Pascal Légitimus : « Le confinement pour moi, c’était plutôt agréable »

Auteur, humoriste, réalisateur, Pascal Légitimus s’est confié à Version Femina sur le confinement et sur l’impact que la crise du coronavirus a eu sur ses projets. Sans détour, il nous parle de son métier et du plaisir qu’il prend toujours à l’exercer.
Propos recueillis par Edouard Riaud
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Version Femina : On sort d’une période assez particulière, et surtout assez inédite. Comment l’avez-vous vécue personnellement ?

Pascal Légitimus : C’est une question à laquelle j’ai beaucoup répondu ces temps-ci (rires). En ce qui me concerne plutôt bien, tout simplement parce que j’ai l’habitude d’être confiné. En tant que créatif et auteur je suis souvent chez moi ou dans des endroits retirés, dans un hôtel ou un gîte. Le confinement pour moi c’était donc plutôt d’agréable. C’est peut-être indécent de dire ça aujourd’hui car certaines personnes en ont beaucoup souffert, mais j’ai la chance d’avoir une grande maison avec un grand jardin. Le grand avantage c’était d’avoir mes proches avec moi au quotidien, de voir grandir mes filles. En général on dépose ses enfants le matin à l’école et on les récupère le soir…

Artistiquement, dans une situation extra-ordinaire, un comédien et auteur tel que vous doit trouver de la matière... Le confinement vous a inspiré ?

Ce confinement a été propice pour une réflexion sur le monde. J’ai beaucoup échangé avec des artistes et des amis sur le devenir de la France. On a fait quelques petits trucs ponctuels, des gags entre nous… Personnellement, depuis deux ans je suis en train d’écrire un scénario qui se déroule dans un hôpital. Je ne vais pas parler du confinement ni du Covid-19 mais j’espère qu’à sa manière il rendra hommage au personnel soignant. En fait je ne voudrais pas que mon film soit daté. Je ne peux pas trop en parler mais c’est un sujet universel, avec de l’humain. C’est une comédie, avec des situations un peu graves, mais je ne ferai pas d’allusion, ou alors subliminale, à la crise qui nous touche aujourd’hui.

A la crise sanitaire s’ajoute une crise économique, qui frappe notamment de plein fouet l’industrie culturelle. Cela vous inquiète-t-il ?

Pour le spectacle vivant ça va être très compliqué. J'ai du mal à imaginer une salle de 600 places remplie au tiers, avec un public qui porte des maques, des techniciens qui doivent désinfecter tous les accessoires dès qu'un acteur les touche et des comédiens qui respectent la distanciation sociale…. Cela dénaturerait trop œuvres. Pour l’audiovisuel, en revanche, je pense qu’il n’y aura pas de souci. Les tournages reprennent. J’en ai un dans trois semaines à Bordeaux et un autre à Mandelieu en juillet. On va devoir s’adapter mais ça va aller.

Donc vous n’êtes pas tellement inquiet pour votre film ?

Moi j’écris car j’ai besoin d’écrire. Je fais ce métier là car j’ai besoin de transmettre quelque chose pour que ça bouge. Si je ne pouvais pas faire mon film, je ferais autre chose. Je m’exprimerais différemment. Récemment, je lisais un article dans lequel était écrit : « si le monde était parfait, il n’y aurait pas d’humoristes ». Les artistes sont utiles et nécessaires. Ils ont une fonction sociale pour enjoliver la nature, pour dénoncer, pour énoncer les choses. Tous les artistes quels qu’ils soient, ont une raison d’être. Avec Les Inconnus on s’est exprimé. C’était toujours apolitique mais derrière il y avait toujours du sens. L’important c’est le message. Pas le film ou le spectacle en tant qu’objet.

En tant qu’humoriste, j’imagine que vous avez été particulièrement touché par la disparition de Guy Bedos… Il représentait quoi pour vous ? Vous le connaissiez personnellement ?

Dis donc, c’est sinistre vos questions. Le confinement, la mort…. (rires)

Quand quelqu’un meurt on est toujours touché… Moi je ne le connaissais pas personnellement mais c’est quelqu’un qui a ouvert la voie. C’était l’un des premier stand-uper français comme il en existait aux Etats-Unis. Robert Lamoureux, Raymond Devos, Guy Bedos… Ils nous ont fait plaisir, ils nous ont fait rire… C’était d’ailleurs quelqu’un d’engagé…

… Justement, Guy Bedos était très politique, parfois acide, voire féroce. Avec Les Inconnus vous étiez plutôt apolitique et préfériez dénoncer à travers la parodie. C’était un choix ou vous ne vous sentiez pas à l’aise avec l’idée de dénoncer les choses plus frontalement ?

Je pense qu’on disait la même chose que Guy Bedos à la différence que nous nous interprétions des personnages. On avait installé un pare-feu. Guy Bedos il parlait en son nom. C’était son propre sentiment qui se traduisait à travers des sketchs. Nous, quand on faisait un flic ou un chasseur, c’était un flic ou un chasseur qui s’exprimait. Ce n’étaient pas Les Inconnus. On avait instauré une distance entre nous et le propos. La forme était différente mais je pense que l’impact était le même.

Comme tous les humoristes, vous avez quand même en commun avec Guy Bedos le plaisir de manier les mots. Vous l’avez prouvé avec votre livre L’Alphabêtisier. Comment vous est venue l’idée d’un tel livre ?

Ce n’est pas mon idée, c’est celle d’un ami journaliste, Gilbert Jouin. Un jour il m’a dit : « si on enlève une lettre à un mot, ou si on en rajoute une, ça donne un nouveau mot, un néologisme ». Il m’a donné l’exemple du mot « dépôt-ventre ». La définition c’est « femme-porteuse ». Je suis rentré chez moi et le soir j’ai trouvé le mot « aristocrade ». On s’est donc mis à inventer des mots qui pouvaient être utiles dans des situations où le mot nous manquait. On a donc refait tout l’alphabet comme ça.

Et quel est le mot de votre dictionnaire qui vous définirait le mieux ?

Metis-sage

Vous avez de nouveaux projets à part votre film ?

Récemment j’ai fait un guest dans les séries H24, Réunion et Munch. J’ai la chance de recevoir pas mal de propositions mais je n’accepte que celles qui m’offrent la possibilité de composer un personnage comme je pouvais le faire avec Les Inconnus. Il n’y a que ça qui me fait vibrer. C’est pour ça que j’ai accepté d’apparaitre dans ces trois séries.

Vous participez également depuis de nombreuses années à la série Vestiaires sur France 2. C’est important pour vous de mettre en avant le handicap à la télévision ?

Bah écoutez, la réponse est dans la question. Il s’avère que j’ai assisté aux prémices du projet, et comme je trouvais qu’en France on était très en retard sur la représentation du handicap, j’ai donc dit au créateur que je serai ravi de donner un coup de main si besoin. Et il m’a rappelé trois mois plus tard pour m’offrir un petit rôle. Et depuis huit ans, j’essaye de participer à chacune des saisons. Je pars d’ailleurs tourner de nouveaux épisodes à la fin du mois de juin.

Dernière question, incontournable, avez vous des projets en cours avec Les Inconnus ?

Joker… (rires). Pour l’instant je ne peux pas répondre. C’est toujours Bernard Campan le plus réticent de nous trois. Il est encore en stand-by, en warning… Là il termine son film. Moi je vais réaliser le mien l’année prochaine. Donc s’il devait y avoir quelque chose, ce serait éventuellement – vous voyez je pèse mes mots – en 2023, voire 2024, mais pour l’instant c’est statu quo.

le 08/06/2020