Le 24 janvier, à la Caserne à Paris, a eu lieu « La fête des fourmis », le tout premier meeting de ce nouveau mouvement politique écologiste. Cet événement a rassemblé des artistes, des activistes et des essayistes engagés pour faire bouger les choses. Le crédo de ce mouvement qui célèbre l’écologie est de « militer dans la joie ». ELLE avait déjà rencontré Flora Ghebali à l'occasion de la sortie de son second essai, « Le syndrome de la fourmi » (Éditions de L’Observatoire, 2023). Retour sur cet entretien.

ELLE. Comment est née l’idée de ce livre ? 

Flora Ghebali. J’ai pu observer, avec Coalitions, à quel point les entreprises et organisations que nous accompagnons ont des points de vue divers sur la question écologique. Mais l’écologie n’est pas une opinion ! C’est une réalité scientifique. Je voulais donc comprendre pourquoi c’était un sujet si clivant et comment créer les conditions d’une écologie universelle. 

ELLE. Vous parlez du « syndrome de la fourmi ». Concrètement de quoi s’agit-il ?

F.G. Cela fait référence à trois idées. Lorsque nous dessinons un cercle autour d’une fourmi, elle pense que le trait de crayon est un mur et n’arrive donc pas à en sortir. Je crois profondément que le problème que nous avons dans la  transition écologique, est que nous ne sommes pas capables de questionner nos systèmes et organisations. Tant que nous essayons de tout changer en restant dans le même cercle, nous ne changerons rien. C’est « la croissance verte » et le «  greenwashing ». Dès lors que nous accédons à la connaissance écologique, nous pouvons nous sentir comme une petite fourmi impuissante. Enfin, il y a l’idée qu’une petite fourmi toute seule ne peut pas faire grand-chose mais que lorsque les fourmis coopèrent, elles peuvent faire beaucoup. 

ELLE. Vous proposez dans votre livre, de changer de lunettes... 

F.G. Ce n’est certainement pas en disant aux autres « Tu ne peux pas être écolo car tu ne tries pas tes  déchets, que tu manges de la viande ou que tu as pris un avion » que les choses avanceront. Toute personne - quelles que soient ses convictions politiques, professionnelles ou son mode de vie - doit changer de lunettes, pour dépasser nos limites et nos barrières mentales. Dans le livre je donne l’exemple des bâtisseurs de cathédrales dans notre Histoire de France. Ils posaient la première pierre tout en sachant très bien qu’ils seraient morts depuis des siècles quand la dernière serait installée, mais ils appartenaient à un projet plus grand qu’eux. Là, c’est pareil mais à la différence des bâtisseurs, nous avons les moyens d’agir beaucoup plus vite et les idées font le tour du monde en quelques heures. Je déconstruis aussi certains clichés comme le fait que l’écologie serait de gauche ou pour les riches, et qu’il ne sert à rien d’agir en France alors que la Chine et l’Inde continuent de polluer.

ELLE. Vous dites qu’il faut dépasser ses croyances pour avancer… 

F.G. Nous vivons dans un monde où chacun croit à sa propre réalité. En plus d’être une vérité universelle, l’écologie doit être un projet politique. La crise écologique est le plus gros défi du siècle, mais il y en a d’autres comme les problèmes de crise sociale profonde, que l’écologie pourrait résoudre. Deux options s’offrent à nous aujourd’hui : soit nous attendons d’avoir une crise, une guerre, une catastrophe pour s’y mettre. Soit nous nous y mettons avant de connaître le pire. A-t-on toujours besoin de chaos pour être capables d’avancer ?  L’Histoire montre plutôt que oui. Mais j’espère que pour la première fois, les humains n’auront pas besoin de chaos pour changer.

 

* Flora Ghebali est également l’autrice de « Ma génération va changer le monde » (Éditions de l’Aube, 2021).