - Gambetta - Gaulle de - Gaulle Yvonne de - Giroud Françoise - Giscard d’Estaing - Gouges Olympe de - Grégoire abbé - Grévy - Guillotin - Guizot - Guy Alice - Halimi Gisèle - Henri III - Henri IV - Henriette d’Angleterre - Hugo - Isabeau de Bavière - Jaurès - Jeanne d’Arc - Joffre - Joséphine de Beauharnais - L’Hospital de - La Bruyère - La Fayette - Lamartine - Louis IX - Louis XI - Louis XII - Louis XIII - Louis XIV - Louis XV - Louis XVI - Louis XVII (Dauphin) - Louis XVIII - Louis-Philippe - Louise de Savoie - Lyautey - Mac-Mahon - Macron - Madame Mère - Madame Royale -  Mademoiselle la Grande - Maintenon Mme de - Malraux - Marat - Marchais - Marguerite de Navarre - Marguerite de Valois - Marie de Médicis - Marie Leczinska - Marie Stuart - Marie-Antoinette -  Marie-Louise - Marvingt Marie - Marx - Mauriac - Mauroy - Maurras - Mazarin - Michel Louise - Michelet - Mirabeau - Mitterrand - Molière - Monnet - Montaigne - Montespan marquise de - Montesquieu - Montherlant - Moulin - Napoléon - Napoléon III - Palatine La (princesse) - Pascal - Péguy - Pétain - peuple (le) - Philippe Auguste - Philippe d’Orléans (le Régent) - Philippe le Bel - Picasso - Pinay - Pisan Christine de - Poincaré - Poitiers Diane de - Pompadour marquise de - Pompidou - Proudhon - Rabelais - Récamier Juliette - Richelieu - Rivarol - Robespierre - Rocard - Rochefort - Roland Mme - Ronsard - Rousseau - Saint-Exupéry - Saint-Just - Saint-Simon comte de -  Saint-Simon duc de - Sand George - Sarkozy - Sartre - Schoelcher - Schuman - Sévigné marquise de - Sieyès abbé - Sorel Agnès - Staël Mme de - Sully - Talleyrand - Tallien - Tallien Mme - Thiers - Thorez - Tocqueville - Turgot - Valéry - Veil Simone - Vercingétorix - Vergniaud - Villepin - Voltaire - Weill Simone - Weiss Louise - Zola

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