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Tyrannicide et régicide dans la tragédie française du XVIe s. (Strasbourg)

Tyrannicide et régicide dans la tragédie française du XVIe s. (Strasbourg)

Publié le par Marc Escola (Source : Nina Hugot)

Tyrannicide et régicide dans la tragédie française du XVIe siècle

Journée d’études organisée par Sandrine Berrégard et Nina Hugot

à l’Université de Strasbourg (vendredi 8 novembre 2024)

Dans le cadre du projet ANR Melponum – Melpomène à l’ère du numérique consacré à l’édition et à la valorisation des corpus théâtraux de la Renaissance française, Sandrine Berrégard et Nina Hugot organisent à Strasbourg le vendredi 18 octobre 2024 une journée d’études intitulée « Tyrannicide et régicide dans la tragédie française du XVIesiècle », qui visera à proposer un panorama des pièces mettant en scène ces évènements, à réfléchir aux modalités et aux implications de leur représentation ou encore à proposer des analyses de leur réception. Les possibilités de réflexion sont multiples autour de ces deux notions, mais les communications pourront par exemple suivre les pistes suivantes :

1. Quelle place occupent respectivement le tyrannicide et le régicide dans la tragédie du xvie siècle ? S’il peut d’abord sembler que la tragédie politique est la plus directement concernée, il arrive que le crime revête aussi un caractère domestique ou familial (La Tragédie d’Agamemnon de Toutain) ; on pourra alors réfléchir à la figure du tyran domestique, ou encore étudier les rapports entre le tyrannicide et le patricide, voire le matricide (on peut penser à Clytemnestre, chez Toutain mais également dans Electra de Baïf), ce qui conduirait à poser la question du genre, assez absente de la réflexion sur le tyrannicide d’ordinaire compris dans sa seule dimension politique[1]. 

2.  Quelles sont ensuite les modalités de représentation ou de narration d’un acte qui touche à un interdit fondamental situé au cœur même du régime monarchique et de la société d’Ancien Régime ? Les difficultés liées à la représentation de la mort au théâtre, qui se posent assez différemment aux XVIe et XVIIe siècles[2], seront ici à ressaisir dans le cadre politique de la représentation de la mort du Roi. En effet, même si le sujet appartient bien souvent à l’histoire ancienne, il entre nécessairement en résonance avec les temps présents, ce qui le rend plus problématique encore.

3.  Les tragédies qui mettent en scène régicide ou tyrannicide entendent-elles précisément agir sur l’actualité ? Il importera de distinguer les sujets historiques (celui de l’assassinat de César dans Iulius Caesar de Marc-Antoine Muret puis César de Grévin, ou encore celui du meurtre du roi Kanut dans l’anonyme Tragedie Françoise du Bon Kanut, Roy de Dannemarch,) et les sujets d’une brûlante actualité (La Guisiade de Mathieu, La Mort de Henri IV de Billard[3]). La tragédie orientale n’est pas non plus en reste, comme le montre par exemple L’Exécrable Assassinat perpétré par les Janissaires en la personne du sultan Osman de Coppée. L’histoire antique ou orientale fonctionnerait-t-elle comme une métaphore pour dire le présent et le proche ? Les composantes spatiale et temporelle de la fable tragique jouent à cet égard un rôle décisif.

4. Pour quelles raisons les dramaturges font-ils le choix d’un tel sujet ? Quelles sont les finalités qu’ils poursuivent ? S’agit-il de montrer un régicide pour le dénoncer et condamner ses auteurs, ou n’y aurait-il pas là une forme de complaisance, un plaisir à représenter l’interdit ? La distinction entre tyrannicide et régicide est ici cruciale. Elle correspond à deux conceptions opposées du pouvoir, sachant qu’un roi ou un empereur est à tout moment susceptible de se transformer en un tyran cruel et sanguinaire. Mais surtout se pose la question de la légitimité du tyrannicide : cela suppose que soient pris en considération le portrait du prince et celui des conspirateurs ou de l’assassin dans le cas d’un acte solitaire. Si le tyrannicide est justifié au nom de considérations supérieures (la préservation d’un groupe opprimé par un seul), le régicide en revanche relève de l’indicible. Sans fixer ce qui constituerait un message des pièces, on pourra ainsi réfléchir aux objectifs militants ou non des dramaturges dans le cadre de la représentation de ces évènements. Dans tous les cas, les pièces devront être replacées dans le contexte sociopolitique qui les a vu naître.

