Philippe Séguin dans l'unanimité

 Philippe Séguin, président de la cour des comptes, est mort dans le courant de cette nuit de mercredi à jeudi à l'âge de 66 ans. Il a succombé à une crise cardiaque.
L'Est Républicain - 07 janv. 2010 à 08:26 | mis à jour le 07 nov. 2019 à 16:27 - Temps de lecture :
 | 

Philippe Seguin, premier président de la Cour des Comptes, est mort dans la nuit de mercredi à jeudi à l'âge de 66 ans, a-t-on appris jeudi auprès de l'UMP.  Il est décédé  à son domicile à Paris, dans le XVè  arrondissement, selon une source policière. Il aurait succombé  à une crise cardiaque/ Ancien ministre des Affaires sociales et de l'Emploi, il a été président de l'Assemblée nationale française de 1993 à 1997 et président du Rassemblement pour la République de 1997 à 1999, avant d'en claquer la porte.

François Fillon a fait une déclaration jeudi à 10H30 à Matignon après la mort du premier président de la Cour des Comptes Philippe Séguin, dont il a été un proche collaborateur, ont annoncé ses services.  Le Premier ministre avait notamment combattu aux côtés de Philippe Séguin
dans la campagne contre le référendum du traité de Maastricht en 1992. Il faisait partie de sa garde rapprochée lorsque celui-ci présidait le RPR, entre 1997 et 1999. François Fillon a estimé qu'avec la mort de  Philippe Séguin, l'un de ses mentors politiques, il perdait «un ami» et que la
France perdait «l'un de ses plus grands serviteurs» et «l'une de ses plus belles voix politiques», «toujours féconde, parfois tourmentée».

Inattendu

Philippe Séguin était encore «en grande forme» mercredi, quelques heures avant son décès, et a continué jusqu'au bout à  travailler sur plusieurs dossiers, a déclaré un conseiller maître à la Cour de comptes, Daniel Houry.     Selon le service de communication de la Cour des Comptes, dont Philippe  Séguin était premier président depuis 2004, il est mort d'une crise cardiaque à son domicile parisien vers 06H00.
    «J'étais avec lui hier (mercredi) matin, on a pris un petit déjeuner avec  l'économiste Jean-Paul Fitoussi ; Philippe Séguin était en grande forme, on a rigolé, discuté, travaillé, ça allait très bien», a expliqué Daniel Houry.  on décès, survenu dans la nuit de mercredi à jeudi à l'âge de 66 ans, est  «complètement inattendu», a-t-il estimé, évoquant «une surprise, un choc, une émotion extraordinaire à la Cour des Comptes», dont Philippe Séguin était le premier président.     «C'était un gros travailleur, il était au bureau à 07H30 et repartait à 20H30 ou 21H00», a-t-il ajouté, précisant qu'il n'avait pas constaté de «baisse de régime» dans le rythme de l'ancien président de l'Assemblée nationale.     Selon Daniel Houry, Philippe Séguin travaillait encore avant sa mort «sur  beaucoup de dossiers, principalement la réforme en cours des juridictions financières».
    Les modalités des obsèques de M. Séguin n'étaient pas encore connues et devraient être arrêtées par l'Elysée.

Alain Pichon assure l'intérim

Le doyen des présidents de chambre de la Cour des Comptes, Alain Pichon, va occuper le poste de premier président par intérim à la
suite de la mort de Philippe Séguin, a-t-on appris jeudi auprès de la juridiction financière.  Alain Pichon, 64 ans, président de la quatrième chambre de la Cour de  Comptes, remplace automatiquement Philippe Séguin, dans l'attente de la nomination d'un successeur par décret pris en conseil des ministres.  Le premier président par intérim est né le 29 novembre 1945 à Ajaccio (Corse) et est diplômé de l'Ecole nationale d''administration (ENA). Il a été, de 1987 à 1991, secrétaire général de la Cour des comptes, et a ensuite présidé des
chambres régionales des Comptes (Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d'Azur).

 

