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Guy Marchand, mort d’un rêveur

J’avais eu l’occasion de discuter avec Guy Marchand avec une grande gourmandise. Mine de rien, ce dandy frenchy, tour à tour, chanteur-crooner de Jazz, acteur populaire mais aussi Césarisé pour son rôle dans Garde à vue, et auteur, faisait totalement partie de notre inconscient collectif. Un vrai discret qui se rappelait régulièrement à notre bon souvenir tout en gardant une certaine distance. A force de cultiver cette distance, le voici aujourd’hui disparu comme il vécut. Avec discrétion, charme, distance, par petites touches surréalistes, ciao dandy !

(Photo APS-MEDIAS/ABACAPRESS.COM)

Au-delà des modes et du star-system, Guy Marchand occupe une place à part, celle d’un rêveur, d’un promeneur. Tour à tour chanteur, acteur et écrivain, il avoue lui-même qu’il ne s’est « jamais défini ». Si la musique reste son véritable amour, il réserve une place toute particulière à sa carrière littéraire.

C’est à un Guy Marchand particulièrement apaisé que j’ai eu à faire en ce doux mois d’avril. En effet, l’acteur qui aura bientôt 80 000 kilomètres au compteur le 22 mai prochain (« même si je n’en fais que 60 000 ! » ajoute-t-il en riant) avoue avoir tout débranché et en avoir fini avec l’idée de « faire carrière ». Seuls le retiennent à la vie, l’égo, essentiel pour un acteur, et la respiration. S’il est en passe de débrancher l’égo en cultivant cette distance « dandyesque » sur les choses et sur lui-même qu’il cultive depuis longtemps, il avoue humblement son désir de vouloir encore respirer. Guy Marchand se laisse aujourd’hui porter « tel un bouchon sur l’Océan ». Mettant à profit le surf, qu’il a expérimenté sur la côte Atlantique, il laisse passer la vague et flotte, se laissant porter par le courant.

La musique, c’est pour lui le jazz et les crooners tels que Frank Sinatra ou Dean Martin, mais également la clarinette d’Hubert Rostaing, Ray Connif et bien d’autres, dont Elvis qu’il imitait lorsqu’il était jeune.

Guy Marchand ne s’arrête pas musicalement parlant. Après Chansons de ma jeunesse en 2012, puis Folk You en 2015, il vient d’enregistrer un nouvel album. Une sorte d’hommage à Chet Baker, du « Belleville Blues ».

En musique aussi Guy Marchand s’est amusé. En travaillant avec des pointures, Sidney Bechet, Lionel Hampton, Claude Bolling, Fred Manoukian et bien d’autres et en gravant quelques très bons disques. Lorsqu’on lui demande de citer ses préférés, il cite tout de suite le live avec Claude Bolling enregistré en 1988 au Petit Journal Montparnasse, et A guy in Blue car il a aimé « voler les standards ». Lucide sur l’Amérique, il affirme ne pas avoir été un idolâtre, avec toujours cette distance sur les évènements, les hommes et leurs idées. Il aime simplement le son d’un gros V8 sur une départementale française avec du Ray Conniff en fond sonore.

Aujourd’hui barbu, Guy Marchand s’amuse de cette pilosité faciale qui le rajeunit encore « au point d’en énerver les cons ». Même s’il se sent aujourd’hui plus spectateur qu’acteur, sa bonne forme et son statut de vedette populaire lui permettent d’être toujours demandé et c’est ainsi que vous le retrouverez prochainement dans la série télévisée « Dix pour cent » sur France2. Il se souvient de sa jeunesse avec nostalgie, quand il allait au cinéma avec un certain Claude Moine et, s’asseyant au premier rang, sous l’écran, et que tous deux rêvaient alors de passer de l’autre côté de la toile, dans le film. Les deux gamins ont réussi leur rêve. Maintenant, Guy Marchand avoue être tout aussi heureux de regarder les films des autres que de tourner. Au-delà de la modestie de Guy Marchand, on sent toutefois que ce dernier est fier de sa carrière (plus de 100 films) et surtout d’avoir tourné pour nombre de grands noms du cinéma tels que Robert Enrico (Boulevard du rhum), François Truffaut (Une belle fille comme moi), Philippe De Broca (Tendre poulet), Bertrand Tavernier (Coup de torchon), Claude Miller (Garde à vue, Mortelle Randonnée), Alexandre Arcady (Hold-Up), Pierre Granier-Deferre (Noyade interdite), et j’en passe. Il regrette juste de ne pas avoir tourné avec Godard et évoque des projets avortés avec Truffaut et Pialat qui faisait les choses dans la douleur et qui lui rappelle certains « peintres maudits ».

Plus que pour sa carrière ou pour son égo, il est surtout honoré d’avoir fait de belles rencontres, d’avoir souvent été rappelé par certains réalisateurs et de savoir que certaines comédiennes chevronnées l’ont souvent réclamé comme partenaire, « certainement pour mon eau de toilette » blague-t-il.

Une belle carrière, sanctionnée par des succès populaires (Nestor Burma, Les sous doués, La passionnata, Destinée) et un César du Meilleur second rôle pour Garde à vue. Un rôle qu’il n’avait pas préparé et qu’il a simplement joué en regardant Lino Ventura et Michel Serrault. Michel Serrault et Guy Marchand, tous deux primés, ont d’ailleurs dédié leurs Césars à Lino Ventura, «  car il était la maison, les murs, au sein desquels Michel et moi avons joué » m’a-t-il avoué. Il n’était d’ailleurs pas venu chercher son César, persuadé qu’il était de ne pas l’avoir. Souvent nommé, mais jamais récompensé, il était persuadé de ne pas l’avoir et n’était pas venu. D’autant plus qu’il lui était difficile ensuite de trouver une place lors du dîner suivant cette cérémonie. Finissant par en rire, ils avaient même créé une table de ringards avec Galabru et Serrault.

Son César trône aujourd’hui dans ses toilettes.

Aujourd’hui, Guy Marchand est surtout écrivain.

Il a déjà publié 5 livres. Son dernier ouvrage, Carnet d’un chanteur de casino hors saison, est sorti au Cherche Midi en 2015.

Guy Marchand travaille aujourd’hui sur deux livres, un livre sur la Provence et un polar, mais il doit se faire violence et bousculer sa paresse naturelle.

Au fil des livres, Guy Marchand a imposé son style, celui d’un dandy la plume. Il a cette rare distance en littérature du peintre sur sa toile et quand il nous livre le titre de son prochain livre, Les Tournesols de Vincent Van Gogh (le livre publié par Ecriture s’intitule finalement Garçon, un pastis et un peu moins de vent), on ne peut que l’encourager à achever son ouvrage.

Yannick Boutot


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