L'Incrédulité de Thomas

L'Incrédulité de Thomas

Une composition très harmonieuse

Le Christ est apparu au milieu du cercle des Apôtres, dans un cénacle où on ne voit aucune porte. Il demande à Thomas de vérifier la véracité de la Résurrection en touchant ses plaies. Thomas approche son doigt de la plaie du côté. Jésus, juvénile, rayonnant, le regarde dans les yeux avec bonté. Thomas, lui, a les yeux rivés dans ceux du Seigneur. Vêtu du seul linceul, celui-ci met en évidence ses cinq plaies. Les Apôtres, autour d’eux, ne perdent pas une miette de ce mo-ment extraordinaire. Les visages sont recueillis ou stupéfaits, certains prient, se concertent, ou contemplent Jésus.

La composition est très harmonieuse. Le Christ est placé au centre sous la partie cintrée et la plus haute du retable, qui forme comme une arcade. Les deux fenêtres, également cintrées – ce qui donne beaucoup d’équilibre –, ouvrant sur deux paysages, peuvent symboliser les deux natures du Christ. Le ciel bleu et les vues de paysages très calmes et sereins renforcent l’idée de bonheur liée à la Résurrection. C’est déjà la Renaissance classique, celle de Raphaël, avec son amour de la symétrie. Les couleurs, parfaitement équilibrées mais toutes également lumineuses, se répondent, comme chez Pérugin, le maître de Raphaël.

À cette époque en Italie, la perspective géométrique est désormais parfaitement maîtrisée. Le dallage comme le plafond à caissons donnent l’illusion de la troisième dimension et permettent au spectateur d’entrer dans le tableau et de s’identifier aux Apôtres.

Pour une confrérie charitable

L’œuvre est datée et signée sur un cartellino (papier peint en trompe-l’œil) en bas à droite, près du cadre. Y figurent aussi, sur un autre petit écriteau en bas au centre, sous les pieds du Christ, les noms de la Confrérie (en dialecte vénitien, une scuola) de saint Thomas à Portogruaro (localité au nord de Venise), San Tommaso dei Battuti. C’est une confrérie de pénitents qui fonda quatre hôpitaux dans cette petite ville.

Un thème cher à Cima

Cima fut marqué par l’exemple de son aîné de trente ans, Giovanni Bellini, un des plus grands peintres vénitiens. Tous deux sont les maîtres de la couleur chatoyante et du rendu de l’inimitable lumière de Venise. Quelle beauté dans ces vert émeraude, safran, bleu pervenche ou lavande, lie-de-vin et amarante…

Cima a peint un autre grand tableau d’autel (2 m de haut) sur ce thème, pour la Confrérie des maçons en l’église vénitienne San Samuele, conservé à la Galleria dell’Accademia à Venise. Il y a choisi un autre point de vue : ses personnages sont comme de majestueuses statues, vues devant un paysage des Alpes à travers une grande arcade. C’est une scène de dévotion : à Jésus et Thomas, il adjoint un saint évêque qui contemple pieusement la scène.

Marie-Gabrielle Leblanc

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