La réflexion sur le tyrannicide étant loin de se limiter à la France, seront acceptées des communications de type comparatistes, constituées autour de corpus théâtraux européens également traversés par ces questions. De même, cette problématique étant également présente au xviie siècle, surtout après le précédent que constituent les meurtres d’Henri III puis d’Henri IV, comme le montre le genre de la tragédie de la conjuration abondamment pratiquée (Cinna de Corneille, La Mort de César de Scudéry, La Mort de Sénèque de Tristan[4]), une ouverture vers l’époque Louis XIII est souhaitable, afin que soit interrogé le rapport de la dramaturgie du xvie à celle du xviie siècle.

Les propositions de communications accompagnées d’un bref CV devront être envoyées à :

Sandrine Berrégard (berregard@unistra.fr) et Nina Hugot (nina.hugot@univ-lorraine.fr) avant le 15 janvier 2024.

 

 

 

Bibliographie indicative

 

Ouvrages et articles d’histoire

Turchetti Mario, Tyrannie et tyrannicide de l’Antiquité à nos jours, Paris, PUF, 2001.

Dubois-Nayt Armel, « La tyrannie travestie ou le genre au service du tyrannicide », Cercles, n° 16, 2006, p. 33-43.

Bjaï Denis et Menegaldo Silvère, Figures du tyran antique au Moyen Âge et à la Renaissance. Caligula, Néron et les autres, Paris, Klincksieck, 2009.

Ducrocq Myriam-Isabelle et Ghermani Laïla (dir.), Le Prince, le despote, le tyran : figures du souverain en Europe de la Renaissance aux Lumières, Paris, Honoré Champion, 2019.

 

Sur le théâtre XVI-XVII

Cauvin Louisa, « Note sur une tragédie anonyme du seizième siècle : ‘Kanut roy de Dannemarch’ », dans Studi di Letteratura Francese, janvier 1974, vol. 3, t. 1, p. 86-92. Consulté en ligne le 14/01/2015. URL : http://search.proquest.com.janus.biu.sorbonne.fr/pio/docview/1298099846/CDB3A94B7F5E4E74PQ/1?accountid=13083

Miola Robert S., « Julius Caesar and the Tyrannicide Debate”, Renaissance Quarterly, Vol. 38, No. 2 (Summer, 1985), pp. 271-289 [URL: http://www.jstor.org/stable/].

Millet Olivier, « L’assassinat politique sur la scène au temps des guerres de religion : trois pièces d’actualité », Vives lettres, vol. 4, 1997, p. 7-44.

Michel Lise, « Régicide et dramaturgie dans la tragédie française, de La Mort de César de Scudéry (1636) à la Rosemonde de Baro (1651) », Littératures classiques, vol. 67, no. 3, 2008, pp. 115-129.

Ferradou Carine, « “Securus est quem civium servat fidem” – “He whom the citizen’s loyalty preserves is safe” (Baptistes, scene viii, l. 1213) : The people, the King and the Tyran in George Buchanan’s Dramatic and Political Works », Études Épistémè, n° 15, 2009, [URL : http://journals.openedition.org.janus.biu.sorbonne.fr/episteme/700].

Nathalie Catellani-Dufrêne, « Tyran et tyrannicide dans l’œuvre de George Buchanan », dans Boulègue Laurence, Casanova-Robin Hélène et Lévy Carlos (dir.), Le Tyran et sa postérité dans la littérature latine de l’Antiquité à la Renaissance, Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 349-366.

Bouteille Charlotte, « La représentation du régicide dans le théâtre d’actualité au début du xviie siècle », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 32 | 2016, mis en ligne le 08 décembre 2019, consulté le 18 septembre 2023. [URL : http://journals.openedition.org/crmh/14083].

Teulade Anne, Le Théâtre de l’interprétation. L’histoire immédiate en scène, Paris, Classiques Garnier, 2021.

 


 
[1] S. Berrégard, article « Tyrannie », Lethictionnaire en ligne. [URL : https://lethica.unistra.fr/lethictionnaire/article/tyrannie]
[2] Voir par exemple N. Hugot, « “Quel piteux accident se presente à mes yeux !” : mourir sur la scène tragique au XVIe siècle », Universo Mondo, n° 46, dir. Rosanna Gorris et le Gruppo di Studio sul Cinquecento Francese, avril 2019 [en ligne : http://www.cinquecentofrancese.it/images/cinquecento/bollettini/UM46/Hugot%20UM46.pdf]
[3] Voir Chr. Zonza, « La tragédie à sujet actuel : La Mort d’Henri IV de Claude Billard », RHLF, n° 6, novembre-décembre 2000, p. 1459-1479
[4] Voir à ce sujet l’article de D. Moncond’huy, « La tragédie de la conjuration et ses enjeux au xviie siècle », Complots et coups d'État sur la scène de théâtre, XVIe -XVIIe siècles, Vives Lettres, n° 4, 1997.