Karachi - Renaud Donnedieu de Vabres a été entendu sur le volet financier de l’affaire. Il a été remis en liberté hier en fin d’après-midi. François Léotard et Edouard Balladur devraient suivre Un ancien ministre entendu

L'Est Républicain - 15 déc. 2011 à 05:00 | mis à jour le 15 déc. 2011 à 08:11 - Temps de lecture :
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Renaud Donnedieu de Vabres n’a pas été présenté à un juge.  Photo AFP
Renaud Donnedieu de Vabres n’a pas été présenté à un juge. Photo AFP

IL FAUT CROIRE QUE RENAUD VAN RUYMBEKE et Roger Le Loire qui, depuis septembre 2010 traquent les éventuelles rétro commissions versées dans le cadre des contrats d’armement signés sous le gouvernement Balladur ont fortement progressé dans leur enquête puisqu’ils ont placé en garde à vue, mardi matin, Renaud Donnedieu de Vabres (RDDV) l’ancien conseiller de François Léotard, ministre de la Défense. Les enquêteurs de la Division nationale des investigations financières (DNIF) de la DCPJ l’ont cependant remis en liberté sans le présenter à un juge. Pourtant la justice est convaincue qu’il était aux premières loges lors de la vente de sous-marins au Pakistan en 1994 (contrat Agosta) et de frégates à l’Arabie Saoudite en 1995 (contrat Sawari 2).

Interrogé une première fois en novembre 2010, l’ancien ministre de la Culture avait déclaré que le contrat de sous-marins n’avait rien à voir avec le financement occulte de la campagne de Balladur pour la présidentielle de 1995.

Deux Libanais

On connaît la suite. Jacques Chirac a eu la préférence des Français. Une fois à l’Elysée, il a fait cesser le versement des commissions liées à ces contrats en raison des soupçons de rétro commissions allant au clan Balladur. La justice cherche à savoir désormais si l’arrêt du versement des commissions pourrait être à l’origine de l’attentat de Karachi qui, le 8 mai 2002 a fait 15 morts dont 11 Français travaillant à la construction des sous-marins. Ce volet de l’affaire est instruit par le juge anti-terroriste Marc Trévidic.

Les enquêteurs de la Division nationale des investigations financières (DNIF) de la DCPJ qui travaillent sous les ordres des juges financiers s’intéressent en même temps au rôle de Donnedieu de Vabres pendant la campagne d’Edouard Balladur. Car, depuis son premier interrogatoire, de nouveaux témoins sont venus contredire sa première version des faits. Notamment le préfet Patrick Molle, alors à la DGSE, les services de renseignements français. « Tout le monde sait qui a imposé les intermédiaires libanais dans le contrat Agosta » a déclaré l’ancien espion au journal Le Monde en novembre 2010.

Un dossier politique

« Renaud Donnedieu de Vabres traitait tout cela directement avec le ministre. » Les deux intermédiaires en question sont Ziad Takkiedine et Abdulrahmann El-Assir.

C’est ici que l’affaire prend une tournure plus politique. Les deux intermédiaires ont perçu d’énormes commissions pour rémunérer les intermédiaires. Ils en ont aussi rétrocédé une partie à leurs amis français. Le 26 avril 1995 une somme de 10 MF (1,5 M euros) est versée en espèces sur le compte de campagne de Balladur dont la moitié en billets de 500 F (75 euros). Pourtant, le Conseil constitutionnel présidé par Roland Dumas a validé les comptes contre l’avis des rapporteurs. Balladur affirme sans rire que cette somme en liquide provient de la vente de tee-shirts !

Comment s’est effectué le transfert de fonds ? Un rapport secret intitulé Nautilius trouvé au siège de la DCN (direction des constructions navales) révèle le mécanisme des mouvements de fonds. Information confirmée à la justice par le directeur financier Gérard-Philippe Menayas selon lequel une société écran, baptisée Heine, a été créée au Luxembourg. Celle-ci aurait été « directement supervisée » par Nicolas Sarkozy selon les policiers luxembourgeois.

Il est vrai que l’actuel locataire de l’Elysée était à l’époque ministre du Budget de Balladur et porte-parole de sa campagne électorale.

Nicolas Sarkozy est aujourd’hui protégé par son statut de chef de l’Etat. Ce qui n’est pas le cas pour plusieurs de ses proches. Ziad Takkiedine, Nicolas Bazire et Thierry Gaubert ont été mis en examen pour « complicité d’abus de biens sociaux. »

L’enquête se poursuit.

Marcel GAY