« Anti bling-bling », « pas show off ».     Ceux qui la connaissent louent la discrétion de cette agrégée de lettres qui fut pendant plus de vingt ans la conseillère et la plume de Jacques Chirac, avant de diriger le château de Versailles. « Elle a la curiosité, l’énergie et la passion que demande sa fonction, mais pas le goût de se mettre en avant », affirme le réalisateur Pascal Thomas. Une réserve qui a failli lui coûter cher en s’installant dans un ministère où le retrait n’est pas de mise, surtout si l’on se réfère au flamboyant Jack Lang. « Ça a été compliqué au début », admet-elle sobrement. « Elle n’a pas l’assurance des grands intellos et autres animaux politiques, même si elle est très sûre d’elle-même intellectuellement. Elle a besoin d’être soutenue par Nicolas Sarkozy comme elle l’était par Jacques Chirac », estime un de ses amis. Plus fragilisée que fragile, alors ? « Il ne faut pas croire qu’elle soit effacée, renchérit Catherine Pégard, conseillère à l’Elysée. Elle sait ce qu’elle fait et ce qu’elle veut. Et puis c’est une bosseuse. Son travail et son sérieux sont reconnus. Elle ne dira jamais un mot contre la mission qu’elle doit accomplir. »

 

   Des missions, la ministre de la Culture n’en a pas manqué depuis son arrivée rue de Valois : du délicat projet de loi sur l’audiovisuel à la réforme de son ministère en passant par la récente loi « Création et Internet » déjà adoptée par le Sénat. Aux critiques – vingt-sept amendements avaient été déposés par les sénateurs contre le projet de loi, qualifié par l’UFC Que Choisir de texte « liberticide » et « techniquement irréaliste » –, elle répond que sa démarche est « avant tout pédagogique ». Et de poursuivre de ce ton calme dont on se demande s’il lui arrive de se départir : « Le but est de créer une pression suffisante pour faire baisser de façon drastique les téléchargements illégaux. Le secteur de la musique est sinistré et celui du cinéma, en danger. » Elle s’attaquera ensuite au dossier brûlant des intermittents. « J’ai trouvé en arrivant une situation complexe. J’ai à cœur de la régler par un dialogue permanent. »

 

   Autre défi, cette femme de l’ombre a dû apprendre à se « glamouriser » en Dior ou en Rykiel. « J’arrive le matin avec des housses contenant mes tenues pour la journée et la soirée. J’ai dû m’adapter. » Christine Albanel a dû également travailler sa com, elle qui n’a jamais hésité à dire haut et fort ce qu’elle pensait au sein de l’équipe formée autour de Nicolas Sarkozy pendant la présidentielle. Une franchise qui parfois a pu lui nuire. « C’est une femme libre, mais c’est aussi une vraie femme de droite, affirme l’un de ses amis de gauche. Et c’est surtout une femme de convictions. Le discours du Vél’ d’Hiv de Chirac en 1995, elle l’a écrit sans instructions. » Sa causticité, son sens de l’humour et de la formule savent séduire. Elle a abandonné une carrière littéraire en 1994, après trois pièces de théâtre et un roman. « J’ai d’excellents souvenirs des moments où j’écrivais. » Férue de littérature, elle aime Virginia Woolf et Proust, Echenoz et Le Clézio, mais elle vient également d’inviter à déjeuner des auteurs de premiers romans – qu’elle affectionne. Parce qu’elle observe beaucoup son fils de 19 ans, Antoine, étudiant en droit à Toulouse, elle veut aussi attirer les jeunes à la culture en leur donnant des rendez-vous gratuits ou à prix attractif. C’est le grand chantier auquel elle aimerait, dit-elle, laisser son empreinte.

 

   Michèle Fitoussi