Le "grizzly" s'est  retiré

Le "grizzly" s'est donc retiré. Philippe Séguin,premier président de la Cour des Comptes et ancien ministre gaulliste, était une forte personnalité de la droite française, qui a bâti sa carrière politique sur de fameux "coups de gueule" en plaçant au premier plan un sourcilleux besoin d'indépendance.   Le 16 avril 1999, il claque la porte de la présidence du RPR. La démission soudaine du grizzly« est bien dans le caractère de cethomme ombrageux et inclassable. Il est tellement solitaire qu'il sera toujours un baryton sans orchestre», dira de lui Jacques Chirac, cité par Franz-Olivier Giesbert dans La tragédie du président« (Flammarion).  Les deux hommes ont, il est vrai, toujours eu des relations
houleuses. Et en 1999, c'est parce qu'il refuse la mainmise de l'Elysée sur le RPR que Philippe Séguin démissionne à six semaines des élections européennes, après deux années passées à la tête du parti gaulliste. Il laisse à son second, Nicolas Sarkozy, le soin de
gérer les décombres.   Décrit comme un tyran par ses collaborateurs, Philippe Séguin morigène adversaires et "amis" avec la même fougue. Ses longs soupirs, ses yeux levés vers le ciel lorsqu'on lui parle de tel ou tel en disent long sur l'estime dans laquelle il tient la
quasi-totalité du personnel politique.    Gaulliste avant tout, homme du "non" à Maastricht, il a représenté la "conscience de gauche" du RPR. Du gaullisme, il a pu dire avec Charles Pasqua qu'il est "ce qu'il y a de mieux à droite et ce qu'il y a de mieux à gauche". A gauche, précisément, il a suscité l'estime de beaucoup. Pierre Bérégovoy, en son temps, a souvent rendu hommage à "cet homme respectable".
   Les Français le découvrent en 1986 lorsque Jacques Chirac, alors Premier ministre de la première cohabitation, l'appelle au ministère
des Affaires sociales et de l'Emploi. A ce poste, il supprimera l'autorisation administrative de licenciement.    Quarante ans plus tôt, Philippe Séguin fréquentait le lycée Carnot de Tunis, où il est né le 21 avril 1943 et passa dix années. En France, il poursuit sa scolarité au lycée de Draguignan puis, baccalauréat en poche, cet élève brillant, pur produit de l'école publique, décroche une licence de lettres. Diplômé de l'Institut
d'études politiques d'Aix-en-Provence, il réussit le concours de l'ENA. Il devient en 1973 conseiller à l'Elysée, sous Georges Pompidou.
   Elu député des Vosges en 1978, il occupe une place de plus en plus importante au RPR, ce qui lui vaut son ministère en 1986. Entre
temps, il est devenu maire d'Epinal.  Après la cohabitation, ce grand amateur de football, devenu un mammouth« du RPR, s'allie avec Charles Pasqua contre Jacques Chirac. Mais son offensive est contrée par Alain Juppé, alors secrétaire général du mouvement.   L'année 1992 sera celle de la consécration. Il prend avec Charles Pasqua la tête des opposants au traité européen de Maastricht. A l'Assemblée nationale, une nuit de juin, il consacre trois longues heures à dépecer le traité, sous l'oeil approbateur de Jean-Pierre Chevènement, ce républicain de l'autre rive». Son réquisitoire contre les pertes de souveraineté qu'implique Maastricht fera vaciller la moitié du groupe RPR. Jacques Chirac, alors président du RPR, se fera copieusement siffler lorsqu'il annoncera devant les cadres du mouvement son "oui" au référendum.
   Honneur suprême, c'est Philippe Séguin que François Mitterrand choisit pour débattre à la télévision du traité de Maastricht, qui sera ratifié d'extrême justesse en septembre 1992. La défaite, si courte, équivaut à un triomphe pour le député-maire d'Epinal.    Ce hussard de la République anime ensuite d'une façon décisive la campagne présidentielle de 1995, si mal engagée pour Jacques Chirac. Il se transforme en redoutable pourfendeur de la "pensée unique", symbolisée à ses yeux par Edouard Balladur.    Dénonçant un "Munich social", il exige le retour du politique dans ce monde dominé par les marchés financiers où les gouvernants "ne semblent avoir prise sur rien".
   Mais après la victoire de Jacques Chirac, c'est son rival de  toujours, Alain Juppé, qui s'installe à Matignon. Jugé décidément
trop incontrôlable, il revient à la présidence de l'Assemblée nationale, conquise en 1993, d'où il défend sa vision exigeante de
la société et ne se prive pas de critiquer l'action du Premier ministre.    Fin mai 1997, Jacques Chirac fait appel à lui entre les deux
tours des législatives pour tenter de retourner la situation. Mais il n'y aura pas "d'effet Séguin" : Matignon revient encore à un
autre, le socialiste Lionel Jospin.    En 2001, Philippe Séguin se lance un nouveau défi en prenant la tête de la liste RPR pour la mairie de Paris, alors tenue par Jean Tiberi. Mais la droite est divisée, et la campagne tourne à l'humiliation publique: c'est le socialiste Bertrand Delanoë qui l'emporte.
   Philippe Séguin abandonne tous ses mandats un an plus tard, refuse d'entrer à l'UMP et regagne son corps d'origine: en 2004, il
devient premier président de la Cour des comptes, d'où il était inamovible jusqu'en 2012. Cela aurait pu être une retraite sans
gloire, mais l'homme s'y épanouit en distribuant bons et -surtout- mauvais points aux gouvernements successifs sur la gestion des
deniers publics.

 

 Lire aussi Un jour à Epinal

                     Philippe Seguin

                     Les réactions

                     L'hommage de Nicolas Sarkozy

                     La métamorphose d'Epinal

                     L'ombrageux franc-tireur du gaullisme

                     A Epinal, les drapeaux en berne

                     Philippe Séguin vu par L'Est Républicain

                     Les larmes de François Fillon

                     Les grandes dates de sa carrière

                     Une journée à Epinal (article de 2004)

                    A Epinal, Michel Heinrich, l'héritier

                    La nomination à la cour des comptes (article de 2004)

                    Séguin ou l'échappée foot d'un président (article de 2006)

                   Parcours de passions, passion de parcours: l'hommage de Denis Antoine,                    

A voir aussi, un portrait de Philippe Seguin en plusieurs vidéos sur le site de l'INA

 

 

 

Sur le même sujet