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Le président palestinien Mahmoud Abbas, victime collatérale de la guerre à Gaza

En pleine explosion de violence entre Israël et le Hamas, la colère en Cisjordanie se tourne contre le président de l'Autorité palestinienne, jugé inaudible et déconnecté de son peuple. Alors qu'ils sont plus de la moitié à prôner la lutte armée face à l'État hébreu, les Palestiniens reprochent à Mahmoud Abbas son inaction et son impuissance.

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le 17 octobre 2023, au cours d'une rencontre avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken à Amman, en Jordanie.
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le 17 octobre 2023, au cours d'une rencontre avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken à Amman, en Jordanie. © Jacquelyn Martin, AP
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Avant la guerre, plus de trois quarts des Palestiniens interrogés se disaient déjà favorables à sa démission. L'irruption du conflit entre Israël et le mouvement islamiste Hamas semble durcir encore l'opinion contre Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, désormais inaudible et jugé déconnecté de son peuple.

Le processus de paix d'Oslo dont il a été le grand architecte en 1993 et qui était censé conduire à la création d'un État palestinien a beau être dans une impasse totale depuis plus de dix ans, Mahmoud Abbas s'accroche toujours à un règlement négocié du conflit israélo-palestinien.

Et ce malgré l'intensification de la colonisation israélienne qui morcelle la Cisjordanie, au point d'empêcher pratiquement la création d'un État palestinien continu et viable, malgré l'augmentation des violences entre l'armée israélienne et des groupes armés palestiniens et malgré la montée des exactions de colons juifs contre des civils palestiniens dans ce territoire occupé par Israël depuis 1967.

Le 15 juillet 2022, lors d'une conférence de presse avec Joe Biden, Mahmoud Abbas "tend la main aux dirigeants israéliens pour réaliser la paix des braves"
© France 24

Cette position tranche avec l'humeur d'une rue excédée par l'impuissance de Mahmoud Abbas et l'Autorité palestinienne face à un gouvernement israélien formé fin décembre par Benjamin Netanyahu grâce au soutien d'une extrême-droite partisane de la ligne dure face aux Palestiniens.

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Depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas contre Israël, Mahmoud Abbas est resté très discret, alors que de nombreux Palestiniens, partisans du Hamas ou pas, saluaient sur les réseaux sociaux ce qu'ils considèrent comme une "défaite humiliante" d'Israël, et affichaient leur soutien au groupe.

Plus de 1 400 personnes ont été tuées côté israélien depuis le 7 octobre, en majorité des civils massacrés par le Hamas ce jour-là, selon les autorités israéliennes. Dans la bande de Gaza, au moins 4 385 Palestiniens ont été tués dans les bombardements incessants menés en représailles par l'armée israélienne, selon le dernier bilan des autorités locales.

"Abbas, dégage !"

Le 16 octobre, une déclaration publiée par l'agence officielle palestinienne dans laquelle Mahmoud Abbas affirmait que "les politiques et les actions du Hamas ne représentent pas le peuple palestinien" a suscité des réactions indignées, avant d'être retirée.

Le lendemain, la frappe d'origine contestée dans l'enceinte de l'hôpital Ahli Arab de Gaza, qui a fait des dizaines voire plusieurs centaines de morts, a déclenché des manifestations en Cisjordanie. À Ramallah, des centaines de Palestiniens ont protesté aux cris d'"Abbas, dégage ! Dégage !" avant d'être dispersés manu militari.

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"Abbas a parié sur la communauté internationale en croyant qu'elle contraindrait Israël à se retirer des Territoires occupés pour donner aux Palestiniens un État", analyse pour l'AFP Ubai Aboudi, directeur du Bisan Center for Research and Development, un centre de réflexion basé à Ramallah. "Or la communauté internationale a montré qu'elle fait peu de cas du sang versé par les Palestiniens et de leur souffrance, d'où la colère populaire."

Selon une enquête d'opinion publiée en septembre par le Palestinian Center for Policy and Survey Research (PSR), avant la guerre, 78 % des Palestiniens étaient favorables à une démission de Mahmoud Abbas, 88 ans. Au pouvoir depuis 2005, son Autorité ne s'exerce que sur des portions de la Cisjordanie, après avoir été délogée de la bande de Gaza en 2007 par le Hamas.

En outre, 58 % des personnes interrogées étaient favorables à la "lutte armée" pour mettre fin à l'occupation israélienne, contre 20 % pour un règlement négocié et 24 % pour une "résistance pacifique".

"Une position perdant-perdant"

Aux yeux de ceux qui la contestent, "l'Autorité palestinienne est de plus en plus assimilée, soit par inaction, soit par coopération sécuritaire, à la politique d'Israël", estime le politologue Xavier Guignard, spécialiste des Territoires palestiniens.

Pour Hugh Lovatt, chercheur au Conseil européen des relations internationales (ECFR), "avec le durcissement de l'opinion publique palestinienne en faveur de la résistance armée, l'Autorité palestinienne prend le risque d'être emportée si elle continue à ne pas suivre la voix du peuple palestinien".

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La position de Mahmoud Abbas est d'autant plus intenable qu'il est "poussé par les États-Unis et Israël à réprimer plus durement le Hamas et les autres groupes armés en Cisjordanie, ce qui éroderait davantage sa position", note-t-il.

"Coincée entre l'opinion publique et les attentes américaines, l'Autorité palestinienne a jusqu'à présent évité de prendre une position claire, ce qui ne l'a pas aidée non plus. Il se trouve donc dans une position perdant-perdant", ajoute l'analyste.

Omar Khatib, un jeune ayant manifesté vendredi à Ramallah en soutien aux Palestiniens de Gaza, ne mâche pas ses mots : "La résistance affronte Israël à Gaza et nous affrontons l'Autorité ici car elle n'est qu'un outil aux mains de l'occupation pour nous réprimer en Cisjordanie."

Avec AFP

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