Je suis un paresseux contrarié

Je me réveille à 7 heures et je déteste ça. Je suis un paresseux contrarié, qui rêverait de ne rien faire. Seule une douche me ramène brutalement dans le monde des vivants. Chez Lazard, on me connaît par cœur, alors on évite de me caler des réunions avant 8 h 30, ce qui vaut mieux pour tout le monde, compte tenu de mon humeur matinale ! Lorsque j’arrive au bureau, je prends une demi-heure pour lire les quotidiens (« Libération », « Les Echos », « Le Figaro », le « Financial Times ») tout en écoutant la radio sur Internet. Dès que la valse des rendez-vous commence, j’attrape ma sucette au Coca, car j’ai besoin de sucre pour tenir : il m’arrive d’enchaîner sept ou huit meetings dans la journée lorsque je suis à Paris... On me demande parfois comment je peux continuer à revendiquer ma culture punk en étant banquier d’affaires : pour moi qui pense que tout est politique et qui suis né au monde à travers la musique, il n’y a pas de paradoxe. Les punks étaient contre le système et interrogeaient l’avenir. Etre punk, c’est ne pas faire ce qu’on vous dit de faire, a écrit Virginie Despentes. « Do it yourself » ! J’essaie de faire la même chose, comme je l’explique dans mon livre. Je revendique l’absence de limites, je cherche à mettre du souffle dans ce que j’entreprends et je fonctionne selon trois principes : l’affect – je ne travaille qu’avec des gens que j’estime, humainement et professionnellement –, le fun — non, aider un grand groupe français à se développer à l’international n’est pas ennuyeux, c’est au contraire extrêmement stimulant – et enfin le besoin de me sentir socialement utile. En ce moment, nous conseillons le gouvernement grec, de ce point de vue, je suis comblé !

Je travaille beaucoup, mais je ne le ressens pas comme cela

Je travaille beaucoup, mais je ne le ressens pas comme cela : c’est de l’action. Dès que je peux, au bureau, j’écoute du rock hostile le plus fort possible, je sais que ça insupporte mes collaborateurs mais cela me galvanise. Les morceaux les plus tristes et les plus violents m’apaisent et m’inspirent... Je déjeune souvent chez Lazard, c’est l’idéal en termes de rapidité et de confidentialité ; parfois, il suffit qu’on vous voie en ville avec un interlocuteur « sensible » pour que les rumeurs naissent et fassent capoter une affaire. Lorsque je vais au restaurant, selon le moment et mon interlocuteur, je privilégie le japonais Hanawa, Pétrus, Laurent, le Café de l’industrie, le Café Léa, le Café Germain ou le Mama Shelter... Idéalement, je sors de table en ayant faim. Ne jamais être repu permet de rester en alerte, d’être sous tension, de se garder éveillé.

Je n’appartiens à aucun réseau

Je n’appartiens à aucun réseau, à aucune association, à aucun club, et le seul sport que je pratique, c’est avec ma fille : jouer à Just Dance 3 avec elle, c’est une grande leçon de modestie, tellement je suis mauvais et elle à l’aise. Après les réunions de l’après-midi chez Lazard, je mets ma casquette de patron de presse jusque tard dans la nuit. Je maintiens une étanchéité parfaite avec les rédactions. Comme disait Pierre Bergé avec humour : « Il y a un mur de Berlin entre les journalistes et nous, reste à savoir qui est à l’Est et qui est à l’Ouest. » A la maison, j’essaie de pallier mes absences comme je peux : hier, j’ai fait réciter à mon fils son cours d’économie et « Le Dormeur du val » par téléphone, un moment de pur bonheur pour moi qui vénère la poésie autant que la musique. Avez-vous déjà lu Henri Michaux ? Ecouté Antony and the Johnsons ? C’est une mise en abyme.

Une fois à la maison, j’ai pour principe de ne jamais travailler

Une fois à la maison, j’ai pour principe de ne jamais travailler et, faute de trouver le sommeil – je dors trois heures et demie à quatre heures par nuit depuis toujours –, je me détends en relisant toujours les mêmes livres (j’ai dû lire « Salammbô » 132 fois, « Le Comte de Monte-Cristo » 217 fois, et je ne compte plus pour « L’Homme révolté ») ou en me repassant un de mes films cultes. Je pense être un des grands experts mondiaux en comédies américaines : celles de Ben Stiller, Will Ferrell et Russell Brand... Mon métier consiste à donner des conseils, alors laissez-moi vous recommander deux films du réalisateur Nicholas Stoller : « Sans Sarah, rien ne va ! » et « American Trip ». Vous n’avez rien vu d’aussi réjouissant depuis longtemps, promis !